Viol et assassinat d’une centenaire à Niakara : "La promotion et protection des droits de la femme restent un enjeu majeur", soutient Nathalie Koné

Mme Nathalie Koné Traoré, originaire de Niakara,  travaille actuellement dans une institution à l’extérieur de la Cote d’Ivoire.
Mme Nathalie Koné Traoré, originaire de Niakara, travaille actuellement dans une institution à l’extérieur de la Cote d’Ivoire.
Mme Nathalie Koné Traoré, originaire de Niakara, travaille actuellement dans une institution à l’extérieur de la Cote d’Ivoire.

Viol et assassinat d’une centenaire à Niakara : "La promotion et protection des droits de la femme restent un enjeu majeur", soutient Nathalie Koné

Le 18/05/22 à 12:57
modifié 18/05/22 à 12:57
Le corps d’une vieille dame de 112 ans, victime de viol, a été découvert sans vie et entièrement dénudé à Niakara, le dimanche 8 mai 2022. Cet assassinat perpétré par un jeune homme de 30 ans a suscité l'émoi et la consternation tant dans ladite localité que sur les réseaux sociaux.Les réactions des défenseurs et défenseures des droits des femmes se multiplient. Ici, celle de Mme Nathalie Koné Traoré, ivoirienne, originaire de Niakara, qui a mis en place plusieurs organisations de la société civile.Elle a également contribué à créer la première organisation de promotion des droits des femmes qui depuis une quinzaine d’années mène des activités dans le département de Niakara. Actuellement à Genève et jointe au téléphone, Mme Traoré a affiché à titre personnel, son indignation dans cette interview.
Mme Traoré Nathalie, une femme de 112 ans a été violée tuée à Niakara, en tant que fille de la localité et ardente défenseure des droits des femmes quels est votre réaction ?
Je souhaite vraiment présenter toutes mes sincères condoléances à la famille éplorée et à toute la communauté de Niakara. L’acte qui a été posé est très grave et ignoble. Cet acte pose d’une part le problème de la protection des droits des femmes et des personnes vulnérables et d’autre part, celle de la paix et la sécurité dans le département de Niakara, au nord de la Côte d’Ivoire. Cet événement vient choquer nos consciences et nous rappelle que les efforts réalisés en matière de de promotion et de protection des droits de l’homme sont insuffisants et que le travail doit continuer sur le terrain. La question de la promotion et de la protection des droits de la femme reste un enjeu majeur qui a un impact sur le développement et le bien-être des populations. Il est important que de plus en plus, chacun puisse le comprendre individuellement et s’approprier les messages clés du droit à la vie et de la lutte contre les violences faites aux femmes. Une communauté ne peut pas être épanouie et accéder au développement si les femmes ne vivent pas en sécurité.

Quelle analyse faites-vous de ce drame à Niakara ?
L’agression sexuelle d’une femme du troisième âge suivie de son assassinat avec violences physiques pose des préoccupations essentielles notamment la violation grave des droits de la femme, la recrudescence des pesanteurs culturelles, les défis en matière sécuritaire dans la région et la prise en charge des personnes du troisième âge dans le département. Pour ma part, le viol est déjà un acte très grave, une humiliation que ce soit aussi bien sur une jeune fille que sur une personne âgée. Cette violence sexuelle entraîne de lourdes conséquences, tant pour les victimes et leurs proches que pour la société. Elle pose de graves problèmes de santé publique et entraîne d'importantes répercussions, à court ou à long terme, sur la santé physique et mentale avec un impact négatif pour la santé sexuelle de la victime. Ensuite , cet acte de violence remet en cause les Principes des Nations Unies pour les personnes âgées ont été adoptés par l’Assemblée générale des Nations Unies (résolution 46/91) le 16 décembre 1991qui stipulent que les personnes âgées devraient pouvoir vivre dans des environnements sûrs qui puissent s’adapter à leurs préférences personnelles et à la modification de leurs capacités et avoir la possibilité de vivre dans la dignité et la sécurité sans être exploitées ni soumises à des sévices physiques ou mentaux. Nous avons assisté un assassinat qui est une atteinte du droit à la vie de la victime, ce qui aggrave cet acte prémédité qui se déroule dans une communauté marquée par l’augmentation des poches criminogènes et une insécurité croissante due en partie à l’orpaillage clandestin dans la zone. J’estime donc qu’une mobilisation collective qui engagera l’État, des services de sécurité et la société civile s’impose afin de prévenir de tels actes. Quant à la justice, elle s’est saisie du dossier et j’espère que les droits de la victime et de sa famille seront respectés. C’est un trouble psychologique qui nécessite une prise en charge holistique de la famille.

