Malades du vitiligo : Une vie entre souffrance et regards blessants (DOSSIER)

Une peau  atteinte du vitiligo.
Une peau atteinte du vitiligo.
Une peau atteinte du vitiligo.

Malades du vitiligo : Une vie entre souffrance et regards blessants (DOSSIER)

Le 01/07/23 à 12:10
modifié 03/07/23 à 23:16
Le vitiligo est une maladie chronique qui se caractérise par une dépigmentation variable de la peau. La grande majorité des malades vit une vraie souffrance.
Maladie rare, sans remède définitif pour le moment, le vitiligo impacte la qualité de vie du sujet sur le plan social, psychologique et affectif. La grande majorité des malades vit une vraie souffrance. N’Dri Amoin Marcelline, qui a contracté cette pathologie, à l’âge de 30 ans, en souffre depuis trois ans. Aujourd’hui, elle a 33 printemps.

N’dri Amoin Marcelline  a contracté cette pathologie à l’âge de 30 ans. (Ph:PN)
N’dri Amoin Marcelline a contracté cette pathologie à l’âge de 30 ans. (Ph:PN)



Son vitiligo non segmentaire a débuté avec l’apparition d’une tache blanche, puis a évolué de façon très variable au fil du temps. Le visage, les mains et les pieds ont été atteints, lui donnant deux couleurs de peau. Des parties blanches. Et des zones noires cirées. Elle vit difficilement avec la maladie qui donne une couleur bigarrée à son corps.

Les larmes aux yeux, N’Dri Amoin Marcelline supporte mal le regard des autres. D’ailleurs, elle l’évite. Même se rendre dans son village est devenu un calvaire. Puisqu’il y a trois ans de cela, Marcelline avait une peau d’ébène uniforme. « À Abidjan, mes amis et collègues sont habitués. Ils savent que je souffre d’une maladie », se console-t-elle. Il lui arrive de penser qu’elle est victime d’un sort maléfique. « Je suis peut-être en train de payer pour un péché », poursuit-elle triste.

Cette maladie impacte également sa vie de couple. Son petit ami se bat pour qu’elle guérisse. « Il ne m’a pas encore répudiée. Mais quand il s’exprime, on sent sa gêne sur mon état de santé », note-t-elle.

Puis de raconter une anecdote: « Il y a quelques jours, il y a eu un décès dans sa famille. Je voulais l’accompagner aux obsèques, mais il s’y est opposé. Argumentant que ses parents vont se poser des questions sur la nouvelle couleur de ma peau. Je suis plus à l’aise dans un milieu inconnu, contrairement à là où j’ai grandi. J’ai des difficultés à fréquenter ces endroits ».

Une star atteinte du vitiligo.
Une star atteinte du vitiligo.



Le vitiligo est une maladie chronique qui entraîne une dépigmentation variable de la peau. Il se caractérise par des plaques nommées achromies ou leucodermies. Elles ont la couleur blanche. Cette dépigmentation ne provoque pas de démangeaison, sauf dans des cas rares.

Selon d’autres recherches, le vitiligo serait dû à des brûlures par le feu ou par des produits chimiques. «C’est vers la fin de l’année 2020 que j’ai constaté l’apparition de petites taches blanches sur ma peau. J’ignorais la cause de ces taches. J’ai commencé à prendre des médicaments traditionnels. Mais les taches évaluaient sur mon corps. Je me suis alors rendue dans un centre de santé. C’est là que le médecin m’a fait savoir que je souffre du vitiligo », rapporte la jeune femme.

Un traitement médical lui a été prescrit qui s’est avéré inefficace. Conséquence, Mlle N’Dri appréhende la maternité. « J’ai peur d’avoir un enfant. Je me dis qu’il sera peut-être contaminé », s’inquiète-t-elle. Pourtant, cette pathologie, selon les spécialistes, n’est pas contagieuse.

