La chronique de Venance Konan: Afrique mon Afrique

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La chronique de Venance Konan: Afrique mon Afrique

Le 11/08/23 à 15:05
modifié 11/08/23 à 15:09
Afrique mon Afrique

Beaucoup de ceux de ma génération ont appris au collège ce poème de David Diop

intitulé «Afrique mon Afrique». Il y écrit ces vers:«Afrique mon Afrique, Afrique

des fiers guerriers dans les savanes ancestrales...Afrique, dis-moi Afrique, est-ce

donc toi ce dos qui se courbe et se couche sous le poids de l’humilité ce dos

tremblant à zébrures rouges qui dit oui au fouet sur les routes du midi...» Et le

poème se termine sur ces vers: «c’est l’Afrique ton Afrique qui repousse qui

repousse patiemment obstinément et dont les fruits ont peu à peu l’amère saveur de

la liberté.» Etrangement ce sont ces vers qui me sont venus en tête lorsque j’ai

entendu qu’en République démocratique du Congo (RDC) un homme politique

propose que l’on n’autorise désormais la candidature à la présidentielle qu’aux seuls

Congolais nés de père et de mère congolais. Cela ne vous rappelle rien? Il fut un

temps où chez nous aussi il fallait être Ivoirien de père et de mère ivoiriens pour

briguer le poste de président de la république. Nous savons où cela nous a conduits.

Le Congo-Kinshasa est loin de la Côte d’Ivoire et celui qui fait cette proposition de loi

ne connaît peut-être pas notre histoire. Au moment où nous nous battions ici comme

des chiffonniers sur une question de «et» et de «ou», l’internet n’était pas encore

aussi développé qu’aujourd’hui et cet homme politique était peut-être trop jeune. Il

peut n’avoir pas entendu parler de ce que l’on appela ici l’ivoirité et de ce que cela

nous coûta.

Pour illustrer cette affaire, que je connais bien puisque sous M. Bédié j’avais soutenu

cette ivoirité, prenons cette image: pour tuer un moustique posé sur un mur déjà très

fragile, nous avons pris un gros marteau et avons frappé très fort. Nous avons

malheureusement raté le moustique, mais nous avons cassé le mur. Je m’explique

mieux. Pour écarter M. Alassane Ouattara du jeu politique ivoirien, Monsieur Henri

Konan Bédié d’abord, puis Monsieur Robert Guéï ensuite et Monsieur Laurent

Gbagbo finalement, ont dit qu’il fallait que le candidat à la présidence ou au poste de

député soit de père et/ou de mère ivoiriens. M. Bédié avait commencé en

développant la notion d’ivoirité qui était présentée comme un concept culturel destiné

à rassembler tous les Ivoiriens. Mais comme dans le même temps on a adopté une

loi qui réservait le poste de président aux seuls citoyens issus de parents tous deux

Ivoiriens, on a assimilé cela à l’ivoirité, puis tout s’est mélangé et c’est allé dans tous

les sens. On a commencé par exclure de la vie publique tous ceux qui étaient censés

être proches de M. Ouattara, puis tous ceux qui venaient du nord, la région d’origine

de M. Ouattara, puis ceux qui partageaient la même religion musulmane que lui, et à

la fin, tous ceux dont les deux parents n’étaient pas Ivoiriens étaient considérés

comme des Ivoiriens pas tout à fait ivoiriens. Et nos policiers et gendarmes qui ne

ratent aucune occasion de racketter ont commencé à harceler tous ceux qui

portaient des gros boubous qui faisaient d’eux des musulmans, ceux dont les noms

étaient à consonance nordiste, ceux dont on trouvait la carte d’identité suspecte, puis

on a expulsé de leurs plantations des personnes considérées comme étrangères,

etc.

Cela nous coûta un coup d’Etat en décembre1999, une transition militaire très

chaotique et sanglante, une élection présidentielle très meurtrière, des législatives

tout aussi meurtrières, puis une rébellion qui occupa la moitié nord du pays pendant


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