Jean Van Wetter (Directeur général d’Enabel) : « Nous allons travailler à maximiser le potentiel qu’offre la filière cacao…»

DG ENABEL-BON
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Jean Van Wetter (Directeur général d’Enabel) : « Nous allons travailler à maximiser le potentiel qu’offre la filière cacao…»

Le 09/05/22 à 15:56
modifié 09/05/22 à 17:43
Le Directeur général de l’Agence belge de développement, Enabel, a séjourné en Côte d’Ivoire, du 2 au 5 mai, pour finaliser les démarches pour l’installation de cette structure belge sur les bords de la lagune ébrié.
Pourquoi avoir décidé de vous installer en Côte d’Ivoire ?

Enabel est en effet l’agence belge de développement qui opère depuis longtemps dans plusieurs pays du monde dont une vingtaine en Afrique. Nous avons déjà des opérations en Côte d’Ivoire, maintenant il est question de nous installer physiquement. Mais vous savez que la décision de s’installer dans un pays ne se prend jamais tout seul, il faut attendre l’invitation du pays partenaire. Et en ce qui concerne la Côte d’Ivoire, les discussions ont eu lieu entre l’Union européenne, la Belgique et la Côte d’Ivoire. Un cadre de partenariat a été mis en place dans le cadre duquel des domaines ont été identifiés comme étant prioritaires, dont le cacao. Et dans le cadre de ce dialogue avec les autorités ivoiriennes, l’Ue a proposé à Enabel, qui est l’une de ses agences d’exécution, de mettre en œuvre une partie de son programme de développement en Côte d’Ivoire étant donné notre expertise non seulement sur le continent africain mais également dans les domaines qui sont couverts par la Team Europe qui permet à différents Etats de l’Ue de travailler ensemble.

DG ENABEL ET L'AMBASSADEUR BELGE
DG ENABEL ET L'AMBASSADEUR BELGE



Le cacao sera donc l’axe principal de la coopération entre Enabel et la Côte d’Ivoire. Qu’est-ce qui va être fait concrètement dans ce secteur essentiel à l’économie ivoirienne ?

Il y a trois axes à envisager dans notre coopération avec la Côte d’Ivoire : le cacao durable, l’immigration circulaire et le bas-carbone et les énergies renouvelables. Mais le volet cacao durable reste l’axe principal. Il faut savoir que la Belgique et Enabel soutiennent le secteur du cacao ivoirien depuis plusieurs années. On est déjà présent avec un projet global dénommé Trade for development center qui vise à faire du coaching et du renforcement des capacités managériales et techniques des coopératives productrices de cacao. Nous avons déjà une expérience réussie puisque une des coopératives que nous soutenons à Tiassalé a récemment reçu un prix de la meilleure coopérative. Il y a eu pas mal de succès au cours des années précédentes. Avec notre installation et les nouveaux programmes financés par l’Union européenne que nous allons déployer, nous allons dupliquer les expériences positives et ajouter de nouvelles composantes notamment autour de la formation, de l’accès au marché, de la transformation.

En ce qui concerne l’axe environnemental, vous savez que la lutte contre le changement climatique est une priorité pour l’Afrique, l’Europe et le monde entier. Dans ce cadre également, je pense que la Côte d’Ivoire offre beaucoup de potentiel dans la production d’énergies renouvelable. En la matière, il y a un lien étroit avec la cacaoculture. En effet, la cabosse du cacao peut servir d’énergie pour faire des briquettes ou pour être utilisée en biomasse et produire une énergie. On voit donc qu’il y a moyen d’augmenter le potentiel de l’économie circulaire, d’offrir des activités génératrices de revenus pour les producteurs et contribuer dans le même temps à la lutte contre le changement climatique. C’est dans cet esprit-là que nous allons agir c’est-à-dire maximiser le potentiel qu’offre la filière cacao pour des questions économiques et écologiques. La lutte contre la déforestation est un des aspects importants dans notre projet de cacao durable.

Pouvez-vous revenir sur le programme Trade for development center ?

C’est un programme d’Enabel qui aide les coopératives agricoles dans un certain nombre de pays à améliorer à la fois la qualité de leur production et leur accès au marché. Cela se fait via du coaching et non de l’assistance technique classique. Ici, on envoie des coaches spécialisés qui sont co-recrutés en collaboration avec les coopératives bénéficiaires, ils viennent renforcer les capacités des membres de ces coopération sur des thématiques identifiées ensemble. En général, ce sont les compétences managériales, la comptabilité, la capacité organisationnelle et le marketing. Ce programme est mis en œuvre en Côte d’Ivoire et j’ai été très heureux de savoir qu’il y a une belle synergie entre ces coaches que nous avons envoyés et les membres de la coopérative bénéficiaire. C’est un projet dont je suis particulièrement fier.

La transformation sur place du cacao fait partie des priorités du gouvernement ivoirien. Comment comptez-vous l’aider dans ce sens ?

