Cantines scolaires en Côte d’Ivoire : L’approvisionnement, un réel défi pour la pérennisation

La cantine fait partie des variables qui contribuent au succès de la réussite scolaire.
La cantine fait partie des variables qui contribuent au succès de la réussite scolaire.
La cantine fait partie des variables qui contribuent au succès de la réussite scolaire.

Cantines scolaires en Côte d’Ivoire : L’approvisionnement, un réel défi pour la pérennisation

Le 29/08/22 à 18:28
modifié 29/08/22 à 18:28
De 277 en 1989, le nombre des cantines est passé à plus de 5 000 à ce jour ; soit un taux de couverture nationale d’environ 40% des écoles primaires publiques. Cependant, l’approvisionnement en denrées alimentaires de ces restaurants scolaires reste un véritable défi.
Il est 12h02 min, ce 1er avril 2022, lorsque nous entendions retentir la sirène de l’École primaire publique (Epp) Danga de Cocody sous un soleil de plomb. Au même instant, des cris de joie se font entendre, les quelques 211 élèves de cet établissement exultent. Quatorze d’entre eux courent directement au réfectoire de l’école. A tour de rôle, ces gamins dont l’âge varie de 5 à 7 ans se soumettent aux règles d’hygiène. Sous des robinets, ils se lavent les mains avec du savon, avant de former deux rangs. Au signal de la ‘’gouvernante’’ de la cantine, ils entrent et prennent place pour se faire servir. Le menu de ce vendredi 1er avril 2022 : du riz gras avec du poisson. Tous les élèves de l’école en font de même.

La cantine scolaire de cet établissement situé en plein cœur de la commune de Cocody est fonctionnelle. Si nous nous en tenons aux plats servis, les élèves de l’Epp Danga mangent à leur faim et dans de bonnes conditions. Ce qui est de nature à améliorer considérablement leurs résultats. « Avec la cantine, les résultats des enfants sont encore meilleurs », confirme Zana Koné, le coordonnateur de l’Epp Danga.

Le cas de Danga n’est pas isolé. C’est ainsi dans la plupart des établissements à cantine en Côte d’Ivoire. Les cantines ont un impact positif sur le rendement scolaire. Cependant, le danger, aujourd’hui, reste la pérennisation de l’approvisionnement.

En effet, sur 120 jours de classe pour l’année académique 2021-2022, l’État ne peut prendre en charge que 23 jours. Les 97 jours restants doivent être assurés par les responsables des différentes écoles primaires, précisément les coordonnateurs des cantines scolaires, a fait savoir la Direction des cantines scolaires (Dsc). C’est à eux, en effet, de trouver les voies et moyens pour pallier ce manque de denrées alimentaires. Un exercice que ces derniers trouvent plutôt difficile, selon Zana Koné.

A l’Epp Danga, ce coordonnateur arrive tant bien que mal à accomplir cette tâche. Son secret, « écrire, écrire, toujours écrire ! », affirme-t-il. Il ne se lasse donc pas d’adresser des courriers à des particuliers et à des structures privées ou publiques pour leur exprimer ses besoins. « Nous animons notre cantine dès l’annonce de la date de la rentrée par le ministère de l’Éducation nationale et de l’Alphabétisation. Et grâce aux courriers envoyés ici et là, nous arrivons à terminer l’année scolaire. Les particuliers et les entreprises doivent être tenus informés de nos difficultés à nourrir quotidiennement les enfants. C’est à nous d’aller vers ceux qui peuvent nous venir en aide », a-t-il conseillé. Sans oublier d’indiquer que, parfois, le retour favorable n’est pas toujours garanti.

En outre, ajoute-t-il, la ration des 23 jours accordée aux enfants de son établissement ne prend pas en compte tous les pensionnaires de la cantine. « Sur près de 200 enfants qui déjeunent au réfectoire, nous recevons de l’État des aliments pour 137. Il y a donc un déficit », dit-il, apparemment désolé, avant d’adresser sa doléance. « Certes, la Direction des cantines scolaires fait des efforts pour nos enfants, mais ce n’est pas suffisant. Nous souhaitons que les aliments octroyés soient proportionnels au nombre d’enfants inscrits à la cantine », a-t-il plaidé.

Tahiba Ama, la maîtresse cantinière de l’Epp-Danga, nous apprend qu’elle consacre ses week-ends à cet exercice. « Nous recevons de l’État et des bonnes volontés des aliments non périssables, mais cela ne suffit pas. Je m’évertue à faire ces calculs tout le temps pour que les sacs de riz, les pâtes alimentaires, les boîtes de sardines, l’huile...puissent suffire», a-t-elle indiqué. L’autre souci de Tahiba Ama, ce sont les aliments périssables tels que l’oignon, l’attiéké. « Il nous faut des moyens financiers pour nous en procurer. La hiérarchie a fait savoir que les choses ne sont pas si simples. Nous faisons avec le peu que nous recevons. Dans les marchés, nous sollicitons l’apport des vendeuses qui nous rabrouent souvent », fait-elle savoir, toute triste.

