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La chronique de Venance Konan: Afrique mon Afrique
Afrique mon Afrique
Beaucoup de ceux de ma génération ont appris au collège ce poème de David Diop
intitulé «Afrique mon Afrique». Il y écrit ces vers:«Afrique mon Afrique, Afrique
des fiers guerriers dans les savanes ancestrales...Afrique, dis-moi Afrique, est-ce
donc toi ce dos qui se courbe et se couche sous le poids de l’humilité ce dos
tremblant à zébrures rouges qui dit oui au fouet sur les routes du midi...» Et le
poème se termine sur ces vers: «c’est l’Afrique ton Afrique qui repousse qui
repousse patiemment obstinément et dont les fruits ont peu à peu l’amère saveur de
la liberté.» Etrangement ce sont ces vers qui me sont venus en tête lorsque j’ai
entendu qu’en République démocratique du Congo (RDC) un homme politique
propose que l’on n’autorise désormais la candidature à la présidentielle qu’aux seuls
Congolais nés de père et de mère congolais. Cela ne vous rappelle rien? Il fut un
temps où chez nous aussi il fallait être Ivoirien de père et de mère ivoiriens pour
briguer le poste de président de la république. Nous savons où cela nous a conduits.
Le Congo-Kinshasa est loin de la Côte d’Ivoire et celui qui fait cette proposition de loi
ne connaît peut-être pas notre histoire. Au moment où nous nous battions ici comme
des chiffonniers sur une question de «et» et de «ou», l’internet n’était pas encore
aussi développé qu’aujourd’hui et cet homme politique était peut-être trop jeune. Il
peut n’avoir pas entendu parler de ce que l’on appela ici l’ivoirité et de ce que cela
nous coûta.
Pour illustrer cette affaire, que je connais bien puisque sous M. Bédié j’avais soutenu
cette ivoirité, prenons cette image: pour tuer un moustique posé sur un mur déjà très
fragile, nous avons pris un gros marteau et avons frappé très fort. Nous avons
malheureusement raté le moustique, mais nous avons cassé le mur. Je m’explique
mieux. Pour écarter M. Alassane Ouattara du jeu politique ivoirien, Monsieur Henri
Konan Bédié d’abord, puis Monsieur Robert Guéï ensuite et Monsieur Laurent
Gbagbo finalement, ont dit qu’il fallait que le candidat à la présidence ou au poste de
député soit de père et/ou de mère ivoiriens. M. Bédié avait commencé en
développant la notion d’ivoirité qui était présentée comme un concept culturel destiné
à rassembler tous les Ivoiriens. Mais comme dans le même temps on a adopté une
loi qui réservait le poste de président aux seuls citoyens issus de parents tous deux
Ivoiriens, on a assimilé cela à l’ivoirité, puis tout s’est mélangé et c’est allé dans tous
les sens. On a commencé par exclure de la vie publique tous ceux qui étaient censés
être proches de M. Ouattara, puis tous ceux qui venaient du nord, la région d’origine
de M. Ouattara, puis ceux qui partageaient la même religion musulmane que lui, et à
la fin, tous ceux dont les deux parents n’étaient pas Ivoiriens étaient considérés
comme des Ivoiriens pas tout à fait ivoiriens. Et nos policiers et gendarmes qui ne
ratent aucune occasion de racketter ont commencé à harceler tous ceux qui
portaient des gros boubous qui faisaient d’eux des musulmans, ceux dont les noms
étaient à consonance nordiste, ceux dont on trouvait la carte d’identité suspecte, puis
on a expulsé de leurs plantations des personnes considérées comme étrangères,
etc.
Cela nous coûta un coup d’Etat en décembre1999, une transition militaire très
chaotique et sanglante, une élection présidentielle très meurtrière, des législatives
tout aussi meurtrières, puis une rébellion qui occupa la moitié nord du pays pendant
intitulé «Afrique mon Afrique». Il y écrit ces vers:«Afrique mon Afrique, Afrique
des fiers guerriers dans les savanes ancestrales...Afrique, dis-moi Afrique, est-ce
donc toi ce dos qui se courbe et se couche sous le poids de l’humilité ce dos
tremblant à zébrures rouges qui dit oui au fouet sur les routes du midi...» Et le
poème se termine sur ces vers: «c’est l’Afrique ton Afrique qui repousse qui
repousse patiemment obstinément et dont les fruits ont peu à peu l’amère saveur de
la liberté.» Etrangement ce sont ces vers qui me sont venus en tête lorsque j’ai
entendu qu’en République démocratique du Congo (RDC) un homme politique
propose que l’on n’autorise désormais la candidature à la présidentielle qu’aux seuls
Congolais nés de père et de mère congolais. Cela ne vous rappelle rien? Il fut un
temps où chez nous aussi il fallait être Ivoirien de père et de mère ivoiriens pour
briguer le poste de président de la république. Nous savons où cela nous a conduits.
Le Congo-Kinshasa est loin de la Côte d’Ivoire et celui qui fait cette proposition de loi
ne connaît peut-être pas notre histoire. Au moment où nous nous battions ici comme
des chiffonniers sur une question de «et» et de «ou», l’internet n’était pas encore
aussi développé qu’aujourd’hui et cet homme politique était peut-être trop jeune. Il
peut n’avoir pas entendu parler de ce que l’on appela ici l’ivoirité et de ce que cela
nous coûta.
Pour illustrer cette affaire, que je connais bien puisque sous M. Bédié j’avais soutenu
cette ivoirité, prenons cette image: pour tuer un moustique posé sur un mur déjà très
fragile, nous avons pris un gros marteau et avons frappé très fort. Nous avons
malheureusement raté le moustique, mais nous avons cassé le mur. Je m’explique
mieux. Pour écarter M. Alassane Ouattara du jeu politique ivoirien, Monsieur Henri
Konan Bédié d’abord, puis Monsieur Robert Guéï ensuite et Monsieur Laurent
Gbagbo finalement, ont dit qu’il fallait que le candidat à la présidence ou au poste de
député soit de père et/ou de mère ivoiriens. M. Bédié avait commencé en
développant la notion d’ivoirité qui était présentée comme un concept culturel destiné
à rassembler tous les Ivoiriens. Mais comme dans le même temps on a adopté une
loi qui réservait le poste de président aux seuls citoyens issus de parents tous deux
Ivoiriens, on a assimilé cela à l’ivoirité, puis tout s’est mélangé et c’est allé dans tous
les sens. On a commencé par exclure de la vie publique tous ceux qui étaient censés
être proches de M. Ouattara, puis tous ceux qui venaient du nord, la région d’origine
de M. Ouattara, puis ceux qui partageaient la même religion musulmane que lui, et à
la fin, tous ceux dont les deux parents n’étaient pas Ivoiriens étaient considérés
comme des Ivoiriens pas tout à fait ivoiriens. Et nos policiers et gendarmes qui ne
ratent aucune occasion de racketter ont commencé à harceler tous ceux qui
portaient des gros boubous qui faisaient d’eux des musulmans, ceux dont les noms
étaient à consonance nordiste, ceux dont on trouvait la carte d’identité suspecte, puis
on a expulsé de leurs plantations des personnes considérées comme étrangères,
etc.
Cela nous coûta un coup d’Etat en décembre1999, une transition militaire très
chaotique et sanglante, une élection présidentielle très meurtrière, des législatives
tout aussi meurtrières, puis une rébellion qui occupa la moitié nord du pays pendant