La Belgique apporte déjà un appui considérable dans ce sens. Il y a plusieurs entreprises belges qui investissent dans la transformation du cacao. Et comme je le disais tout à l’heure l’un des objectifs clé de l’installation d’Enabel ici est de contribuer à faire migrer la Côte d’Ivoire de pays du cacao à pays du chocolat et donc d’augmenter la valeur ajoutée dans la production locale en prenant en compte tous les aspects de durabilité. C’est cela la richesse de notre approche multi partenarial.

Ces dernières années, le cacao ivoirien fait l’objet d’une campagne de dénigrement auprès des partenaires occidentaux. On l’associe notamment au travail des enfants et à la déforestation. Qu’en pensez-vous ? Et comment comptez-vous contribuer à soigner cette image ?

Nous allons accentuer notre rôle d’ambassadeur du cacao ivoirien puisqu’on l’est déjà. Mais notre objectif principal c’est de contribuer à rendre le cacao ivoirien durable. Il y a déjà une initiative appelée Be on chocolate soutenue par la Belgique depuis quelques années et qui vise à rendre le chocolat belge totalement durable en 2030 en prenant en compte au premier plan les aspects environnementaux et sociaux notamment le travail décent.

L’installation d’Enabel en Côte d’Ivoire peut-elle être considérée comme la formalisation des axes de coopération déjà existants ?

Tout à fait. Pour nous, le partenariat est essentiel. La présence physique l’est également. Vous savez, nous sommes une agence qui fournit de l’assistance technique. Nous avons énormément de compétences, non seulement les nôtres en tant qu’agence, mais on agit également comme hub de l’expertise belge dans son ensemble. Nous avons 60 accords de partenariat avec les ministères, les entreprises publiques, mais également le secteur privé et la société civile belges. La Belgique, on le sait, est un grand pays producteur de chocolat et donc un grand importateur de cacao. Le budget annuel d’Enabel s’élève à 370 millions d’Euros soit 241 milliards de F Cfa et en Côte d’Ivoire le premier investissement s’élèvera à plusieurs milliards de F Cfa.

Quel est l’approche d’Enabel dans son déploiement à l’international ?

Nous avons une approche pays par pays car on estime que si on veut apporter un plus aux pays qui nous accueillent, il faut qu’on soit à leur écoute afin de bien cerner leurs défis personnels. Il faut investir dans le pays et donc s’inscrire dans la compréhension du plan national de développement et des politiques nationales et locales. A côté de cela, nous avons aussi une approche régionale auquel je crois personnellement, tout comme mon gouvernement. Les enjeux globaux dépassent en effet les frontières et on l’a vu avec la Covid 19, mais également avec les changements climatiques et l’immigration. Et donc c’est en ayant cette approche à la fois nationale et régionale qu’on pourra résoudre les défis qui se posent.

Pouvez-vous nous faire le point des rencontres que vous avez eues depuis votre arrivée en Côte d’Ivoire ?

Ce fut une excellente visite et pour cela je tiens à remercier vivement l’ambassadeur de Belgique en Côte d’Ivoire pour son accueil et son appui qui a facilité cette mission. La première chose que j’ai faite a été de me rendre à Tiassalé pour visiter une coopérative qui a été soutenue avec succès par Enabel et la Belgique depuis un certain nombre d’années. Cela m’a permis de mesurer l’impact que nous avons dans ce secteur. J’ai aussi visité une usine de transformation de cacao également soutenue par la Belgique via sa banque de développement, Bio Invest. Sur les 50 millions de Dollards d’investissement soit 31 milliards de F Cfa pour cette usine, 11 millions de Dollars (6,8 milliards de F Cfa) ont été apportés par la Belgique. C’est la première usine de transformation de cacao en dehors d’Abidjan et San Pedro, ce qui est très encourageant. Ces visites m’ont permis de me familiariser avec le contexte dans lequel travaillent les producteurs de cacao. Ensuite, j’ai eu des rencontres avec des acteurs institutionnels dont le directeur général du Conseil café-cacao, la ministre d’Etat ministre des Affaires étrangères, celui en charge de la Formation professionnelle, la Délégation et l’ambassadeur de l’Union européenne, mais également avec d’autres acteurs de la société civile et les acteurs internationaux de la Côte d’Ivoire. Notre objectif est de faire en sorte que notre action s’inscrive bien dans son écosystème afin qu’on puisse bien identifier la valeur ajoutée que nous apportons par rapport à ce que les autres partenaires apportent. Nous voulons en effet apporter quelque chose de nouveau.

Quelle sera la feuille de route de votre installation ?

La suite sera très positive si l’on s’en tient à la rencontre que nous avons eue avec la ministre d’Etat. Elle fut très encourageante. L’enregistrement officiel d’Enabel va se faire dans les prochaines semaines. Ensuite dans le mois de juin, on va signer avec l’Union européenne le premier programme sur le cacao et ensuite notre directeur pays arrivera le 1er août et être permanent ici. En ce qui concerne les bureaux, on est à la recherche d’un espace qui reflète la vision de l’organisation, c’est-à-dire un espace qui favorise le partenariat, les rencontres entre différents types d’acteurs, l’innovation.

ENTRETIEN REALISE PAR FAUSTIN EHOUMAN



Le 09/05/22 à 15:56
modifié 09/05/22 à 17:43