Roger Bango Koffi, styliste-modéliste: "La mode crée de la richesse, de l’emploi à point de vue inimaginable"

Le styliste-modéliste, Roger Bango Koffi, invite les jeunes qui embrassent cette carrière de modéliste à exercer leur métier avec professionnalisme, car seul le travail paie. (Ph: Dr)
Le styliste-modéliste, Roger Bango Koffi, invite les jeunes qui embrassent cette carrière de modéliste à exercer leur métier avec professionnalisme, car seul le travail paie. (Ph: Dr)
Le styliste-modéliste, Roger Bango Koffi, invite les jeunes qui embrassent cette carrière de modéliste à exercer leur métier avec professionnalisme, car seul le travail paie. (Ph: Dr)

Roger Bango Koffi, styliste-modéliste: "La mode crée de la richesse, de l’emploi à point de vue inimaginable"

Le 23/09/22 à 17:09
modifié 23/09/22 à 17:09
Roger Bango Koffi, styliste-modéliste, a remporté le prix de l’excellence 2022 du meilleur artisan. Dans cette interview accordée à la rédaction, il souhaite que la population ait désormais un autre regard sur sa corporation. Pour lui, la mode fait partie des entreprises en Côte d’Ivoire où il y a plus d’emplois créés et où il y a plus de flux financier.
Roger Bango Koffi, styliste-modéliste, lauréat de plusieurs prix dont le dernier en lice est le Prix d’excellence 2022 du meilleur artisan. Quel est l’impact de toutes ces distinctions sur votre vie professionnelle ?

L'impact est très grand. Généralement, nous sommes heureux de recevoir des prix. Mais dès lors que tu te rends compte du challenge que tu as, tu ne dois plus baisser la garde mais grandir. Tu es condamné à grandir, à donner l’exemple dans l’organisation, la gestion de ce que tu fais, le modèle d’entrepreneuriat et au niveau familial.

Est-ce que le fait pour vous d’avoir tous ces prix a un effet positif surtout sur l'évolution de votre activité ?

Oui. Il est clair que cela impacte positivement les activités. Aujourd’hui, quand une personne achète une chemise Korha, c’est différent d’avant. C’est vrai qu’avant j'étais styliste et cela s'arrêtait là. Maintenant, en plus d'être compétent et bon dans ce que nous faisons, nous avons la reconnaissance de nos autorités. Le capital marque change, le monsieur lui-même est heureux que tu sois devant lui parce qu’il t’a vu recevoir un prix soit des mains du Président de la République ou du Premier ministre. Cela a impacté sur toute la ligne de mon activité. Il n’y a pas que le Korha, il y a aussi d'autres activités que nous menons. Comme la Fondation Korha Event qui nous permet de mener beaucoup d'évènements, cela a eu un véritable impact. Nous sommes devenus comme une voix autorisée.

Que doivent retenir les jeunes qui aujourd’hui voudraient embrasser la carrière de styliste ?

Ce qu’ils doivent retenir, c’est que seul le travail paie. Et cette question est très pertinente surtout dans notre domaine. Parce que les gens pensent que dans la mode, il faut toujours passer par des voies détournées pour réussir. C’est le moment de leur dire que ce n’est pas. Moi, j’ai une vie de famille correcte, je suis marié depuis des années, j’ai cinq enfants. C’est donc clair que c’est qu’avec le travail qu’on peut réussir dans ce métier-là.

Est-il possible d'être couturier et gagner sa vie ?

Vous savez, on a tendance à dire que la mode nourrit son homme, mais quand tu croises un couturier, tu ne le sens pas. Mais cela ne veut pas dire qu’elle ne nourrit pas son homme. Pour que la mode puisse nourrir son homme, il faut que celui qui la pratique le fasse dans les règles de l’art. Qu’il gère son affaire comme une entreprise légalement constituée pour pouvoir bénéficier de tous les mécanismes que le secteur privé et l’Etat ont mis en place pour nous aider à avancer. Mais quand tu n’es pas légalement constitué, il est clair que tu ne peux bénéficier de ces mécanismes. Il faut travailler d’une part, et être légalement constitué d’autre part. C'est à partir de ce moment que l’on peut vraiment vivre de son art.

Est-ce qu’il arrive des moments où vous organisez des défilés de mode dans le cadre de vos activités ?

Oui, j’organise des défilés de mode, des festivals autour de la mode, de l’entrepreneuriat et de notre culture.

Votre fondation compte mettre en place un programme d’insertion de 10 000 maîtres artisans. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce programme ?

