Souveraineté des États africains : Ce que nous enseigne la crise malienne

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Souveraineté des États africains : Ce que nous enseigne la crise malienne

Crise malienne : enfin le réveil des institutions sous régionales ?

L’adoption par la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA), d’une batterie de sanctions inédites contre la junte militaire au pouvoir au Mali, provoque une levée de boucliers de pseudo-souverainistes, qui au lieu de mener des analyses réalistes, restent encore attachés à leurs approches de théoriciens populistes.

Depuis plusieurs décennies, la CEDEAO est vivement critiquée pour son indolence et son incapacité à s’affirmer dans la résolution de certaines crises. L’institution a décidé de se faire entendre, et la crise malienne doit servir de leçon.

La fermeture des frontières avec rappel des diplomates des pays membres de la CEDEAO, le gel des avoirs du Mali à la BCEAO, la suspension des transactions financières, sont entre autres, les mesures adoptées par les deux institutions sous régionales contre le Mali.

Je ne doute pas que ces sanctions vont avoir des effets catastrophiques sur le peuple malien et son économie, mais il faut aussi savoir que ces décisions auront également un impact sur d’autres pays de la CEDEAO, notamment sur toutes ces entreprises et opérateurs économiques qui ont des échanges avec le Mali.

Déjà en Côte d’Ivoire on peut anticiper une hausse conjoncturelle des prix de la viande de bœuf et de mouton, dont l’une des principales sources d’approvisionnement reste le Mali.

Je ne pense pas que les chefs d’Etats des pays membres de la CEDEAO et de l’UEMOA, soient aussi masochistes, au point de prendre des décisions dont ils sont parfaitement conscients qu’elles auront des répercussions sur leurs propres économies, et sur le bien-être de leurs peuples. Si on en est arrivé à ce stade, c’est justement, parce que la situation le commande.

La sévérité des sanctions adoptées est à la hauteur des décisions prises par la junte. Quel droit a une junte militaire de s’arroger plus qu’un quinquennat de gestion de la chose publique, là ou seulement douze mois auraient pu suffire si la volonté y était. Ne pas sanctionner ne serait-il pas un blanc-seing donné à tous ceux qui voudront exercer le pouvoir d’état sans passer par la voie des urnes.

Les chefs d’États de la CEDEAO et de l’UEMOA sont, une fois, à féliciter pour ces mesures courageuses qui donnent un signal fort.

Que peut-on et doit-on attendre de juntes militaires (sans légitimité aucune que la force des armes) qui ne sont éclairés que par leur seul ostracisme et une vision limitée par les lisières de leurs villages.

Laisser prospérer la thèse d’une transition de cinq ans, défendue par une junte militaire constituerait un précédent fâcheux, qui va certainement ouvrir la voie au désordre, habillé par le sceau d’une fausse volonté populaire suscitée, qui n’est que l’expression de la volonté de quelques « illuminés », qui veulent sanctifier une accession au pouvoir par les armes, et qui veulent prendre le peuple en otage, pour assouvir des ambitions personnelles.

La CEDEAO et l’UEMOA ont décidé de s’affirmer, de jouer entièrement leur rôle. Encourageons-les au lieu de trouver en ces institutions des suppôts de puissances étrangères.

Le salut du Mali viendra-t-il de la Russie ?

Dans la lutte contre les groupes armés terroristes dans le Centre et le Nord du Mali, Il me parait illusoire de penser que le salut du Mali viendra de l’intervention indirecte ou directe d’autres puissances étrangères de substitution.

S’agissant de la présence russe au Mali, pourquoi, en lieu et place de WAGNER qui n’est qu’une milice, l’État russe n’intervient-il pas directement, avec son armée en signant ouvertement des accords avec l’état malien *souverain* comme certains aiment si bien le rappeler ?

Les autorités maliennes auront-ils le courage de rendre public, la contrepartie de cette intervention indirecte russe ? A-t-on tiré les leçons des expériences centrafricaine, tchétchène et même afghane, des interventions russes ? Quelle garantie avons-nous que la Russie n’a pas la même visée impérialiste, que les pseudo-souverainistes combattent depuis le début des années 1960.

Dans ces débats passionnés sur la souveraineté, il faut se méfier de ces intellectuels qui clament à tous vents vouloir s'affranchir de toute tutelle, et qui demeurent constant dans leur ambition réellement affichée de remplacer un Maître par un autre.

