L'éditorial d'Amedée Assi: D’un parricide à un autre

L'éditorial d'Amedée Assi: D’un parricide à un autre

Dès lors, comment comprendre que déjà, ici et là, des personnes s’agitent et affichent leurs intentions de briguer la magistrature suprême ?

S’il est vrai, comme le dit l’adage, que «qui veut aller loin ménage sa monture », cette fébrilité n’est pas de bon aloi pour ces prétendants, cadres ou dirigeants de formations politiques. Quand bien même on ne peut pas interdire à un citoyen ivoirien d’avoir des ambitions politiques.

En effet, la discipline la plus élémentaire d’un parti ou groupement politique veut que le choix du candidat au poste de Président de la République se fasse au cours d’une convention, d’un bureau politique ou d’un congrès.

Dès lors, affirmer urbi et orbi qu’on pense à la fonction présidentielle, même en se rasant chaque matin, c’est fouler aux pieds les règles de la formation politique à laquelle on appartient, c’est avoir une forme de mépris ou de suffisance vis-à-vis de ses camarades de parti.

Comme l’a joliment dit l’éducateur social congolais Wembo Jah Olela : « Chaque chose à son heure. L’œuf n’éclot que lorsque le poussin est disposé. On ne demande pas à l’arbre de faire le fruit avant le bourgeon ».

Ainsi, si on ne peut pas tenir rigueur à Jean-Louis Billon d’avoir créé un mouvement à sa gloire, « Pierre d’angle pour Jean-Louis Billon », il faut bien admettre que ses sorties ces derniers temps sont bien inopportunes et attentatoires à la discipline et à la cohésion au sein du Pdci-Rda dont il est tout de même le secrétaire exécutif en charge de la communication et de la propagande.

Quelques morceaux choisis : «Au Pdci, j’ai été le premier à me déclarer candidat. En étant le premier à m’affirmer, j’aurai plus de légitimité que les autres qui viendront comme opportunistes » ; « Vous ne pouvez pas faire le temps de vos enfants et vouloir faire le temps de vos petits-enfants » ; « On ne fait pas du neuf avec de l’ancien » ; « Je considère qu’en 2025, nous allons tourner la page, pas qu’au président Bédié... ».

Si cette position de Jean Louis Billon s’inscrit indéniablement dans la vision du Président de la République Alassane Ouattara de donner une chance à une nouvelle classe d’hommes politiques, beaucoup plus jeunes, de procéder à un renouvellement générationnel du paysage politique ivoirien, il faut bien y voir une volonté d’écarter, de manière brutale et inélégante, le président du Pdci-Rda, Henri Konan Bédié. Et cela d’autant plus que le Sphinx de Daoukro, qui a rêvé récemment d’être calife à la place du calife en créant le Conseil national de transition (Cnt), qui lui aurait permis, sans élection, sans la caution de la majorité des électeurs ivoiriens de revenir au pouvoir, n’a pas abandonné cet entêtement obsessionnel de retrouver les ors de la République.

Si hier, c’était le président légal du Fpi Pascal Affi N’guessan, qui opérait un parricide sur la personne de Laurent Gbagbo, comme l’a fort justement démontré Venance Konan dans sa chronique de mardi dernier, aujourd’hui, pourrait-on dire, c’est le tour de Jean-Louis Billon de « tuer » son père, de lui porter l’estocade.

Et Ange Dagaret-Dassaud, membre du Bureau politique du Pdci-Rda, a donc beau jeu d’affirmer qu’«aussi bien que toutes les ambitions sont légitimes, elles doivent s’exprimer dans l’ordre et la discipline. »

En droit ivoirien, conformément à l’article 379 du code pénal, le parricide est puni de l’emprisonnement à vie, mais il faut tout de même se souvenir de ceci : dans l’antiquité romaine, le meurtre des père ou mère, des parents adoptifs ou de tout autre ascendant, était le pire des crimes. Selon Cicéron, le condamné était fouetté puis, la tête enveloppée dans un sac en cuir, il était cousu dans un sac et jeté à la mer.

Ici, même si nous sommes sur le terrain politique et qu’il n’y a pas d’infraction pénale, il faut dire qu’un parricide reste un parricide quand bien même tuer le père est un grand classique politique et que bon nombre de politiciens, sous tous les cieux, n’hésitent pas à mordre la main qui les a nourris .