Le projet est simple. Il est basé sur l’entraide, le mentorat, les échanges de compétences de tous les maîtres artisans du domaine. Aujourd’hui, nous sommes en train de recenser les artisans qui sont dans notre domaine d’activité. Nous ne sommes même pas encore sortis d’Abidjan que nous avons recensé plus de 3000. C’est pour vous dire que jusqu’en 2025, je pense que nous aurons terminé ce travail. Et je sais que nous ne serons pas loin du million d'artisans. L'idée est de les former afin qu'ils forment à leur tour les jeunes au chômage, pour qu’ils sortent de la précarité, qu’ils aient un métier leur permettant de gagner leur vie.

Quand vous parlez d’artisan, à qui faites-vous exactement allusion ?

Le domaine de l'artisanat compte près de 60 corps de métiers. Nous sommes plus focalisés sur les métiers qui sont dans le domaine de la mode. Cela peut être des maroquiniers, stylistes, modélistes, etc. Disons tous ceux qui sont dans notre chaîne de valeur.

Sur quoi allez-vous vous appuyer pour réaliser ce projet d’envergure qui va permettre d’insérer au moins 10 000 personnes ?

Nous avons dit 10 000 pour être raisonnable. Et nous comptons sur nos petits moyens pour la réalisation de ce programme. La deuxième chose, c’est d’avoir des maîtres artisans, des stylistes qui comprennent que nous ne vivons pas seulement pour nous, mais également pour la génération future. A partir du moment où ils comprennent l’idée et s’engagent, cela est une réussite. Nous, pour partager notre savoir, n'avons pas besoin qu’on nous paye. C’est sur le volontariat que nous allons nous appuyer, travailler avec des personnes qui comprennent la vision que nous portons et qui vont accepter de nous accompagner pour former les sans emploi, les aider à s'insérer dans l'écosystème de la mode. Lorsqu’ils donnent leur consentement, cela veut dire que ce sont des formateurs potentiels que nous avons. Vous savez que la formation coûte chère, mais à partir du moment où nous avons ces formateurs, nous pouvons organiser des séances de formation, pas à 0 FCfa mais à des prix forfaitaires. Et avec les moyens que nous avons, je pense que nous pouvons y arriver.

Combien de temps va durer la formation ?

Il y a plusieurs formations. Il y a certaines que nous faisons en deux mois et d’autres en six mois. Quand je prends par exemple le gestionnaire d’atelier ou un agent de méthode, c’est quelqu’un qui a le niveau Terminale ou le Bac. Sa formation peut s’étendre sur 1 à 2 mois et demi. Par contre, pour quelqu’un qui doit travailler dans la confection réellement, il faut six mois de formation pour qu’il soit opérationnel dans la chaîne de valeur.

Comment se fait la sélection des candidats ?

Nous avons fait un appel à candidature. Les personnes intéressées vont s'inscrire et nous allons regarder les profils pour faire la sélection. C'est le premier volet. Le deuxième volet c’est de travailler avec des associations, par exemple c’est le cas des 1000 femmes d’Abobo avec qui nous avons déjà commencé. Au sein de ces associations, nous demandons aux personnes qui veulent se former de nous contacter.

Parlant des personnes qui seront sélectionnées. Quelle sera leur contribution dans la réalisation du projet ?

Leur participation sera gratuite. Nous sommes à la recherche de partenaires pour nous aider à financer le programme. Parce que nous avons compris que les gens au chômage ont tellement de problème que même quand tu leur parles de formation pour se prendre en charge, ils n’ont pas la force de s’y rendre chaque jour. Ce que nous faisons, quand vous êtes sélectionné, nous vous briefons et quand vous avez compris le principe, nous vous affectons une personne qui sera comme votre représentant au cas où il y a un problème. Chaque jour, nous allons donner 1000 ou 1500 FCfa à chacun comme argent de poche, transport ou déjeuner. Nous le faisons pour inciter les apprenants à venir. La plupart de nos formations sont gratuites.

A la fin de la formation, ces personnes seront-elles embauchées ?

Non. Mais il y a des personnes parmi elles que nous allons embaucher. Nous avons assez de jeunes filles que nous allons former et embaucher. Les autres, nous les insérerons dans d’autres ateliers. Nous n’avons pas cette large surface pour pouvoir embaucher tout le monde. Nous, c’est la contribution. A partir du moment où nous avons transformé le potentiel en compétence professionnelle, le reste c’est de trouver l’endroit où les insérer pour qu’elles puissent non seulement travailler et gagner leur vie. Mais en même temps faire aussi avancer le pays.

Est-ce que dans vos formations, vous initiez les apprenants à l’entrepreneuriat pour qu’à la fin certains puissent se mettre à leur propre compte ?

