Forêt classée du Cavally : 1000 ha reboisés en 2 ans mais le défi toujours important

La délégation à Zagné. (Ph: Dr)
La délégation à Zagné. (Ph: Dr)
La délégation à Zagné. (Ph: Dr)

Forêt classée du Cavally : 1000 ha reboisés en 2 ans mais le défi toujours important

Le 27/10/22 à 15:46
modifié 27/10/22 à 15:46
La réhabilitation de la forêt classée du Cavally avance bien. À mi-parcours, le projet de réhabilitation et de renforcement de la protection de ladite forêt, dans le département de Taï, à l’ouest de la Côte d’Ivoire, donne des résultats satisfaisants.

C’est ce qui est ressorti d’une mission conjointe d’évaluation qui a séjourné dans cette forêt classée et à Zagné le 24 septembre 2022. Objet d’un accord de partenariat signé entre l’État de Côte d’Ivoire, à travers le ministère des Eaux et Forêts et la société Nestlé qui s’engageait à financer la restauration de cette forêt classée à hauteur de plus de 2 milliards de FCfa.

Deux ans après, il était important de faire l’état des lieux pour voir ce qui a marché ou a moins marché tout en capitalisant les bonnes pratiques afin de les dupliquer sur d’autres forêts.

Le Colonel-major Gbanzai Paul, directeur du reboisement et du cadastre forestier, représentant le ministre des Eaux et Forêts, Laurent Tchagba, a souligné la nécessité d’observer ce qui se passe sur le terrain. Ce, afin de prendre des mesures s’il le faut, ensemble avec les partenaires pour atteindre le point de durabilité.

La mission a ainsi consisté à faire une évaluation avec les partenaires au projet que sont Nestlé qui apporte le financement ; Earthworm qui exécute le projet avec la Sodefor et Airbus qui participe au suivi de la couverture forestière pour mesurer tous les indicateurs qui montrent que la forêt est en train de se reconstituer ou pas.

La directrice de la communication de Nestlé Côte d’Ivoire, Mme Pane Sakho, représentant le directeur général, Thomas Caso, a affirmé que ce projet était d’une importance capitale pour son entreprise. Il répond à son engagement d’arriver à zéro émission de gaz à effet de serre d’ici à 2050. Cette ambition a amené la société à analyser de fond en comble sa chaîne d’approvisionnement, en vue de voir sur quel levier travailler pour atteindre les objectifs fixés.

La société étant dans le secteur du cacao, une des principales matières utilisées dans plusieurs de ses usines à travers le monde, Mme Sakho a indiqué qu’il était important de s’assurer un approvisionnement responsable sur sa chaîne de valeur. « Notre objectif est de nous approvisionner en cacao avec zéro déforestation. Nous voulons encourager nos partenaires sur le terrain à pratiquer une agriculture qui ne dégrade pas les forêts », a-t-elle déclaré.

La délégation s'est rendue dans la forêt classée du Cavally où elle a procédé au reboisement. (Ph: Dr)
La délégation s'est rendue dans la forêt classée du Cavally où elle a procédé au reboisement. (Ph: Dr)



634 ha reboisés en 2022 contre 366 en 2021

Au bout, les acteurs impliqués dans sa mise en œuvre sont d’avis que les résultats sont prometteurs. Le directeur du centre de gestion de la Sodefor à Man, Gooré Bi Albert, qui a en charge les unités de gestion des forêts classées dans le district des Montagnes, dont fait partie la forêt classée du Cavally, affirme qu’il était prévu de reboiser 1500 ha, à raison de 500 ha par année et avant le terme de la deuxième année, 1000 ha ont déjà été reboisés.

En 2021, seulement 366 ha avaient été reboisés compte tenu du retard accusé au démarrage du projet. Mais au cours de cette année 2022, le gap a été rattrapé en atteignant 634 ha reboisés.

