Rationalisation de l’orpaillage: On cherche à transformer les orpailleurs clandestins en opérateurs économiques

On réfléchit à la façon de mettre fin aux dégâts de l’orpaillage. (Photo : Poro Dagnogo)
On réfléchit à la façon de mettre fin aux dégâts de l’orpaillage. (Photo : Poro Dagnogo)
On réfléchit à la façon de mettre fin aux dégâts de l’orpaillage. (Photo : Poro Dagnogo)

Rationalisation de l’orpaillage: On cherche à transformer les orpailleurs clandestins en opérateurs économiques

Le 01/09/21 à 00:50
modifié 01/09/21 à 00:50
L’orpaillage artisanal doit sortir de la clandestinité et contribuer au développement de la Côte d’Ivoire. L’Union européenne et le gouvernement ont lancé un projet pilote à Tengrela.
Tengrela, ville distante de 776 km d’Abidjan. Ville frontalière avec le Mali. Ici, on suit de près les assauts djihadistes au Mali voisin, mais on s’inquiète aussi et particulièrement de l’ampleur du phénomène de l’orpaillage clandestin. Nous sommes dans la ville depuis trois jours et prenons des notes.

Un de nos interlocuteurs nous lâche en plein entretien parce qu’il doit participer à une réunion sur l’orpaillage clandestin. Nous décidons d’y aller après quelques hésitations. La rencontre a lieu à la salle de réunion des services locaux de vaccination du ministère de la Santé.

A l’entrée, on nous informe que Fraternité Matin ne fait pas partie des organes invités et que le ‘’Blanc’’ qui organise la rencontre nous expulserait si on insiste. Alors qu’on n’était pas très ‘’chaud’’ de consacrer une partie du temps de reportage à une réunion, l’envie d’entrer dans la salle devient plus forte. Nous voici donc dans la salle. Effectivement, il y a un blanc. M. Gilbert Le Bigot, un ancien gendarme français travaillant aujourd’hui pour une Ong suisse. Il est en Côte d’Ivoire parce que son Ong, Coginta, a gagné un appel d’offres de l’Union européenne pour appuyer la Côte d’Ivoire dans ‘’la sécurisation et la valorisation de l’exploitation aurifère artisanale’’.

M. Le Bigot a expliqué, diapositives à l’appui, les ravages de l’orpaillage clandestin à la fois sur l’environnement et l’avenir du pays. Les terres sont détruites et dans moins de 20 ans, les enfants qui ont déserté les salles de classe pour l’orpaillage n’auront plus de quoi vivre. Que deviendront-ils dans un village où il n’y a plus d’or et où les terres ont été détruites ?

M. Gilbert Le Bigot de l’Ong Coginta dirige un projet qui doit aider les orpailleurs à sortir de la clandestinité. (Photo : Poro Dagnogo)
M. Gilbert Le Bigot de l’Ong Coginta dirige un projet qui doit aider les orpailleurs à sortir de la clandestinité. (Photo : Poro Dagnogo)



Et Gilbert Le Bigot de conclure : « On ne peut pas laisser faire ça ». L’assistance l’écoutait. Religieusement ? Je ne sais pas. Ceux qui étaient présents dans la salle connaissent tous les méfaits de l’orpaillage artisanal. Certains sont payés par l’État pour juguler le fléau, les autres en vivent directement. Est-ce que tous sont d’accord avec M. Le Bigot qu’on «ne peut pas laisser faire ça » ?

« Je compte sur chacun de vous pour nous aider à produire des résultats. Le projet pilote qui démarre à Tengrela va durer 18 mois à l’issue desquels ceux qui l’ont financé vont procéder à une évaluation. Si les objectifs sont atteints, il sera renouvelé et les autres régions pourront en bénéficier ».

Le préfet a exprimé toute sa joie de voir son département accueillir le projet pilote et promis tout son soutien. Le directeur départemental du ministère en charge des Mines aussi. Il a rappelé que depuis 2014, l’État a mis en place des comités locaux pour circonscrire l’orpaillage clandestin. Mais pour beaucoup de raisons dont le Covid, ces comités n’ont pu fonctionner. Le Covid, apparu en 2020, soit six ans après la naissance de ces comités locaux, y a donc sa part de responsabilité.

L’Ong a-t-elle étudié les raisons qui ont rendu inefficace la lutte contre l’orpaillage clandestin ? Elle a au moins des chiffres. La moitié de la production d’or de la Côte d’Ivoire échappe au contrôle de l’État. Elle s’évapore et va alimenter des caisses d’autres États ou d’organisations que personne ne maîtrise.

La réserve d’or du pays qui est de 600 tonnes risque de disparaître avant 20 ans. Sans que l’État ait eu les moyens de mettre en place des infrastructures et une économie qui puissent profiter aux générations futures.

Pour cette Ong, il faut agir. Abandonner l’idée de combattre l’orpaillage clandestin mais trouver les voies et moyens pour permettre à l’État de s’insérer dans le système et le contrôler. e projet que pilote de Coginta à Tengrela vise justement à sortir de la clandestinité l’orpaillage.

L’Ong va construire une école nationale dans le village de Papara pour former les orpailleurs aux techniques d’extraction d’or non nocives pour la santé ni pour l’environnement. Elle va aussi aider les coopératives à mieux se structurer, se gérer en vue d’obtenir des prêts bancaires leur permettant d’acquérir le matériel d’exploitation moderne.

Le projet prévoit la construction d’une brigade de gendarmerie à Papara et aussi l’équipement des brigades existantes en moyens de locomotion. Apparemment, on a dû leur dire que c’est par manque de moyens qu’on n’arrive pas à chasser les orpailleurs clandestins.

Apparemment, ils ont aussi cru que c’est parce que personne n’a les moyens que rien n’est fait. A preuve, à la fin de la réunion, des enveloppes ont été distribuées à tout le monde. Pour leur déplacement et repas.

Quand nous avons refusé cette enveloppe parce que nous ne comprenons pas pourquoi pour nous aider à lutter contre un fléau de notre pays, mettant en péril le futur de nos enfants, des ‘’Blancs’’ sont obligés de nous payer. On nous a trouvés bizarres. A la limite douteux.

Nous n’étions pas les bienvenus, nous a-t-on dit à l’entrée ? Nous l’avons bien compris à la sortie.



Le 01/09/21 à 00:50
modifié 01/09/21 à 00:50