Le cas Marie Claude Sandra Yobo et son père

Ayant contractée cette maladie, Marie Claude Yobo a mis en place une association pour soutenir les malades. (DR)
Ayant contractée cette maladie, Marie Claude Yobo a mis en place une association pour soutenir les malades. (DR)



Mais chose curieuse, Marie Claude Sandra Yobo et son père, Mathias Daligou Yobo, résidant à Yopougon, souffrent de la même pathologie... C’est le père qui a été le premier à la contracter. « Cela fait dix ans que je souffre de cette maladie. Un jour, j’ai constaté des taches blanches sur ma main droite. Je me suis rendu au Chu de Treichville. C’est là que le Prof. Kaloga Mamadou a déclaré que c’était un début de vitiligo », confie-t-il.

Et de poursuivre : « Ce n’était pas facile pour moi de supporter le regard des gens. Je portais des chemises manches longues pour camoufler les taches. Je ne suis pas né comme ça ». Évoquant la situation de sa fille aînée qui développe aussi cette maladie, M. Yobo n’écarte pas une piste mystérieuse.

« En Afrique, c’est possible. Mes parents ne souffraient pas de cette maladie », relève-t-il. Et de reconnaître qu’il souffre de voir sa fille victime de cette dermatose. Marie Claude Yobo a mis en place une association pour soutenir les malades. Cette étudiante en Master 1 production audiovisuelle à l’Académie audiovisuelle de Paris (France) a constaté l’apparition des premières taches à l’âge de 20 ans. «Les premières plaques sont apparues subitement sur mon tibia droit. Après, cela a évolué. C’étaient de petites taches. Le médecin m’a dit que je souffrais de vitiligo», raconte-t-elle. « Il faut savoir qu’il y a deux types de vitiligo. Il y a le vitiligo segmentaire et le vitiligo généralisé », précise-t-elle. «Moi je souffre du vitiligo généralisé. Le médecin m’a dit que cette maladie ne se traite pas », souligne-t-elle. Comme toutes les autres victimes, Marie Claude a difficilement intégré cette pathologie dans son mode de vie. « Mes amis m’ont acceptée. Je vis tant bien que mal avec la maladie », dit-elle.

Un traitement coûteux mais inefficace

Pas de médicaments. Le traitement du vitiligo coûte cher. Les dermatologues prescrivent la mélanine composée de crème, pommade; des médicaments excessivement onéreux. « J’ai également utilisé des médicaments traditionnels », souligne-t-elle. N’Dri Amoin Marcelline est prête à utiliser toutes sortes de produits pharmaceutiques pour retrouver l’homogénéité de sa peau. A Yobo Mathias qui s’est rendu au Chu de Treichville pour le consulter, le Prof. Kalogo Mamadou a clairement indiqué que le traitement est lent. Et inefficace. « Il m’a prescrit des médicaments que j’ai essayés. J’ai même passé la commande d’un médicament en France. La pommade qui se présentait sous forme de tube coûtait 150 000 FCfa. Je l’ai appliquée sur ma peau, mais pas de changement », regrette-t-il. Par la suite, un proche m’a conseillé un tradi-praticien dans un village non loin de Saïoua. «Il m’a prescrit un traitement avec des totems. C’est une pâte faite à base de plantes. Je l’ai appliquée sur tout mon corps. La maladie a commencé à disparaître. J’ai dépensé plus d’un 1 500 000FCfa pour mes soins », informe-t-il. Tous ces traitements lui ont redonné espoir. Cependant, les taches sont encore visibles sur sa bouche et quelques parties de son corps. « Je garde espoir qu’un jour, un remède sera trouvé pour guérir de cette maladie », se rassure-t-il.

Des pistes d’un remède existent

Pour Fouo Adama, docteur en naturothérapie, vice-président chargé de la recherche scientifique, de la formation et du renforcement des capacités à la Fédération des tradipraticiens de santé et des naturothérapeutes de Côte d’Ivoire, des pistes pour un remède existent. « En dépit de la difficulté à traiter et à prévenir le vitiligo, nous avons confiance en nos chercheurs. Beaucoup de recherches nous donnent des signes d’un lendemain meilleur. Nous avons donc espoir que des remèdes adéquats pourront être trouvés », fait-il savoir. Avant d’ajouter que sa fédération nourrit le secret désir de voir le vitiligo se guérir comme le paludisme ou le mal de dent. Toutefois, le vitiligo étant une maladie dont on ne connaît pas les causes, Dr Fouo conseille à toute personne qui dispose d’un terrain génétique propice d’être regardante sur des cicatrices récentes, des lésions de la peau ou des zones soumises à des frottements réguliers. Car cela pourrait favoriser l’apparition de plaques blanches, donc du vitiligo.

