Deuil / Musique: Évariste, un autre Yacé quitte la scène

Évariste Yacé a travaillé sur des titres à succès tels que Sogoman Sandji de Grand père.
Évariste Yacé a travaillé sur des titres à succès tels que Sogoman Sandji de Grand père.
Évariste Yacé a travaillé sur des titres à succès tels que Sogoman Sandji de Grand père.

Deuil / Musique: Évariste, un autre Yacé quitte la scène

Le 09/01/22 à 20:03
modifié 09/01/22 à 20:05
«On devient artiste par passion et surtout, par choix ; pas parce qu'on n'a pas d'autre choix !». Voici la toute dernière publication effectuée par Évariste Yacé sur son compte Facebook. Le message mis en ligne par l’artiste dans la soirée du 14 décembre (21h 40) trône désormais comme un message prémonitoire. Un témoignage ultime de sa passion pour la musique. Et un conseil avisé aux aventuriers de la scène musicale. Évariste Yacé, musicien et arrangeur émérite ivoirien, a en effet définitivement quitté la scène dans la soirée du 7 janvier, à la clinique médicale Danga (Cocody), à l’âge de 50 ans. Souffrant depuis de nombreux mois, sa santé était devenue préoccupante peu après Noël. Nécessitant plusieurs hospitalisations, dont la dernière dans la matinée du 7 janvier, à la clinique médicale Danga. Où il a été admis aux urgences. Affaibli par une infection pulmonaire aiguë, l’artiste a rendu l’âme quelques heures plus tard. Avec son décès, c’est toute l’Afrique et la Côte d’Ivoire singulièrement qui perd un musicien doué. L’un des meilleurs arrangeurs africains de ces dernières décennies.

Le talentueux musicien et arrangeur s'apprêtait à dévoiler "Akwaba", un album jazz de dix titres réalisé avec son groupe, "Yacé and friends".
Un talent pluriel
Évariste Yacé fait partie de cette race élitiste d’artistes au talent pluriel. Des instruments à la technique musicale, en passant par la chanson, rien ne semble pouvoir arrêter cet artiste pétri de talent. Musicien, producteur, arrangeur, Évariste Yacé cumule toutes les expertises. Et se présente, en outre, comme un multiinstrumentiste qui à lui seul joue à la perfection pas moins de douze instruments de musique. Dont la guitare qui deviendra son instrument de prédilection, après qu’il ait adopté le jazz comme identité musicale. Harpe, trompette, violon, basse... peu d’instruments résistent à la science de ce génie. Qui commence à jouer au piano dès l’âge de 11 ans. Évariste Yacé n’était pas seulement un maître des instruments. C’était aussi un excellent chanteur et un travailleur infatigable qui passait la plus grande partie de son temps au studio Génie. Ce laboratoire qu’il a créé, et d’où il a sorti des dizaines de succès musicaux. La chanteuse Tiane livre un témoignage ému sur cet artiste qui était plus qu’un ami pour elle. «C’était un bon arrangeur et un excellent chanteur. Il ne se ménageait pas, il était toujours au travail, car il était très sollicité ici et ailleurs. Il voyageait beaucoup dans des pays de la sous-région. Comme son frère Marcellin Yacé, 98% de ce qu’il touchait se transformait en succès», confie-t-elle. La chanteuse qui a très bien connu l’illustre disparu le décrit comme un homme aimant, affectueux, et plein d’humour en dehors du cadre professionnel. «C’était un bon ami, il aimait taquiner et raconter des blagues. C’était quelqu’un de génial. Mais qui ne s’accordait pas beaucoup de repos. Car, guidé par la passion du travail. Il pouvait passer toute la nuit jusqu’au petit matin dans son studio. Et le matin, il recommençait jusqu’au soir. Il travaillait en boucle», témoigne-t-elle.
Sa touche était «magique»
C’est depuis le berceau que le destin de ce perfectionniste s’est lié avec la musique. Évariste Yacé est né en 1972 à Abidjan, fils de Cyril Yacé, professeur de musique et anthropologue. Il décroche un diplôme d’ingénieur de son à l’Académie d’Armsterdam (Hollande) après un tour à l'Institut national des arts (Ina) actuel Institut national supérieur des arts et de l'action culturelle (Insaac), à Abidjan. A l’instar de ses deux autres frères, Marcellin et Adolphe, Évariste ne résistera pas à l’appel de la musique. Il rentre en Côte d’Ivoire à la fin des années 90, et se fait très vite remarquer par la qualité de ses arrangements. A cette époque déjà, des titres à succès tels que Sogoman Sandji de l’artiste Grand Père, ou encore la reprise funk du titre Ahengoué d’Allah Thérèse, portent la griffe du talentueux technicien. Dès lors, sa touche est recherchée par les plus grands artistes locaux et africains. Musique mandingue et urbaine, zouglou, jazz... le jeune arrangeur excelle dans tous les genres musicaux. Sa réputation grandit et, il est sollicité par des artistes de renom tels qu’Alpha Blondy, Salif Kéita, Ismaël Lô, Paco Séry, Richard Bona, P-Square, Magic System, Patience Dabany, Affou Kéita... En 2014, il forme «Yacé and friends», un groupe de 5 musiciens, dont lui-même à la guitare. En solo ou avec son groupe, il propose de belles prestations dans certains coins branchés d’Abidjan. Évariste séduit par son interprétation de plusieurs titres célèbres ivoiriens à l’aide de sa guitare. Il perd son frère aîné Marcellin Yacé, l’un des meilleurs arrangeurs ivoiriens de ces dernières décennies. C’est un coup dur, mais en dépit de ce passage difficile, ce perfectionniste s’est accroché à sa passion et a continué d’apporter sa touche à la musique africaine. Jusqu’à la date tragique du 7 janvier 2022.

Cyril, Marcellin, Évariste, Adolphe: Les Yacé, l’hérédité musicale
Ils ont en commun la passion pour la musique. Comme un virus contagieux, aucun des 3 fils de la fratrie Yacé ne fut épargné par cette hérédité musicale. Le père, Cyril Yacé, fut lui-même professeur de musique. Marcellin, l’aîné, à son tour fut une bénédiction pour la musique ivoirienne avant sa disparition tragique en 2002. Jusqu’à sa récente disparition, Évariste, le benjamin, a démontré tout son talent et sa passion pour la musique. Le cadet, Adolphe, aussi tombé dans la marmite depuis son enfance, officie en qualité d’enseignant-chercheur en musique dans l’enseignement supérieur. Pour qui connaît les Yacé, sait que cet attachement à la musique n’est pas une simple mode familiale. Mais plutôt l’expression d’un véritable dévouement, d’une vraie fusion. Aujourd’hui, seul à la barre, Adolphe tient entre ses mains un héritage dont la Côte d’Ivoire et l’Afrique musicale espère encore profiter.
DRAMOUS YÉTI


Le 09/01/22 à 20:03
modifié 09/01/22 à 20:05