Oui. Il y a plusieurs profils dans la formation. Il y a ceux qui sont plus aptes à s'installer à leur propre compte à la fin. Nous, le message que nous passons, c’est que tout le monde est un potentiel entrepreneur. Cela ne veut pas dire que tout le monde doit forcément le faire. Pour vous dire la vérité, il y a des personnes qui peuvent être compétentes dans un domaine mais pas en gestion. Ce qui est sûr, c’est que nous passons toujours le message. Je leur dis que je suis un exemple palpable. J'entreprends depuis un bon moment donc si je l’ai fait, eux aussi le peuvent. Par exemple, quand j’échange avec un plombier, je lui parle plus d’entrepreneuriat que de couture. Quand je suis avec les femmes, je parle plus d’entrepreneuriat parce que généralement ce sont des commerçantes.

Quelle sont les communes cibles ?

Le projet de 10 000 artisans concerne toute la Côte d’Ivoire. Il est vrai que nous sommes plus à l'aise à Abidjan ou aux alentours d’Abidjan car cela occasionne moins de frais. Nous allons nous rendre à l'intérieur parce que si nous arrivons à former ces jeunes et qu’ils gagnent bien leur vie là où ils sont installés, c’est clair qu’il n’y aura plus d’exode rural, ni de fuite vers l’Europe. Aujourd’hui, toute la Côte d’Ivoire est en train d'être modernisée, donc pas besoin d'être à Abidjan pour bien vivre. Il suffit juste de créer de la richesse là où l’on est.

Au-delà de ce projet d’insertion, quel regard voudriez-vous que l’on porte sur votre corporation ?

Le regard que les gens devraient avoir depuis longtemps, c’est que nous sommes des créateurs de richesse. Nous faisons partie des entreprises en Côte d’Ivoire où il y a plus d’emplois créés et où il y a plus de flux financier. J’étais récemment avec la ministre de la Culture et de la Francophonie, Françoise Le Guennou-Remarck, je lui expliquais que les chiffres sont là aujourd’hui. Quand tu prends des pays comme la Chine, l'Inde, la France, la mode crée de la richesse, de l’emploi à point de vue inimaginable. L’Inde par exemple a fait près de 800 milliards de dollars l’année sans parler de la Chine. Voyez-vous comment la mode produit de la richesse. Par contre en Côte d’Ivoire, le secteur n’étant pas bien organisé, il est un peu en retard. Bien que nous soyons des créateurs de richesse et d’emploi, il est difficile de mesurer cette richesse parce que beaucoup sont dans l’informel. Je pense que très bientôt, cela va changer.

Qu’attendez-vous des autorités gouvernementales pour la réalisation de ce projet ?

Pour faire les choses dans l'ordre, c'est déjà dire merci au Président de la République, Alassane Ouattara. Je crois qu’en 2021, sous son ordre le Premier ministre Patrick Achi nous a promis de faire de la mode un levier essentiel des entreprises ivoiriennes, d’accompagner ce secteur. Vous voyez depuis un certain moment, il y a assez d'actions en faveur de la profession. Il y a aussi la ministre Françoise Remarck qui en si peu de temps est passée nous voir. Elle a fait un planning de sorte que nous puissions valoriser l’activité. Comme elle l’a dit, ce n’est pas nous qu’elle est venue voir mais les personnes qui sont dans le domaine. Tous mes pairs seront d'accord avec moi qu'elle a totalement raison. Parce que quand vous voyez Roger Bango, sachez que derrière, il y a une centaine de jeunes, une centaine de familles qui vivent de ce métier. C’est ce que la ministre veut voir et je pense que c’est une très belle action. Nous sommes sur d’autres projets que nous n’allons pas dévoiler. Mais depuis 2 ou 3 ans, le gouvernement est prêt à nous accompagner à être des champions d’Afrique.

Quel est votre appel à l’endroit des jeunes ivoiriens ?

Nous avons nos pages sur les réseaux sociaux et notre site sur lesquels les jeunes peuvent déjà s'inscrire. Tous ceux qui n'ont pas de métier et voulant créer de la richesse, contribuer à l'économie de la Côte d’Ivoire et se former, nous sommes ouverts. Nous voulons qu'ils se prennent en charge. Nous ne pouvons pas passer toute une vie dans un métier et ne rien laisser. Ce que nous allons laisser, ce n’est pas pour nous, mais plutôt pour la génération future. La formation de la première vague qui va démarrer au premier trimestre 2023, se fera à Abobo. Mais comme je l’ai dit, le programme sera implémenté sur l’étendue du territoire national. A l’inscription, les jeunes donneront leur ville et lieu d’habitation. C’est à partir de là, que nous ferons une sélection et mettrons en place le chronogramme.


Le 23/09/22 à 17:09
modifié 23/09/22 à 17:09