Patrick N’Guessan

Encadré 1

Le poivre noir, un remède


Bien qu’aucun traitement réellement efficace n’existe à ce jour, il est possible d’atténuer les taches blanches du vitiligo présentes sur la peau grâce à des remèdes naturels. Le poivre noir serait un des meilleurs remèdes, même si cela n’est pas encore prouvé scientifiquement. En effet, le poivre a plusieurs propriétés : en plus d’assaisonner nos plats, il a le pouvoir d’augmenter la production de mélanine dans le corps humain. La pipérine qui le compose stimule la formation de mélanocytes. Le poivre noir permet de pigmenter à nouveau la peau. P. N

PN

Encadré 2

La crème l’Opzelura (ruxolitinib), l’espoir


Lueur d’espoir. Selon le journal Le Monde, la Commission européenne a donné son aval, le 20 avril 2023, pour la mise sur le marché en Europe d’une crème, l’Opzelura (ruxolitinib), contre cette maladie auto-immune chronique qui attaque les mélanocytes, provoquant une décoloration de la peau. Le médicament est autorisé aux États-Unis depuis juillet 2022. En Europe, l’Allemagne sera très probablement le premier pays à le commercialiser. En France, compte tenu des délais pendant lesquels la Haute autorité de la santé évalue le médicament en vue de son remboursement par l’assurance-maladie et de la fixation de son prix, l’Opzelura sera certainement en vente le premier trimestre de 2024. Le Vitiligo, maladie auto-immune chronique liée à la perte des mélanocytes qui synthétisent normalement la mélanine, principal pigment colorant la peau, touche entre 0,5 % et 2 % de la population mondiale, 50 % des malades développent cette pathologie avant l’âge de 20 ans. En France, on estime qu’entre 600 000 et 1 000 000 de personnes en souffrent. Les hommes sont autant concernés que les femmes et peu importe la couleur de peau.

P. N’GUESSAN

Encadré 3

Sublimer la peau pour camoufler les taches


Une maquilleuse professionnelle pour camoufler les parties.
Une maquilleuse professionnelle pour camoufler les parties.



Joëlle Bokobri est maquilleuse professionnelle. En attendant la disponibilité d’un traitement efficace, elle propose aux femmes atteintes de la maladie de sublimer leur peau afin de mener une vie normale. Ainsi, pour se rendre à une cérémonie de mariage ou autres, elle conseille aux personnes atteintes de cette pathologie de camoufler les taches pendant au moins 24h avec un bon make-up, pour donner un éclat au visage. Et ce, en corrigeant et en unifiant le teint avec une crème. Très riche en pigments avec un fort pouvoir couvrant, la crème de teint compacte est la plus adaptée pour combler l’écart entre la zone dépigmentée et la carnation d’origine.

P. N’GUESSAN

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Dr Amani Wilfried (Médecin-interne des hôpitaux des dermatologies-vénérologies, au Chu de Treichville) : « Il n’existe actuellement aucun remède définitif contre le vitiligo » (interview)

Dr Amani Wilfried, médecin-interne des hôpitaux des dermatologies-vénérologies au Chu de Treichville.
Dr Amani Wilfried, médecin-interne des hôpitaux des dermatologies-vénérologies au Chu de Treichville.



Qu’est-ce que le vitiligo ?

