Bourse des matières premières agricoles de Côte d’Ivoire: Philippe Brizoua, Directeur du développement et de la gestion des projets à la BRVM, fait le point

Philippe Brizoua, Directeur du développement et de la gestion des projets à la BRVM. (Ph: Dr)
Philippe Brizoua, Directeur du développement et de la gestion des projets à la BRVM. (Ph: Dr)
Philippe Brizoua, Directeur du développement et de la gestion des projets à la BRVM. (Ph: Dr)

Bourse des matières premières agricoles de Côte d’Ivoire: Philippe Brizoua, Directeur du développement et de la gestion des projets à la BRVM, fait le point

Le 21/02/23 à 19:02
modifié 21/02/23 à 19:02
La Bmpa-CI va mettre en place un marché organisé des matières premières avec un système de cotation électronique très évolué sur lequel vont être négociées les matières premières agricoles pour permettre à des acheteurs et des vendeurs de fixer un prix sur le marché, soutient le premier responsable de ce projet à la Bourse régionale des valeurs mobilières dans cette interview.
Monsieur le Directeur, où en est le projet de création de la Bourse des matières premières agricoles de Côte d’Ivoire ? Qu'est-ce qui bloque ?

Après avoir réalisé des niveaux records de production sur le plan mondial depuis des décennies, le secteur agricole ivoirien est aujourd’hui à un tournant décisif de son développement, qui requiert de nouvelles initiatives. Une meilleure maîtrise de la commercialisation, notamment des règles du marché international, est devenue l’une des priorités.

L’établissement d’une Bourse des Matières Premières Agricoles est considéré par le gouvernement ivoirien comme l’initiative complémentaire la plus appropriée visant à favoriser une meilleure commercialisation des matières premières, qui devrait intervenir dans un environnement assurant une participation déterminante des structures spécialisées du pays dans la fixation transparente des prix. C’est un mécanisme qui devrait favoriser en outre le développement de financements adaptés aux filières agricoles, entreprises agricoles et agro-industrielles en synergie avec le marché des capitaux.

Démarrée en juillet 2018, l’exécution du Projet Bmpa de Côte d’Ivoire (Bmpa-CI) par la Bourse régionale des valeurs mobilières (Brvm), devait avoir enregistré les premières opérations de négociation en juillet 2020. L’apparition de la Covid-19 et l’impact des mesures mises en place pour la lutte contre la propagation de la pandémie, les évènements douloureux qu’a traversés la Côte d’Ivoire au cours de cette période ainsi que la crise inflationniste mondiale amplifiée par le conflit entre la Russie et l’Ukraine, ont certainement contribué à contrarier les priorités de l’agenda du gouvernement sur ce projet. Après le réaménagement du calendrier d’exécution, le nouvel objectif du démarrage de la phase pilote des premières opérations est fixé en 2023. Pour cela, le cadre juridique, institutionnel et les conditions d’exploitation devront être mis en place de façon prioritaire.

Théoriquement, ce projet d'un marché à terme devait impacter positivement le monde agricole, notamment en accroissant les revenus des producteurs et en diminuant parallèlement le coût des produits pour les consommateurs. Pouvez-vous nous expliquer concrètement comment cette bourse opèrera ?

La Bmpa-CI va mettre en place un marché organisé des matières premières avec un système de cotation électronique très évolué sur lequel vont être négociées les matières premières agricoles pour permettre à des acheteurs et des vendeurs de fixer un prix sur le marché. C’est une bourse où les échanges, avec ou sans la matière première physique, sont canalisés par le biais d’un mécanisme de prix unique, permettant ainsi une transparence effective et une concurrence maximale entre vendeurs et acheteurs. Ce prix est déterminé par une confrontation constante de flux d’informations provenant du monde entier, y compris du marché national. Un système d’information spécifique devrait être déployé sur l’étendue du territoire à travers un réseau de représentation régionale pour assurer une dissémination efficace des informations du marché et une interaction de proximité avec les acteurs. La Bmpa-CI sera dotée d’un marché au comptant dit « Spot », d’un marché à terme dit « Futures » et d’un marché financier « Dérivés ».

Sur un marché au comptant, la finalité reste la livraison physique de la marchandise par le producteur-vendeur, contre un paiement immédiat de l’acheteur, selon les conditions définies par les deux parties contractantes. Le prix au comptant reflète les conditions du marché à un moment et à un endroit précis.

Sur les marchés à terme et financiers Dérivés un engagement est pris, un prix est négocié et connu à l’avance, une livraison d’une certaine quantité de matières premières est fixée, à une date (échéance) future. Ces marchés apportent des opportunités financières nouvelles à travers les marchés à Terme « Futures » et les Options qui sont des instruments financiers permettant d’éliminer une part d’incertitude. Ces marchés permettront au producteur (vendeur) de se protéger contre une baisse des cours et aussi de profiter d’une éventuelle hausse des cours et au consommateur (acheteur) de se protéger contre une hausse des cours et profiter d’une éventuelle baisse des cours. La finalité de ces marchés est soit la couverture d’un risque (pour le producteur ou pour l’acheteur), soit la prise d’un risque dans le but de faire un gain, c’est-à-dire une activité spéculative (investisseurs) qui est nécessaire à la liquidité du marché.

Par ailleurs, à l’instar des principales Bourses des matières premières internationales, les produits issus des premières transformations et les produits finis pourraient être négociés sur la Bmpa-CI au même titre que les Produits de base. Nous avons pour l’exemple, les marchés New York mercantile exchange (Nyme) qui négocie le Cacao, le Café arabica, le Sucre, le Jus d'orange, le Coton, etc. et Euronext qui négocie le Blé, le Colza, l’Huile de colza, le Tourteau de colza, la Poudre de lait écrémé, le Beurre, le Maïs, etc.

La Bmpa-CI s’engagera dans le cadre de partenariats ambitieux avec les Bourses internationales historiques de matières premières des pays développés et des pays émergents. La Côte d’Ivoire dispose de potentiels et d’un poids économique réels dans le secteur des matières premières que la Bmpa-CI s’emploiera à exploiter dans une démarche innovante au profit du secteur agricole.

En plus du marché au comptant, la Bmpa-CI donnera l’opportunité à la Côte d’Ivoire de développer des marchés à terme. Ces marchés ont pour ambition de devenir une plateforme régionale voire mondiale de référence, pour les marchés de noix de Cajou et de noix de Cola dont le pays est le premier producteur et exportateur mondial. Il en est de même pour le maïs qui représente une production stratégique dans la sous-région ouest-africaine.

(La suite de cette interview à lire dans le magazine Emergence économique N°62)


Le 21/02/23 à 19:02
modifié 21/02/23 à 19:02