Gestion des parcs et réserves en Afrique/Tanya Merceron: "Nous ambitionnons d’harmoniser les politiques africaines et non d’uniformiser"

Tanya Merceron, coordinatrice régionale du programme Biopama pour l’Afrique de l’ouest et du centre. (Ph: Dr)
Tanya Merceron, coordinatrice régionale du programme Biopama pour l’Afrique de l’ouest et du centre. (Ph: Dr)
Tanya Merceron, coordinatrice régionale du programme Biopama pour l’Afrique de l’ouest et du centre. (Ph: Dr)

Gestion des parcs et réserves en Afrique/Tanya Merceron: "Nous ambitionnons d’harmoniser les politiques africaines et non d’uniformiser"

Le 15/01/22 à 14:47
modifié 15/01/22 à 14:47
La coordinatrice régionale du programme Biopama pour l’Afrique de l’ouest et du centre évoque les acquis et les perspectives au niveau de la conservation de la nature sur le continent.
Qu’est-ce qui a milité en faveur du choix de la Côte d’Ivoire pour abriter le siège du Réseau africain des coaches pour l’efficacité de gestion des aires protégées (Racegap) qui vient d’être mis en place à Abidjan ?

La Côte d’Ivoire a été retenue comme pays siège à la suite d’un vote fait par les coaches parmi plusieurs pays proposés. La Côte d’Ivoire a toute de même cinq coaches sur environ une centaine de coaches que nous avons répertoriés en Afrique. Ce réseau est l’idée des coaches eux-mêmes qui se sont organisés, ont échangé entre eux et pris leur décision. Le programme Biopama a appuyé l’initiative. La Côte d’Ivoire est un terrain connu avec lequel nous avons déjà une large collaboration à travers le programme Biopama mis en œuvre par l’Union internationale pour la conservation de la nature (Uicn) et le Centre commun de recherche de la Commission européenne sur financement de l’Union européenne et l’Organisation des États Acp. Une grande quantité d’activités sont implémentées en Côte d’Ivoire, donc les provisions légales en matière d’enregistrement d’une association étrangère aidant cela a été très facile pour nous d’entériner cette décision et de faire les démarches nécessaires.

...et l’Ivoirien, Colonel Issa Diarrassouba a été désigné par ses pairs pour assurer le secrétariat général de l’organisation...

Pour les questions de suivi, il était important que le premier secrétaire exécutif soit un Ivoirien et c’est chaleureusement que tous les coaches ont accueilli cette nouvelle. Il y a aussi le président du réseau qui est un Burundais, nous essayons de représenter cette diversité de l’Afrique.

Quelles sont les perspectives à court et moyen termes ?

À court terme, il faut déjà que la reconnaissance légale du réseau en Côte d’Ivoire, qui est le pays siège, soit finalisée. Ce sera donc une association étrangère avec des membres qui viennent de plusieurs pays d’Afrique. Après cette étape, il s’agira de travailler sur l’opérationnalisation du réseau parce qu’il y a des services que ce réseau est appelé à offrir, notamment en matière de renforcement des capacités. Il est important que les connaissances et savoir-faire de ces experts africains puissent être transférés aux personnes qui sont en charge de la gestion des différentes aires protégées que nous avons sur le continent.

Le premier Congrès des parcs et réserves africains est prévu pour mars 2022 à Kigali au Rwanda ? À quoi doit-on s’attendre ?

L’Apac (African Protected Areas Congress) est le premier Congrès des parcs africains à l’instar d’autres événements similaires dans différentes parties du monde. Ce sera l’occasion pour les décideurs africains d’échanger sur les stratégies nationales, régionales et continentales pour la protection de la biodiversité. Il y a aussi déjà eu plusieurs congrès mondiaux de la nature et le dernier a eu lieu il y a quelques mois, en septembre 2021 à Marseille en France. Je pense que c’est une belle occasion qui tombe pile à la veille de la Cop de la Convention sur la diversité biologique des Nations unies (Cbd) où il est question de discuter et négocier le cadre post 2022 pour la biodiversité. Ce sera l’occasion pour l’Afrique d’avoir une voix commune, et de la faire entendre, pour prendre son destin en main et pour faire valoir les expériences et les capacités que nous avons à partager.

