La chronique de Venance Konan : Il pleuvait ce soir-là

Le président Henri Konan Bédié est parti. (Ph:DR)
Le président Henri Konan Bédié est parti. (Ph:DR)
Le président Henri Konan Bédié est parti. (Ph:DR)

La chronique de Venance Konan : Il pleuvait ce soir-là

Le 05/08/23 à 08:21
modifié 05/08/23 à 08:21
Il pleuvait ce soir-là. Et je suis allé rendre visite à un ami hospitalisé à la Pisam. Sur le parking de la clinique, je suis resté quelque temps dans ma voiture et j’ai fait des photos d’un arbre sous la pluie, à travers la vitre.

Pour illustrer la couverture de mon prochain recueil de chroniques. Dans la chambre de mon malade, un autre ami m’a envoyé un message m’informant que le président Bédié était en train d’être évacué par hélicoptère sur la Pisam depuis Daoukro.

Cela m’a rappelé ma propre évacuation, le 19 septembre 2014, par hélicoptère depuis Daoukro, sur l’Institut de cardiologie d’Abidjan. J’ai dit à mon ami malade qu’il aura bientôt un illustre voisin et nous avons ri.

En sortant de la clinique, aux alentours de 19 heures 30, il pleuvait toujours. Et j’ai vu un hélicoptère atterrir.

Une ambulance s’est avancée vers lui. J’étais trop loin pour distinguer quelque chose. Je n’ai pas cherché à m’approcher. J’avais compris que c’était le président Bédié qui venait d’arriver. Je suis parti lorsque l’ambulance s’est éloignée de l’hélicoptère.

A la maison, j’ai appris la terrible nouvelle de son décès. Et il s’est mis à pleuvoir dans mon cœur. Ce mardi soir-là, il a plu sur la Côte d’Ivoire et sur nos cœurs. N’Zuéba.

L’enfant de la pluie s’en était allé. Il nous avait dit que tous les grands moments de sa vie étaient marqués par la pluie. On en avait d’abord ri, puis nous avons eu à le constater en maintes occasions.

Je me souviens de cette pluie en pleine saison sèche dans le nord de notre pays lorsqu’il y avait été en tournée. De ces inondations au Japon lors de sa visite. Et de cette autre pluie, le jour de son retour d’exil. Oui, il y avait effectivement du vrai dans ce qu’il avait dit.

Seuls les oracles pourront un jour nous dire pourquoi il en était ainsi. Le savait-il, lui-même ? Il ne pouvait s’en aller de cette vie, de sa si riche vie, que sous la pluie.

La pluie de ce soir-là était fine, rafraîchissante, bienfaisante, apaisante. N’Zuéba, Président, Papa, Tonton, Papy. A Daoukro, il était tout cela pour nous tous.

La pluie l’a accompagné auprès de ses ancêtres, eux qui savent pourquoi, ils ont marqué sa vie du sceau de cette ondée qui peut donner et entretenir la vie, ou au contraire la détruire. Donner la vie ou la mort.

Bédié, le N’Zuéba, a choisi de donner la vie, de la protéger, de l’entretenir, de la développer. Qu’il repose auprès de ses ancêtres dans ce « Blolo » de son peuple Baoulé.

Et d’où il est désormais, qu’il nous apporte toujours cette pluie vivifiante qui féconde la terre et fait germer les plantes nourricières. Cette pluie qui est synonyme de vie.

Son village de Pèpressou, sa ville de Daoukro, sa région de l’Iffou, son pays baoulé, son parti le Pdci-Rda, sa Côte d’Ivoire qu’il laisse orphelins auront besoin de cette pluie pour continuer de grandir.

Il est donc parti, ce soir de pluie, sans crier gare, sans prévenir, nous laissant hébétés, incrédules. Pèpressou, Daoukro, l’Iffou, le pays baoulé, le Pdci, la Côte d’Ivoire sans Bédié désormais ! Qui, dans ce pays, pouvait imaginer une telle chose seulement le mardi 1er août jusqu’à 18 heures ?

Même lorsque l’on a appris qu’il était en train d’être évacué de Daoukro à Abidjan, pour nous tous, ce ne pouvait être que pour un malaise dont il se remettrait bien vite.

Nous avions oublié son âge. Nous avions oublié que la mort est parfois traîtresse, qu’elle frappe souvent sans demander l’avis de qui que ce soit. Nous aimons tant la vie que nous oublions son envers, la mort, qui la côtoie et l’épie en permanence, attendant toujours le bon moment, celui qu’elle a choisi elle-même, et elle seule, pour porter l’estocade. C’est pour cela que toutes les sagesses, à commencer par celles du pays de Bédié recommandent à tous de se tenir toujours prêts pour le grand voyage auprès des ancêtres. Nous aimons tous tant nos leaders que nous finissons par les croire immortels. Et lorsque l’irréparable survient, nous sommes désemparés.

Comment Pèpressou, Daoukro et le Pdci-Rda survivront-ils à ce départ ? S’est-on aussi préparé ailleurs, dans les autres partis politiques, dans les autres régions, pour le départ inéluctable du leader qui pourrait survenir au moment où l’on s’y attend le moins ?

Le président Henri Konan Bédié est parti. Honneur à lui


Le 05/08/23 à 08:21
modifié 05/08/23 à 08:21