Souverainistes ou non, le bon sens voudrait qu’on ne se leurre pas sur les intentions de la Russie au Mali. Il ne s’agit, ni plus, ni moins, que de se servir du Mali comme un terrain d’expérimentation d’une autre « guerre froide », dans une volonté hégémonique.

France ou Russie, France ou Chine, Chine ou Russie, toute intervention au Mali, loin d’être philanthropique, n’est que jeu d’intérêts économiques et géostratégiques.

Si nous sommes d’accord sur cette réalité, quel choix doivent faire nos États africains ? Se départir de la tutelle du Maitre actuel ? Négocier avec l’ancien maitre les clauses d’un nouveau partenariat ? Faire un saut dans l’inconnu avec un nouveau maitre ? Prospérer sur des voies nouvelles par nous-mêmes, pour nous-mêmes ?

C’est juste une question de lucidité, de bon sens et surtout de courage.

Sortir de cette quête de souveraineté illusoire à géométrie variable

Je ne veux pas croire en la malédiction de l’africain. Toutefois, je me pose des questions :

Quelle est cette race qui se complaît tant à lever les mains vers son Seigneur en disant : « Oh mon DIEU, libère-moi de mon Maître présent, pour m’en donner un autre plus conciliant ! Oh Seigneur remplace la France par la Russie ! Oh Seigneur, remplace la RUSSIE par la CHINE ! »

Pourtant il aurait simplement suffi de demander au Seigneur de ne point leur donner de Maître, de mettre un terme à leur esclavage afin de prendre leur destin en main.

J’aimerais tant savoir combien parmi ces pourfendeurs de l’hydre tricolore, bénéficient de la double nationalité, dont celle de la France ?

Nos intellectuels commentateurs de la politique de souveraineté en Afrique, sont-ils prêts, à franchir le Rubicon, en se passant de la becquée que leur sert l’Occident, sous la forme d’aide au développement ? Nos pays africains sont-ils à même de mettre fin à cette tendance à la mendicité internationale ? J’en doute fort.

Trouver un nouveau maitre parce que l’ancien nous a déçus ne fera jamais d’un pays, une nation souveraine. Quels sont ces souverainistes qui n’ont pour toutes terres d’exil ou de refuge que celle du maitre tant détesté ?

À tous ces pseudo-révolutionnaires maliens, burkinabé, camerounais, tchadiens, ivoiriens..., et africains, vous voulez votre indépendance, vous voulez votre souveraineté ?

Mais qu’attendez-vous ? Prenez-la donc ! Et vive l’Afrique à l’ère des théoriciens populistes.

La crise malienne : plus qu’une question de souveraineté, une crise systémique de gouvernance institutionnelle

« J’aime les paysans. Ils ne sont pas assez savants pour raisonner de travers ».

Cette citation de Charles de Montesquieu résume parfaitement le comportement de certains intellectuels, qui dans les méandres de leur analyse, feignent d’oublier que cette crise au Mali et ailleurs, est aussi et surtout le fait d’une oligarchie sans vision commune, et autres nobliaux politico-économiques, qui de par leur gloutonnerie ont sapé les bases d’une société.

Pourquoi vouloir de manière systématique, d’autres exutoires, d’autres boucs émissaires à nos mauvaises gouvernances, et à notre propre avilissement par la gangrène d’une corruption endémique, seuls véritables poisons en nous-mêmes et objets de notre suicide collectif ?

Reconnaissons que le Mali a aussi, comme bon nombre de pays africains d’ailleurs, d’abord et surtout, mal de son administration, de ses hommes et surtout de certains de ses hommes d’affaires sans scrupules.

Point de nation, sans État, Point d’État sans respect des règles, sans une certaine cohésion du groupe. Point de Souveraineté véritable sans Nation, sans État ! Point donc de souveraineté, sans quête d’une restructuration fondamentale de la société, sans principes directeurs, sans une véritable administration au service d’institutions fortes et non aux services d’individus nantis.

C’est sur ces questions essentielles et existentielles que les débats doivent désormais porter.

Par CISSE Tiémoko

Chef d’entreprises, Analyste politique

Spécialiste en relations internationales

Conseiller municipal, commune de Marcory