Plusieurs théories foisonnent sur cette maladie. Il y a la théorie auto-immune : des anticorps dirigés contre des protéines mélanocytaires (tyrosinase, TRP1, TRP2, les facteurs de transcription SOX9 et SOX10, le récepteur1 de la MCH [Melanin Concentrating Hormone]) sont présents chez des patients atteints de vitiligo vulgaire. Il y a d’autres théories, à savoir une infection virale, un déficit intrinsèque des mélanocytes, une origine nerveuse (impliquant les neuropeptides), l’autodestruction des mélanocytes (les métabolites intermédiaires de la mélanogenèse seraient mélanocytotoxiques et entraîneraient la destruction des mélanocytes). Donc, un déficit des processus de détoxification en radicaux libres est responsable de la mort mélanocytaire au cours du vitiligo.

Comment diagnostiquer le vitiligo ?

Il y a une absence de symptomatologie fonctionnelle ou signes inflammatoires habituels. On parle de macule achromique, couleur uniforme, blanc laiteux, forme et taille variables, bords toujours convexes, contours parfois hyperpigmentés sur la peau. On remarque sur la surface normale opographie des lésions. Les régions les plus pigmentées sont les creux axillaires et les organes génitaux externes ; ainsi que les régions découvertes, exposées à la lumière. Il y a aussi les régions périorificielles. Les zones de protubérance osseuse : genoux, crêtes tibiales, régions malléolaires, épines iliaques et régions sacrées sont exposés. On peut ajouter les régions exposées à des microtraumatismes répétés (phénomène de Koebner). Quels sont les différents types de vitiligo ? Selon l’aspect des lésions, il y a le Vitiligo trichrome : aspect en cocarde avec une zone centrale achromique, une couronne périphérique hypopigmentée. Il y a aussi le vitiligo moucheté : îlots de pigmentation centrés par un poil au sein d’une macule. Et enfin, le Vitiligo ponctué (multitude de confettis achromiques) qui est rare.

Quels sont les aspects cliniques de vitiligo ?

Selon l’étendue des lésions, le vitiligo non segmentaire (NSV) comprend les formes acrofaciale, muqueuse, généralisée ou commune, universelle et mixte en plus des formes rares. L’Acrofaciale peut toucher le visage, la tête, les mains et les pieds, et concerner de préférence la région péribuccale et les extrémités des doigts. Le vitiligo muqueux affecte les muqueuses buccales et génitales. La forme généralisée ou commune : les macules/plaques sont souvent symétriques. Ils peuvent affecter n’importe quelle partie du tégument, principalement les mains, les doigts, le visage et les zones exposées aux traumatismes. La forme universelle est celle qui affecte la plus grande étendue du tégument (80 à 90 % de la surface corporelle), et c’est la forme la plus courante à l’âge adulte. La forme généralisée ou commune la précède généralement. La forme mixte : il s’agit de l’atteinte concomitante d’un vitiligo segmentaire et non segmentaire. Le plus souvent, la forme segmentaire précède le NSV. Formes rares : vitiligo punctata, mineur et folliculaire. Ces types étaient également considérés comme inclassables. Quant au Vitiligo segmentaire, il peut toucher un, deux ou plusieurs segments. La forme uni-segmentaire est la plus courante et consiste en une ou plusieurs macules blanches sur un côté du corps, respectant généralement la ligne médiane du corps, et il existe également une implication des poils corporels (leucotrichie) en plus de l’apparition rapide de la maladie. Plus rarement, elle peut toucher deux ou plusieurs segments, et même avoir une distribution segmentaire bilatérale, débutant simultanément ou non.

Quels sont les aspects thérapeutiques du vitiligo ?

Il faut obtenir une repigmentation cutanée.

Existe-t-il un traitement local ?

Les dermocorticoïdes peuvent être recommandés pour le traitement des vitiligos très localisés. L’ES atrophie, les vergetures et les télangiectasies, ainsi que les effets secondaires systémiques. Inhibiteurs de la calcineurine : tacrolimus et le pimécrolimus sont utilisés pour le traitement du vitiligo souvent en association avec la photothérapie.

On parle aussi de photochimiotherapie par voie orale ?

C’est une technique de photothérapie. Ses effets résultent d’une interaction au niveau de la peau d’une substance photosensibilisante administrée par voie orale (Psoralène) suivie d’une Irradiation Uva de longueur d’onde efficace.

Patrick N'GUESSAN



Le 01/07/23 à 12:10
modifié 03/07/23 à 23:16