Au-delà du reboisement, explique Gooré Bi Albert, le projet finance des activités de protection telles que des missions de surveillance menées par des agents de la Sodefor et des jeunes issus des communautés riveraines. Ce, en vue de détruire les plantations de cacao repérées ou démanteler des réseaux de vendeurs de forêts. « La forêt classée du Cavally est menacée par l’orpaillage, le braconnage et le défrichement », a souligné Gooré Bi Albert, pour montrer l’importance de cette activité de surveillance.

Elle est possible grâce à la collaboration qui, déjà en 2018, avec le partenaire Airbus Starling, avait commencé le monitoring satellitaire et la carte de référence avait été établie. Ce qui a permis d’évaluer les pertes de forêt. Il œuvre ainsi depuis 2020, avec la Sodefor, à renforcer la protection des parties de la forêt bien protégée et à reboiser celles fortement dégradées.

Les alertes de dégradation géolocalisables grâce à la technologie d’Airbus Starling et les photographies satellitaires ont fait chuter le taux de déforestation annuel de 6% en 2018, avec 2487 ha dégradés, à 0,5% en 2021, soit 160 ha, l’objectif étant d’atteindre 0% en 2023. La superficie de forêt préservée est passée de 36 437 ha à 38 968 ha et le nombre de patrouilles mixtes est passé de 8 à 36.

« Les piliers de la politique forestière, ce sont l’amélioration de la gouvernance, le renforcement de la protection des massifs forestiers résiduels et la constitution, à travers le reboisement, et la régénération naturelle. La surveillance, c’est-à-dire le renforcement de la protection qui se fait aujourd’hui avec des moyens technologiques modernes. On a donc toute la capacité de déceler dans cette forêt le moindre indice de déforestation et d’intervenir pour appliquer les mesures de répression nécessaires. Ainsi, désormais, les populations ne peuvent plus se cacher pour détruire la forêt », soutient avec fierté le Colonel-major Gbanzai Paul.

De 2016 à ce jour, ce sont 793 paysans qui ont été interpellés en forêt pour plus de 10 000 hectares de culture détruits ; 55 abris précaires détruits et la grande majorité des hommes fortement armés qui habitaient dans la forêt ont été mis aux arrêts, et certains ont abandonné la zone.

On note ainsi le retour des animaux, une baisse significative du taux de défrichement, une diminution du nombre de clandestins et une augmentation du taux de couverture forestière. Plus de 2600 ha ont été reboisés. Avant 2006, il n’y avait aucune exploitation agricole dans la forêt classée du Cavally mais en 2009, le taux de pénétration était estimé à 3% et en 2013 à 20%.

Une vue de la délégation. (Ph: Dr)
Une vue de la délégation. (Ph: Dr)



La nécessaire collaboration avec les communautés riveraines

Mais si les résultats sont encourageants, les menaces n’ont jamais cessé avec la persistance des réseaux de vendeurs de forêt ; le mauvais état des véhicules destinés aux patrouilleurs ; le mauvais état des pistes et l’insuffisance d’agents de sécurisation. Pour restaurer définitivement cette forêt, assurer la durabilité des acquis obtenus et tendre vers la couverture forestière entière, une plus forte implication des populations riveraines est indispensable.

En effet, Earthworm estime qu’un résultat optimal ne peut être obtenu sans l’implication des communautés qui doivent comprendre l’objectif de la préservation et de la réhabilitation du couvert forestier. C’est pourquoi une grande partie du travail qu’il abat consiste à sensibiliser les communautés des zones périphériques de la forêt classée et leur apporter un appui, afin d’augmenter la productivité de leurs plantations et les détourner de la forêt classée.

« La Côte d’Ivoire s'est engagée, à travers le Président Alassane Ouattara, à recouvrer 20% de son couvert forestier d’ici à 2030. Et nous sommes dans une dynamique de restauration du couvert forestier, avec une appropriation de cette dynamique par les populations des zones rurales », a déclaré Tokpa.

Sur la question, le Colonel-major Gbanzai Paul note que les activités de protection et de reconstitution en cours sont des travaux à haute intensité de main d’œuvre. C’est donc une opportunité qui est offerte aux communautés locales de participer à ces travaux afin de bénéficier des retombées économiques, à travers des groupements. Les travaux sont d’ordre manuel aujourd’hui, mais dans le temps et avec l’évolution, les groupements pourront se diversifier dans la transformation et peut-être la commercialisation du bois.