Le présumé coupable est un jeune homme d’environ 30 ans, d’ailleurs arrêté et déféré à Katiola. Comment expliquez-vous ce cas de Violence basée sur le Genre (VBG) ?
Je me pose des questions sur l’intégrité psychologique de l’auteur de cet acte et des valeurs que partagent les jeunes de la communauté en matière de promotion du genre et de la masculinité positive .
Pour ma part, je reste convaincue que les femmes du département de Niakara subissent en silence de nombreuses violences physiques, psychologiques et sexuelles qui sont pour la plupart, passées sous silence du fait de pesanteurs culturelles et de stéréotypes. Il faut donc continuer la répression et la sensibilisation dans la communauté avec une présence des forces de sécurité , surtout la police qui doit être présente avec un commissariat opérationnel.

Vous qui êtes une défenseure des droits des femmes, comment peut-on faire la prévention de ce genre d’actes ignobles et répréhensibles ?
Je pense qu’il faut continuer à effectuer un travail sur le terrain et surtout encourager les organisations présentent à faire de la formation, la sensibilisation et la mobilisation communautaire. Cette formation doit être campagne de la dénonciation et de la répression. J’étais à Niakara au début du mois de mars 2022 dans le cadre de la journée du livre et de la lecture, j’en ai profité pour faire une conférence pour le genre et le développement communautaire en mettant l’accent sur la nécessité de lutter contre les VBG. Ce type d’activité doit continuer et se décentraliser dans tous les villages. Il faudra également impliquer les jeunes et les leaders communautaires et les former au concept de la masculinité positive afin de les engager à respecter et à faire respecter les droits des femmes et des filles. C’est toute une stratégie de communication qui devra être mise en place avec des programmes et un suivi durable. Il faut donc sortir de l’émotion et s’engager pour un changement de mentalités et de comportement. Il est nécessaire aussi que les femmes s’organisent davantage et que leurs capacités soient renforcées. Le Centre féminin pour la démocratie et les droits humains (CEFCI), organisation bénéficiant du statut d’observateur auprès de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, et membre de l’Assemblée Générale de l’ECOSSOCC de l’Union africaine a un bureau opérationnel à Niakara et des chargés de programmes qui devront renforcer leurs actions sur le terrain. Enfin, je pense que la loi devra être appliquée dans toute sa rigueur afin que les auteurs de Violences faites aux femmes soient sévèrement punis.

Quelles sont les principales recommandations à faire pour enrayer ces cas de violations des droits humains dans la localité de Niakara ?
Je souhaiterais féliciter tous les acteurs pour les initiatives pertinentes déjà entreprises et remercier toutes les personnes de bonne volonté qui se sont mobilisées pour soutenir la famille éplorée et la communauté. Je souhaite alors faire les recommandations. A l’État, notamment au ministère de l’Intérieur et de la sécurité, nous demandons de renforcer la sécurité dans le département de Niakara et procéder à l’ouverture du commissariat et du déploiement des policiers en raison de l’augmentation des poches criminogènes dues en partie à l’orpaillage clandestin. Aux ONG et association basées à Niakara, nous demandons de développer des programmes de formation et de sensibilisation contre les VBG. Et de prendre en compte de la sécurité et le bien être des personnes du troisième âge. Ces Organisation de la société devront organiser des activités de prévention des VBG. Aux partenaires, nous demandons de soutenir et développer des initiatives de lutte contre les VBG, de promouvoir le genre et la masculinité positive et la mobilisation des jeunes.

Fratmat.info avec une correspondance particulière


Le 18/05/22 à 12:57
modifié 18/05/22 à 12:57