L'éditorial par Amedée Assi: Il faut rallumer le phare

Université Félix Houphouet-Boigny
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L'éditorial par Amedée Assi: Il faut rallumer le phare

Le 20/12/21 à 15:28
modifié 20/12/21 à 15:28
Savez-vous quel est le fonctionnaire le mieux payé en Corée du Sud ? C’est l’enseignant. Dans ce pays, pour avoir le statut d’enseignant, il faut se lever très tôt. Ainsi, en l’espace d’une génération, le pays du Matin calme est sorti de l’abîme pour devenir une lumière, aujourd’hui. Parce que tout commençant à l’école, il faut rendre son autorité à l’enseignant.

Chez nous, depuis des décennies, on le sait, l’enseignant a été dépossédé de son autorité au profit des élèves. En notre temps, ceux de notre génération peuvent en témoigner, regarder son professeur droit dans les yeux était comme un sacrilège et relevait même de l’outrecuidance. Aujourd’hui, le professeur ou l’enseignant ne peut plus corriger l’élève ; au contraire, « ce devoir » est dévolu à l’élève qui n’hésite pas à porter main à celui qui donne le savoir. C’est lui qui va se plaindre parce qu’il a été agressé par ses élèves. Ils ont appauvri le côté charismatique du professeur à l’école. C’est tout. « Il faut tout simplement rendre au professeur ce qui fait de lui un professeur, c’est-à-dire un phare, quelqu’un qui oriente une jeunesse vers quelque chose de merveilleux. » Ces propos sont de l’écrivain algérien Yasmina Khadra, de son vrai nom Mohammed Moulessehoul, lors d’une conférence-débat en octobre 2018.

Ces phrases que j’ai lues et relues suite à un post sur la plateforme des anciens élèves du lycée d’Abengourou, regroupés au sein de l’Anelya, m’ont beaucoup fait réfléchir, tant elles traduisent parfaitement ce que nous vivons quotidiennement dans notre pays. Elles m’ont surtout conduit à me poser cette question : où va aujourd’hui notre école ?

Tout le monde le sait, le milieu scolaire ivoirien est devenu, au fil des ans, précisément depuis la fin des années 1990, le lieu par excellence de l’incivisme et de la défiance à l’égard des enseignants et des autorités scolaires. La discipline a foutu le camp. Ainsi, quand ce ne sont pas les biens publics et privés qui sont détruits, ce sont, ici, des agressions verbales et physiques contre des enseignants et le personnel administratif, là des revendications les plus saugrenues et farfelues d’élèves qui croient que tout leur est permis, qui s’autorisent tout.

Bien entendu, je ne saurais, en ces quelques lignes, donner une réponse exhaustive ou proposer des solutions miracles à ces pratiques. Tout au plus, je ne fais que joindre ma voix à celles de nombreux intellectuels ivoiriens et du gouvernement qui, depuis les perturbations des cours survenus ces dernières semaines dans plusieurs établissements scolaires, ont crié « Stop ! ». Enfin ! Afin de mettre définitivement fin à une pratique récurrente à la veille des vacances scolaires qui consiste pour des élèves à refuser les dates officielles fixées par le ministère de l’Éducation nationale et à proposer celles qui leur conviennent. Quel culot !

S’il est indéniable qu’elle occupe une place centrale dans la vie de la nation, force est de constater que l’école en Côte d’Ivoire est absente du débat politique. Ainsi, très peu de partis ou groupements politiques la placent au centre de leurs préoccupations. Et les oppositions successives depuis l’avènement du multipartisme dans notre pays n’ont vraiment rien proposé de concret ; qui puisse changer la donne.

Si chacun de nous a une vue personnelle sur les bonnes méthodes, sur la meilleure pédagogie ou sur les contenus indispensables ou essentiels, il est temps qu’un consensus national clair se dégage sur l’école, loin de l’hystérie politique ambiante.

C’est à ce prix et à ce seul prix que l’Ivoirien nouveau, acteur de l’émergence de la Côte d’Ivoire par le changement de mentalité, émergera tant la dépréciation des valeurs et la perte de l’intérêt général chez les jeunes sont devenues une véritable gangrène.

Je l’affirme et je l’assume : le malheur de notre pays est de n’avoir pas eu le courage de se débarrasser de tous les comportements néfastes, de toutes les attitudes destructrices en tolérant tout, en acceptant tout, en ne sanctionnant jamais.

Si guidé par la vision du Président de la République Alassane Ouattara, notre pays, ces dix dernières années, a dépassé toutes les attentes dans tous les domaines, il ne pourra continuer sa marche en avant qu’avec la fin de l’incivisme et l’avènement d’une citoyenneté responsable dans nos écoles. Et cela passe, comme l’a si bien dit Yasmina Khadra, par faire à nouveau de l’enseignant le « phare, quelqu’un qui oriente la jeunesse », à restaurer l’autorité du maître.


Le 20/12/21 à 15:28
modifié 20/12/21 à 15:28