Selon la directrice de la communication de Nestlé Côte d’Ivoire, toutes les actions menées concourent à accompagner l’Etat ivoirien dans ses efforts pour réhabiliter la forêt. Elle a avant tout remercié la Sodefor et Earthworm pour le travail remarquable abattu sur plusieurs sites de reboisement visités et l’accompagnement des communautés qui sont non seulement sensibilisées à la préservation et la protection des forêts classées, mais aussi encadrées pour ne pas tomber dans des conditions de vie précaire.

« Il s’agit de les accompagner pour qu’elles puissent avoir d’autres moyens de revenus et vivre de cela », a soutenu Mme Sakho. « Ce qu’on a vu à mi-parcours est très prometteur et on espère réellement que d’ici à la fin de ce projet, de belles choses vont continuer de se faire et que le tout sera dupliqué ailleurs. Le changement climatique, on le vit tous et chaque partenaire doit jouer sa partition dans la lutte contre la dégradation de la nature qui nous impacte », interpelle-t-elle.

Pour sa part, au cours de la conférence-bilan organisée le 26 septembre 2022, à Seen hôtel, l’Ambassadrice de Suisse en Côte d’Ivoire, Mme Anne Lecongolin, s’est félicitée de savoir que deux acteurs privés suisses présents en Côte d’Ivoire, à savoir Nestlé et Earthworm, sont engagés dans l’agenda de reforestation du pays. Qui va de pair avec le secteur du cacao durable et la problématique du travail des enfants.

Pour avoir fait le déplacement dans la région du Cavally pour visiter certains des projets mis en œuvre, elle s’est dit impressionnée par tout ce qui a été fait. Elle a indiqué que ce projet est la preuve qu’avec un bon partenariat public-privé, on arrive à fédérer les choses et à être efficace.

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Pour sa part, le Conseiller pour les affaires agricoles en Afrique de l’ouest à l’Ambassade de France, Jean-Pierre Chomier, a affirmé que le modèle de partenariat mis en œuvre pour la reconquête des forêts est à promouvoir. Soulignant l’importance de l’implication des acteurs du privé et des sociétés disposant de technologies innovantes, notamment en matière de surveillance.

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Des menaces persistent malgré la surveillance accrue

La forêt du Cavally, classée par arrêté n°2249 du 15 avril 1954, modifié en 1983 par l’arrêté n°14, est située dans le département de Taï, à cheval sur les sous-préfectures de Zagné et de Dahiwou. Elle constitue, avec le parc national de Taï, l’un des derniers massifs dans l’ouest de la Côte d’Ivoire et un levier important dans le maintien du micro climat dans la région et de la biodiversité. Elle contient encore des essences animales et végétales en voie de disparition.

Comme menaces, il faut noter une infiltration à partir de la forêt classée de Goin Débé, une forêt très dégradée contiguë à la forêt classée du Cavally. Au niveau de ses limites nord-ouest, une incursion des braconniers et orpailleurs libériens à partir du fleuve Cavally qui constitue la limite naturelle de la forêt classée.

On note aussi un flux migratoire important dans la région du Cavally, ce qui engendre l’insuffisance des terres cultivables dans le milieu rural et la présence de nombreux campements à proximité de ladite forêt. Au niveau des villages environnants, des réseaux de vente de forêts qui s’étendent jusqu’aux pays voisins ont été identifiés ; couplés avec les réseaux d’orpailleurs clandestins et le braconnage pratiqué par les populations riveraines, qu’elles soient ivoiriennes ou libériennes.

Des images de ces menaces ont été présentées au cours de la mission portant sur les défrichements, la découverte de site d’orpaillage clandestin et de produits de braconnage.

