Pr Kaloga Mamadou, coordonnateur du Pnlub: "si le malade consulte tôt au stade de boule ou gonflement, il guérit sans trace"

Pr Kaloga Mamadou, coordonnateur du Programme national de lutte contre l’ulcère de Buruli. (Ph: Bavane)
Pr Kaloga Mamadou, coordonnateur du Programme national de lutte contre l’ulcère de Buruli. (Ph: Bavane)
Pr Kaloga Mamadou, coordonnateur du Programme national de lutte contre l’ulcère de Buruli. (Ph: Bavane)

Pr Kaloga Mamadou, coordonnateur du Pnlub: "si le malade consulte tôt au stade de boule ou gonflement, il guérit sans trace"

Le 28/10/22 à 11:26
modifié 28/10/22 à 11:26
L’ulcère de Buruli, une maladie négligée qui « détruit » au grand dam des populations.
L’ulcère de Buruli fait partie des Maladies tropicales négligées. Une telle dénomination répond à une caractéristique ?

Les Maladies tropicales négligées sont un groupe de maladies listées par l’Organisation mondiale de la santé (Oms). Il s’agit de maladies que l’on peut soit éliminer, soit éradiquer ou contrôler. Malheureusement, les politiques, le monde scientifique, pharmaceutique et souvent les communautés ne s’y intéressent. Et les ressources financières allouées sont faibles et négligeables par rapport à l’attention accordée à d'autres maladies.

Après la tuberculose et la lèpre, l’ulcère de Buruli est la troisième maladie tropicale mycobactérienne la plus courante au monde. Quel est l'état des lieux en Côte d’Ivoire ?

En effet, l’ulcère de Buruli (Ub) demeure un problème de santé publique en Côte d’Ivoire, eu égard à ses conséquences néfastes sur les personnes atteintes, les communautés et le système de santé. Le nombre de cas est en baisse grâce à l’effort du gouvernement à travers le Programme national de lutte contre l’ulcère de Buruli (Pnlub). L’on est passé de plus de 2500 cas en moyenne par année avant 2010 à moins de 1000 cas à partir de cette date. En 2021, le nombre de nouveaux cas était de 239. Mais la proportion de forme tardive qui donne les plaies est élevée. Les invalidités sont énormes et les enfants demeurent les plus touchés, plus de 50%.

En quelle année l’ulcère de Buruli a été détecté pour la première fois en Côte d’Ivoire et c’est dans quelle région ?

Le premier cas a été dépisté autour des barrages de Kossou en 1978. Mais c’est dans les années 1980 que de nombreux cas ont été découverts à Daloa. Les professionnels de la santé qui recevaient en consultation de grandes plaies étaient confrontés à un problème de diagnostic. C’est de là qu'est venu le nom de « maladie mystérieuse de Daloa ». Mais quelques années après, l’on a su qu’il s’agissait de l’ulcère de Buruli.

Les personnes exposées sont celles vivant dans les zones marécageuses. Quelles sont les régions les plus touchées et le taux de pénétration de la maladie (foyers) ?

Oui, l’ulcère de Buruli sévit dans les zones d’irrigation, de marécage. C’est pourquoi le nombre de cas est plus élevé autour des barrages hydroélectriques comme à Tiassalé, Yamoussoukro. En général, ce sont les zones autour du Bandama et du Sassandra, Daloa, Sinfra et Oumé qui sont les plus touchées.

Depuis de nombreuses années, le traitement de base consiste en une intervention chirurgicale. Pourtant, tout évolue avec le temps.

Les choses ont énormément évolué. On sait que la maladie est provoquée par un microbe bien identifié. Or, on ne tue pas un microbe avec une larme de bistouri mais avec des antibiotiques. Le traitement très efficace, est à base de deux antibiotiques donnés gratuitement aux malades. Le traitement dure 58 jours. Mais si le malade consulte tard et que la plaie est large, alors la chirurgie vient aider le malade à vite cicatriser.

L’ulcère de Buruli a un impact sur le malade. Il peut avoir des invalidités permanentes très lourdes. La maladie peut aussi avoir des conséquences sur la famille du malade. Votre commentaire sur le fort impact de cette maladie sur la société.

Effectivement un malade atteint de l’ulcère de Buruli peut rester au moins trois mois invalide s’il est pris en charge à un stade tardif. Il n’est donc plus productif. Il devient une charge pour la famille car une personne doit l’assister. En général, il s’agit de la mère pour les enfants ou le mari. La longue prise en charge devient une charge pour le système de santé. 50 % des cas des malades sont des enfants de moins de 15 ans. Leur hospitalisation entraîne leur déscolarisation sur une longue période et mobilise le plus souvent un parent. Il y a des exemples rares de parents qui abandonnent l’enfant parce qu’ils doivent produire de quoi nourrir le reste de la famille.

Malgré des résultats de la stratégie nationale de dépistage et de prise en charge, l'on constate que la maladie continue de sévir.

Nous élaborons des plans stratégiques et de directives clairs pour permettre à la communauté et au corps médical de lutter efficacement contre l’ulcère de Buruli. Parmi les stratégies, le dépistage actif permet d’aller chercher les malades dans les communautés, ainsi que les sensibilisations des populations à la reconnaissance des signes suspects, sont à encourager. Mais cela nécessite des moyens financiers. L’Etat apporte l’appui mais il n’est pas forcément suffisant, il faut aller plus loin.

Peut-on mourir de cette maladie ? Si oui quel est le taux de mortalité annuel ?

L’ulcère de Buruli n’est pas mortel. D’ailleurs si le malade consulte tôt au stade de boule ou gonflement, il guérit sans trace. Par contre quand il s’agit de stade d’ulcère, il y a des conséquences de surinfection, de tétanos, d’anémie, de nutrition. Il est donc recommandé de consulter tôt dès l’apparition de boule ou gonflement sur la peau.

En Côte d’Ivoire, nous avons combien de centres de traitement de l’ulcère de Buruli ?

Dans 30 districts où sévit la maladie, tous les infirmiers des dispensaires de village sont capables d’assurer le traitement de tout cas qui se présente. Mais il existe sept centres plus outillés pour assurer le traitement des cas compliqués par les médicaments et la chirurgie. Ce sont les centres de Divo, Zoukougbeu, Kongouanou, Yamoussoukro, Sakassou, Djekanou et Adzopé.

Outre les médicaments, quels sont les autres apports de l’Etat ou des partenaires éventuellement ?

En dehors des médicaments et des ressources humaines, l’Etat soutient le fonctionnement du Programme de lutte contre l’ulcère de Buruli. Il permet au programme de faire des supervisions, de mener quelques actions de sensibilisation à travers les radios de proximité. Mais il faut dire que cet appui reste insuffisant. Il faut plus de ressources pour aller chercher les malades dans les communautés. C’est ce que nous appelons le dépistage actif. D'où l'importance de l’appui des partenaires. Actuellement, nous apprécions l’appui de la Fondation Anesvad et de la Fondation Raoul Follereau. Les partenaires nous appuient dans la mise en œuvre des activités et d’actes primaires. Ils appuient également les districts sanitaires à mettre en œuvre les interventions de lutte.


Le 28/10/22 à 11:26
modifié 28/10/22 à 11:26