Filière coton à MBengué : Les producteurs crient à l’aide

Coulibaly Flana, ce cotonculteur souhaite qu'une solution durable soit trouvée. (Ph: Dr)
Coulibaly Flana, ce cotonculteur souhaite qu'une solution durable soit trouvée. (Ph: Dr)
Coulibaly Flana, ce cotonculteur souhaite qu'une solution durable soit trouvée. (Ph: Dr)

Filière coton à MBengué : Les producteurs crient à l’aide

Avec sa robe de couleur verte et les deux points noirs qu'il porte sur le dos, le jasside, de son nom scientifique l’Amrasca biguttula, ressemble, à s'y méprendre, à une sauterelle.

Ce petit insecte est depuis quelque temps, la bête noire des cotonculteurs de M’Bengué. Déjà en mars 2022, sa présence dans le centre et au centre-ouest du pays avait donné des sueurs froides aux paysans dont les plants de gombo et d’aubergine avaient subi son assaut.

En juin 2022, le ravageur a émigré dans le nord du pays avec une nocivité décuplée sur le cotonnier. La piqûre des centaines de milliers d'essaim de Jassides a provoqué le jaunissement des feuilles de coton et leur dessèchement.

Depuis son apparition dans les vergers des producteurs, les cotonculteurs ont le sommeil troublé. Ils appellent à l’aide. C’est le cas de Coulibaly Flana, sexagénaire, producteur de coton à M’Bengué, un département de la région du Poro.

Le visage grave, il observe l'effet dévastateur du passage des insectes sur son champ. Il pose délicatement les mains sur ses plantes rongées par l'insecte. Et parle d’"hécatombe". Car il n’a jamais eu à faire face à une telle perte.

A ses côtés, Coulibaly fougnigué, son frère cadet chiffre le désastre : "Ce sont plus de 300 000 FCfa investis, plus de 3 000. 000 de FCfa de dettes pour une récolte « foutue »", dit-il les trémolos dans la voix.

« Lorsqu'on a constaté la présence de ces bestioles, on a essayé de sauver notre plantation, mais c’était trop tard tout avait déjà séché. On a préféré laisser les feuilles séchées au champ. Tout ça à cause du jasside. Avec nos huit hectares cultivés, on était censé récolter dix à onze tonnes. En moyenne, nous produisons une tonne par hectare. Et une tige produit normalement trente-deux ou vingt-quatre capsules. Ce n’est pas le cas cette année car il n y a que trois ou quatre par tige et il est peu probable qu’on produise ne serait-ce qu'une seule tonne. C’est dur », dit-il avec résignation.

Dès les premiers échos de la présence des jassides, en juin dernier sur le bassin cotonnier, les acteurs de la filière du coton ont organisé des tournées de sensibilisation dans les différentes villes et villages touchés par ce fléau.

L'objectif était de proposer des mesures de traitement pour sauver le reste de la culture. Hélas, la rapidité de leur progression n'a pas laissé le temps nécessaire aux paysans d'appliquer les mesures proposées et de se prémunir contre eux.

Plus de 2 000 producteurs plongés dans le désarroi

M’Bengué compte 2 683 producteurs dont 26 femmes. Pour cette année, 13 605 hectares ont servi de terre pour la culture. Ce qui fait du département le deuxième producteur du coton après Korhogo dans la région du Poro, selon la direction départementale de l’Agriculture et du Développement rural de M’Bengué avec dix-sept mille tonnes de production en 2021. « L’or blanc » est une importante source de revenus dans la région.

Yéo Fougnigué, un jeune producteur de M’Bengué, en a fait sa principale activité. Et jusque-là, il était satisfait des retombées économiques. « Quand tu cultives ta terre, après remboursement des crédits de campagne, tu peux faire un bénéfice après la récolte de près de 1,5 million de FCfa », affirme-t-il.

Une dizaine d’autres cotonculteurs ont confirmé que le coton était rentable. Mais le jasside a ruiné les espoirs des producteurs de la localité.

En témoignent quatre producteurs en détresse. Tuo Moussa a cultivé cinq hectares et pense ne même pas pouvoir récolter deux cent kilogrammes. Soro Kolotiolama, la quarantaine, a englouti toutes ses économies dans cette culture. Il ne comptait que sur sa production pour organiser les funérailles traditionnelles de son défunt père. Aujourd’hui, il ne sait « par quel miracle » il parviendra à s’occuper de ses quatre enfants durant le reste de l’année. Un autre, Coulibaly Fatogoma, lui a remarqué que des personnes à cause de cette situation, présentent un visage hagard ou sont devenus évasifs. Et pourtant avant cette situation, les producteurs étaient épanouis.

Grâce à la manne que procurait le coton, de belles maisons aux tôles luisants ont remplacé depuis belle lurette, les cases en terre battue et aux toits de chaumes. Les villages du département ont fière allure. De plus, des jeunes s’achetaient des motos neuves pour faciliter leur déplacement après les récoltes. Les mariages somptueux étaient organisés.

Malgré la situation non reluisante des producteurs, les responsables de la filière ont exhorté les cotonculteurs à ne pas abandonner cette culture. À la faveur d’une tournée de sensibilisation effectuée dans le bassin cotonnier, ils ont insisté sur la nécessité de ne pas baisser les bras.

Et des planteurs ont appelé à l’aide en demandant un soutien psychologique, une restructuration de la filière pour éviter de se tourner vers l’orpaillage clandestin.

Aminata Diarrassouba

Correspondante régionale

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Les chercheurs sollicités

L’Organisation interprofessionnelle de la filière coton et le Conseil du coton et de l’anacarde ont mobilisé les chercheurs du Centre national de recherche agronomique (Cnra) en vue de venir à bout de l’insecte.

Du 26 au 30 septembre 2022, des équipes ont sillonné les zones de production. Objectif : rassurer les producteurs et proposer des solutions pour sauver le reste des plantations. Les chercheurs du Cnra ont présenté des produits disponibles en vue de circonscrire les dégâts causés par l’insecte.

Le Cnra a par ailleurs formé les cotonculteurs à l’utilisation des produits issus des recherches pour les prochaines campagnes.

Aminata D.

Correspondante régionale