Pour faire face à toutes ces menaces et assurer la gestion durable de cette forêt classée du Cavally, en plus de la protéger, l’Etat de Côte d’Ivoire a signé, à travers la Sodefor, des conventions de partenariats avec différents acteurs. Notamment Nestlé qui finance le projet de sécurisation et de réhabilitation de la forêt classée, Earthworm Foundation (qui assure la surveillance spatiale et fournit à la Sodefor des alertes précoces à travers des images satellitaires), Stbc, Airbus Starling, Icco, etc.

Un agent des eaux et forêts expliquant à la délégation un certain nombre de choses. (Ph: Dr)
Un agent des eaux et forêts expliquant à la délégation un certain nombre de choses. (Ph: Dr)



Grâce à l’implication de tous ces acteurs, des résultats encourageants sont obtenus.

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L’appel du ministre Laurent Tchagba au secteur privé

Le ministre des Eaux et Forêts, Laurent Tchagba, qui a en charge la mise en œuvre de la Stratégie de préservation, de réhabilitation et d’extension des forëts (Spref) dont l’État s’est doté en 2018, a pris part à la conférence-bilan de la mission d’évaluation organisée le lundi 26 septembre 2022, à Seen hôtel.

Au regard des résultats acquis à mi-parcours et des réformes qui ont suivi, le ministre a déclaré que la mise en œuvre du projet augurait d’un lendemain meilleur pour la conservation et la réhabilitation de la forêt classée du Cavally. Il a indiqué que par sa taille et sa situation géographique, la forêt du Cavally est très importante dans la politique de développement des forêts en Côte d’Ivoire. Il s’est dit fier du travail abattu et a adressé ses félicitations aux parties prenantes au projet, qui ont fait montre de leur savoir-faire en matière d’innovation et de technologie pour sécuriser la forêt classée du Cavally.

Il fonde beaucoup d’espoir sur la contribution du secteur privé dans ce projet et se réjouit de l’apport inestimable des bailleurs de fonds, partenaires et financiers qui s’intéressent en plus au développement d’activités alternatives pour l’amélioration des conditions de vie des communautés vivant dans les environs de ladite forêt. « L’espoir est permis pour la couverture forestière du territoire national à l’horizon 2030 », a insisté le ministre qui appelle tous les acteurs du secteur privé à emboîter le pas à Nestlé qui a pris l’engagement d’accompagner l’Etat ivoirien dans la restauration de la forêt classée du Cavally dégradée à 33%.

Laurent Tchagba, ministre ivoirien des Eaux et Forêts. (Ph: Dr)
Laurent Tchagba, ministre ivoirien des Eaux et Forêts. (Ph: Dr)



« Nous ne sommes qu’au niveau de la phase pilote qui ne restaure qu’une fine partie de la forêt dégradée. Je compte sur les uns et les autres pour aider à la restauration des forêts en Côte d’Ivoire et dans le monde, afin que le problème du climat puisse régler et maitrisé », a interpellé Laurent Tchagba qui envisage de se rendre en Suisse, au siège de Nestlé, pour féliciter et le groupe et solliciter un engagement plus fort.

Au cours des échanges, il a annoncé qu’il sera bientôt lancé un concours de recrutement des agents des eaux et forêts qui constituent les effectifs de la Sodefor, afin d’accroître sa capacité d’intervention. Pour une aire protégée de type A, donc n’admettant aucune incursion humaine, c’est un effectivement nettement insuffisant de 12 agents qui est commis à la tâche.

Un nombre nettement en deçà des besoins, même si l’on considère la possibilité de collaborer avec des jeunes issus des populations riveraines, dont certains sont même intégrés dans les patrouilles mixtes. Des dispositions sont prises pour rectifier le tir, au dire du ministre, et cela devrait concerner également les questions logistiques, avec la dotation des équipes en moyens de locomotion adaptés et en matériels modernes indispensables pour leur permettre d’atteindre les objectifs qui leur sont assignés.

Il a, en outre, promis de faire en sorte que le secteur des eaux et forêts respecte une gouvernance exemplaire, débarrassé de la corruption.



Le 27/10/22 à 15:46
modifié 27/10/22 à 15:46