Le ravitaillement

un casse-tête chinois A l’intérieur du pays, c’est encore plus difficile, selon certains coordonnateurs des cantines scolaires. Dans la région du Tonkpi, le véritable problème reste le ravitaillement des cantines, à en croire Mme Koua Néyo Célestine, coordinatrice régionale des cantines scolaires à la Drena de Man. Malgré les efforts des particuliers, d’Ong, de coopératives et groupements des femmes, etc. le défi reste le même. « Ce n’est pas toujours facile de boucler les 120 jours », a-t-elle déclaré à des radios de proximité et à la Dcs, le jeudi 30 mars 2021, à Abidjan.

Même son de cloche à la Drena de Ferkessédougou. Dans cette localité, Coulibaly Idrissa, coordonnateur des cantines, affirme que bien qu’utiles, les cantines fonctionnent difficilement, malgré l’apport de quelques particuliers et coopératives de la région. Il ajoute que celles soutenues par le Département américain de l’Agriculture sont opérationnelles tous les jours de l’année.

L’insécurité freine les aides Des zones du nord du pays subissent, depuis un moment, des attaques terroristes. La présence de ces individus armés trouble naturellement la quiétude des populations. Si, grâce aux efforts de l’État pour ramener la sécurité, la vie a repris à Bouna, Téhini..., cette situation n’a pas été sans conséquences pour les écoles. « Les attaques terroristes ont énormément affecté les différents groupements de Téhini qui nous venaient beaucoup en aide avec leurs produits vivriers : riz local, maïs, ignames... », a précisé le coordonnateur Adama Coulibaly. Qui regrette que le terrorisme ait favorisé la dispersion des groupements et coopératives dans cette zone. Une triste réalité qui pousse bien des élèves à arrêter les études. « Lorsqu’il n’y a pas de fumée dans la cuisine, les résultats sont catastrophiques et des enfants abandonnent l’école», a-t-il soutenu.

Une nécessaire loi nationale sur l’alimentation scolaire La question de l’alimentation scolaire étant un véritable problème de société, l’Ong ‘’Ivoire développement durable (Idd) de Mme Daniel Dona-Fologo a décidé de s’inspirer du modèle togolais. Dans le pays de Faure Gnansingbé Eyadema, existe une ligne budgétaire qui définit l’obligation de l’alimentation scolaire avec la participation du secteur privé, des communautés locales et de l’État. En outre, Idd apporte un appui considérable aux cantines scolaires du public en approvisionnant régulièrement certaines à travers le renforcement des capacités de production et de commercialisation des groupements agricoles mobilisés autour d’elles. Dans sa détermination à véritablement aider les réfectoires scolaires, Idd a mis en place « Les cantines du cœur ». Il s’agit de collecter des fonds pour l’achat de vivres au profit des cantines scolaires des établissements publics. « Ainsi, de 2016-2021, ce sont 146 cantines scolaires qui ont été soutenues, soit en moyenne 20 jours couverts. Cela a permis de nourrir 21 900 rationnaires, servir 443 250 repas pour un montant global de 51 441 350 FCfa », a précisé Dr Mawa Coulibaly, secrétaire générale de l’Ong Ivoire développement durable.

L’après-cantineTout le monde est unanime, la cantine scolaire demeure l’une des meilleures techniques pour améliorer les résultats scolaires des écoliers. Mais ces ‘’restos’’ ont créé un autre souci et non des moindres aux enseignants et coordinateurs. Nombreux sont ceux qui pensent, en effet, qu’il est plus qu’important de trouver l’après-cantine pour canaliser les gamins. A Abidjan, par exemple, plusieurs enfants sont livrés à eux-mêmes une fois le repas terminé, car il n’y a personne pour s’occuper d’eux après. Ils errent dans la cour de l’école et s’adonnent souvent à des jeux dangereux, au risque de se blesser. « Les enfants sont tellement nombreux que nous ne pouvons pas les surveiller tous en même temps que nous devons penser à nettoyer la cuisine. Imaginez-vous plus de 150 enfants pour seulement deux cantinières. C’est compliqué. Nous leur donnons des consignes tout en jetant un regard sur eux de temps en temps », a indiqué une cantinière d’une école primaire publique de Yopougon qui a souhaité garder l’anonymat.

Au Groupe scolaire Sombo Isaac, situé au quartier résidentiel, dans la commune de Marcory, monsieur B. Kablan, directeur d’école, par ailleurs vice-président de l’Assemblée générale du comité de gestion des établissements scolaires (Coges), a confirmé que l’après-cantine est un autre souci. Néanmoins, il rassure que ses collaborateurs et lui font de leur mieux pour veiller sur les enfants qui prennent leur repas à la cantine.


Le 29/08/22 à 18:28
modifié 29/08/22 à 18:28