"Les bonnes feuilles" : Éclairage sur une légende qui avait cours à la RTI sur Mamadou Ben Soumahoro
« Suis-je le fils, le neveu de Ben Soumahoro ?
Vrai ou faux, ce qui est certain ce Grand-Homme de télévision, aujourd’hui disparu aura contribué avec des lettres d’or à écrire les plus belles pages de l’histoire de la télévision ivoirienne.
En effet à mes débuts à la télévision ivoirienne, (fin 80-début 90) certaines personnes me posaient des questions sur mes liens filiaux, paternels supposés avec Ben Soumahoro. Bref ce n’est pas le sujet du jour...
‘’Le Fauteuil Blanc’’ et plus tard ‘’Le Grand-Débat’’, des couteaux à double tranchants
On l’aime ou non, ce qui est sûr Ben Soumahoro n’aura laissé personne indifférent durant sa carrière professionnelle à la télévision ivoirienne et dans l’univers des médias en Côte d’ivoire. Ben c’est d’abord ‘’ Fauteuil Blanc ‘’. Avoir le privilège de s’asseoir dans ce fauteuil prestigieux, c’est avoir la chance d’être repéré par Félix Houphouët-Boigny et entrer probablement au gouvernement dès le prochain remaniement ministériel.
Il y’avait toute sorte de démarches parallèles, de tentatives d’influence pour être l’illustre Invité de cette émission prestigieuse créée et présentée par Ben Soumahoro.
Si vous pensiez intimider Ben, vous vous fûtes simplement trompé. Ben Soumahoro n’était pas du genre à se laisser dicter les leçons.
Même avec une recommandation au plus haut niveau ce n’était pas évident que Ben se laissât manipuler par qui que ce soit. C’est Ben qui pouvait vous influencer et non le contraire. Vous influencer par sa corpulence de gladiateur, en réalité un gentleman. Ben vous influencera par son verbe ; car il était de la race de ces pionniers de la télévision ivoirienne qui brûlaient avec aisance la politesse à la langue de Molière.
‘’Le Fauteuil Blanc’’ et plus tard ‘’Le Grand -Débat’’ étaient en réalité des couteaux à double tranchants. Soit l'émission accroissait votre prestige et notoriété, soit vous y perdiez votre latin et c'était la dégringolade. Votre image en prenait un sacré coup.
Des coups Ben en a donnés, il reçut aussi des uppercuts.
Une légende avait cours à la maison de la télévision à Cocody. Lorsque Ben était en colère, et qu'il rugissait, même les combinés téléphoniques vibraient par l’intonation grave de sa voix. Alors que nous étions dans les années 70-80, loin des cellulaires-vibreurs d'aujourd'hui.
Koffi Abdoul Karim, le réalisateur des pièces de théâtre à la télévision pourrait aujourd’hui témoigner avec sourire, lui qui dit - on était obligé de se dissimuler sous la table de la régie pour échapper à la furia de Ben.
Oui Ben Soumahoro a lui-même reçu beaucoup de coups. Hissé au sommet en qualité de Directeur Général de l'information, le numéro 2 du ministère, venant juste après le Ministre de l'information selon le protocole.
‘’L’affaire Holocauste’’, une histoire inventée de toute pièce !
Non seulement il perdit cette fonction prestigieuse, il perdit également au cours de sa carrière, son titre de Directeur des Programmes, limogé sans ménagement dans ce qu'il est convenu de qualifier ‘’L’Affaire Holocauste’’.
Holocauste était une série américaine à succès produite et diffusée dans les années 1978-79.
Cette série émouvante est articulée autour de l’histoire de la Shoah pendant la Seconde Guerre mondiale) vécue par ‘’les Weiss’’, ‘’une famille de juifs allemands, et par un jeune avocat, lui aussi allemand, timide et sensible qui croit trouver une revanche sur la vie en se faisant enrôler dans les SS où il fera carrière...’’.
Certes, en début de carrière mon patronyme commun de Soumahoro avec Ben a fait l’objet de curiosité et de déclarations non fondées comme annoncé plus haut, mais retenons pour votre gouverne que Ben était ressortissant de Bako dans la région d’Odienné et moi de Kamassela , village situé à 6 km de Touba sur l’axe qui mène à la Sous-Préfecture Waninou.
L’Affaire Holocauste a défrayé la chronique en Côte d’ivoire dans les années 70-80 avec pour personnage central et énigmatique Ben Soumahoro ci-devant Directeur des Programmes de la Télévision à l’époque selon une source bien introduite.
En disgrâce avec son Ministre de tutelle Amadou Thiam, Ben Soumahoro aurait gardé par devers lui les cassettes de la série Holocauste destinées à être diffusées sur l’antenne nationale de la télévision selon la périodicité de cette production à succès national et international.
La non-diffusion de l’épisode du jour avait aussitôt mis en émoi la nation, et les étudiants avaient commencé à manifester menaçant de marcher sur la télévision.
Le Ministre de l’information Amadou Thiam fut obligé d’effectuer en personne le déplacement de la maison de la télévision à Cocody dans un contexte de crise aigüe.
Un écriteau fut affiché à l’antenne accusant nommément, Ben Soumahoro d’avoir confisqué les cassettes de la série à succès Holocauste.
Le Président Houphouët-Boigny aurait été saisi nuitamment à cet effet, un fait devenu une affaire d’Etat.
Entre temps point de trace de Ben Soumahoro. C’est le Président du Conseil Economique et Social d’alors, Mamadou Coulibaly originaire de la région d’Odienné comme Ben Soumahoro, qui aurait convaincu ‘’le rebelle’’ à rendre les cassettes.
Ben en fera les frais en payant cash cette déconvenue. Il sera aussitôt limogé et sommé de s’expliquer devant le Bureau Politique du PDCI-RDA (Parti unique au pouvoir) présidé par Houphouët-Boigny en personne.
L’histoire est un témoignage, et je puis dire ici et maintenant que j’ai pris mon courage entre mes deux mains, pour poser un jour la question directement au Grand Manitou Ben Soumahoro. Nous étions en 1994, j’avais à peine 4 ans de présence à la RTI.
Avec simplicité devant témoins (Ben Soumahoro présidait une commission de la communication à laquelle nous appartenions), il nous déclara la main sur le cœur qu’il n’avait jamais gardé par devers lui les cassettes de la série Holocauste ; selon lui, c’était tout simplement une histoire inventée de toute pièce, et une cabale contre sa modeste personne...
Pour rappel il fut blanchi dans cette mésaventure et réhabilité et sera même nommé Directeur Central de la télévision.
L’orchestre de la RTI, Miss Côte d’Ivoire, des œuvres de Ben Soumahoro
A l’épilogue de ce témoignage sur Ben Soumahoro alias Waraba (1), retenons que Ben Soumahoro fut comme certains pionniers de la télévision ivoirienne une vraie fierté au plan professionnel.
De Mamadou Ben Soumahoro, professionnel de la télévision jusqu’ aux dents, l’histoire retiendra que de son vivant, il n’a pas pu obtenir deux choses essentielles : être nommé Ministre de l’information et créer sa propre chaine de télévision qu’il voulait baptiser ’’ Télé- Phénix’’
Hélas il ne renaîtra pas de ses cendres, lui l’enfant de Bako.
Mentionnons toute fois que l’orchestre de la RTI, le concours Miss Côte d’Ivoire sont, entre autres, des œuvresde Ben Soumahoro.
‘’Parfois on a besoin que les choses nous manquent pour en réaliser la valeur’’. A Dieu Tonton Ben !
Soumahoro Alfa Yaya
1-Waraba. Grosse Panthère en langue malinké