Qu’attendez-vous en termes de contribution de la part des États invités – notamment la Côte d’Ivoire à ce rendez-vous ?

Il s’agit d’abord d’une participation effective de représentants des pays aux niveaux local et national. En effet, au-delà des techniciens qui vont prendre part à ce premier congrès, il y a aussi le niveau politique dont l’engagement est important. Il y a par exemple l’endossement par les pays de l’Observatoire pour la biodiversité et les aires protégées en Afrique de l’ouest (Obapao) et de l’Observatoire des forêts d’Afrique centrale (Ofac), comme des centres de référence de la Convention sur la diversité biologique des Nations unies (Cbd).

Que visez-vous à travers le portage institutionnel de ces observatoires ?

Il s’agit d’avoir une vision commune pour la gestion de la biodiversité en Afrique, certaines régions comme l’Afrique Centrale parle déjà « d’harmoniser les politiques en matière d’aire protégée et de faune sauvage ». Il est effectivement intéressant d’harmoniser et non uniformiser les approches, car tous les Etats étant souverains, ils ont le droit et le devoir de développer des stratégies en fonction de leurs réalités propres. Mais c’est important de tenir compte des voisins. Parce que les ressources n’ont pas de frontière. L’éléphant qui sort du Burkina pour aller au Niger n’a pas de passeport. Donc le Burkina et le Niger doivent s’assoir pour discuter de la gestion de cet animal. Il est donc crucial de converger les efforts au niveau du contient pour que nous puissions atteindre nos objectifs communs. Les observatoires régionaux constituent une plateforme de rencontre des acteurs (étatiques, privés, internationaux, société civile, organisation communautaires de base, académique, partenaires techniques et financiers) et de gestion d’une base de données qui leur est commune tout en fournissant des analyses et des produits de connaissance afin de contribuer à atteindre ces objectifs communs.

Quels sont les activités qui meubleront ce Congrès ?

Le Congrès est organisé en différentes parties. On a l’ouverture avec les politiques et les orientations générales. Après il y a trois streams sur les aires protégées et conservées, sur la biodiversité, sur le livelihood. Il est aussi prévu différents panels de haut niveau mais aussi avec des techniciens du domaine qui viennent des régions et pays d’Afrique pour présenter différents aspects des thématiques qui seront abordés. Il y aura aussi plusieurs séances de brainstorming et d’échanges avec les participants.

Quels sont justement les grandes thématiques qui seront abordées ?

Les principales thématiques seront la gouvernance, le financement durable de la conservation, la biodiversité, les infrastructures, le changement climatique et l’utilisation de la science, la technologie et les connaissances traditionnelles pour l’efficacité de gestion des aires protégées et conservées. Ce dernier point est très important à valoriser dans le contexte africain parce qu’en Afrique, nous avons beaucoup de choses à offrir au monde de par nos cultures et croyances qui incitent au respect et à l’harmonie entre les éléments d’un écosystème. Sont également prévues des expositions avec plusieurs pavillons, des stands où il y aura des échanges parallèles. Nous avons programmé un pré-congrès des jeunes et des communautés locales en mettant ces voix - que nous n’entendons pas souvent - au-devant de la scène. Il aura également un « call for action », c’est-à-dire l’appel à l’action qui sera un peu comme un agenda que les pays adopteront par consensus pour qu’on puisse savoir que nous allons ensemble dans la même direction.

Qu’est-ce que vous attendez de la part des États en termes d’engagements ?

Je souhaite qu’il y ait une concertation au plus haut niveau pour que nous sachions ce que nous voulons pour l’Afrique et comment nous allons y arriver. Il y a beaucoup de choses à faire et on va commencer par la solidarité car seul nous ne pouvons pas atteindre des résultats durables mais ensemble on peut aller très loin.


Le 15/01/22 à 14:47
modifié 15/01/22 à 14:47