L'Editorial de Venance Konan : Réconciliation et dialogue national

Ouattara, Gbagbo et Bédié
Ouattara, Gbagbo et Bédié
Ouattara, Gbagbo et Bédié

L'Editorial de Venance Konan : Réconciliation et dialogue national

Le 04/08/21 à 09:55
modifié 04/08/21 à 09:55
Je reconnais avoir douté de la volonté de Laurent Gbagbo d’aller vers la réconciliation, lorsque je l’ai vu aller d’abord saluer Henri Konan Bédié avant de chercher à rencontrer le Chef de l’État. Oui, je reconnais que j’avais des préjugés à son égard et que j’avais gardé de lui l’image que feu Robert Guéï lui avait collée, à savoir celle du boulanger prompt à rouler son monde dans la farine.

Oui, je reconnais que je n’avais aucune raison de douter de sa bonne foi, ni de celle de quiconque proclame qu’il est engagé dans le processus de la réconciliation entre Ivoiriens, afin que la paix règne entre les filles et les fils de ce beau pays nôtre.

Tout le monde est effectivement fatigué de ces crises qui ne finissent pas de déchirer le pays et sapent tous nos efforts pour sortir la tête de l’eau. Nous pouvons donc convenir qu’après ces dix années passées hors du pays dans les conditions que l’on sait, Laurent Gbagbo est revenu le cœur apaisé, sauf peut-être contre Simone et Affi N’guessan à qui il n’a pas encore, à notre connaissance, adressé la parole. Mais encore une fois, nous aurions tort de vouloir aller plus vite que l’intéressé lui-même.

Accordons-lui donc le droit de régler ses affaires personnelles à son rythme. Accordons aussi à M. Bédié d’être uniquement à la recherche de la réconciliation et de la paix, lorsqu’il parle de dialogue inclusif, et à qui ses militants attribuent le mérite de la rencontre entre Messieurs Ouattara et Gbagbo. Ces militants qui le proposeraient même pour le prix Nobel de la paix. Il est de notre intérêt à tous de soutenir nos leaders dans tous les actes qu’ils posent afin que la paix revienne définitivement dans notre pays et que nous cessions de nous regarder en chiens de faïence.

Félicitons-les pour le climat de détente qu’ils font régner dans le pays depuis qu’ils ont accepté de se parler. Nous attendons tous avec impatience le jour où nous les verrons tous les trois ensemble, tous les trois réconciliés.

Ceci étant dit, je ne comprends pas encore bien l’idée du dialogue national inclusif dont certains leaders politiques parlent. S’agirait-il d’un forum comme celui de la réconciliation de 2001 ? Si oui, ce serait pour régler quel problème ? Nous avons eu une élection présidentielle qui a vu l’élection d’un président de la République, des élections législatives avec la participation très remarquée de l’opposition qui a remporté des sièges très importants, des sénatoriales partielles, le retour de Laurent Gbagbo, l’abandon par la Cour pénale internationale des poursuites contre Simone Gbagbo. Quelle crise vivons-nous actuellement ? Qu’attendrions-nous précisément de ce dialogue national que certains appellent de leurs vœux ? Un Conseil national de transition ? Un gouvernement d’union ? Pour le Conseil national de transition, je crois qu’il ne faut pas se leurrer. Si certains y pensent, ils peuvent l’oublier définitivement. Nous avons un gouvernement légal et légitime qui gouverne et une opposition qui s’oppose comme c’est son rôle. Alors, un gouvernement d’union ? Il semble que ce soit le rêve caressé par certains membres de l’opposition. Il y a ceux qui ont déjà goûté aux délices d’avoir un portefeuille ministériel, et ne se consolent pas de l’avoir perdu, et ceux qui rêvent depuis longtemps d’y goûter à leur tour. Certains leaders de partis politiques ne le sont que parce qu’ils étaient au gouvernement ou avaient la possibilité d’y faire entrer certains de leurs lieutenants.

Dans certains autres partis, si le leader n’a pas besoin d’être au gouvernement, leurs suiveurs qui ont des ambitions rêvent de participer aussi aux réunions du mercredi.

Il leur faut donc être au gouvernement pour exister politiquement et pouvoir entretenir leurs troupes en vue des batailles de 2025. Mais pour cela, on n’a pas besoin d’organiser une grand-messe. Il suffit de savoir négocier avec le Président de la République. C’est lui qui sait s’il a vraiment besoin d’un tel gouvernement. Pour terminer, j’ai cru comprendre que Laurent Gbagbo a déclaré à un groupe de personnes que durant les dix ans de son règne, il n’a pas emprisonné un seul leader politique. Je ne sais pas si l’on doit l’en féliciter. Peut-être que cela est simplement dû au fait qu’aucun leader ne s’est mis en situation d’être arrêté. Lui-même sait ce qu’il a fait pour que la Cour pénale internationale demande son transfèrement devant elle. Si à la fin l’on n’a pas pu réunir suffisamment de preuves pour le condamner, il sait qu’on ne l’a pas envoyé là-bas simplement par pure méchanceté. Mais puisqu’il parle d’emprisonnement, rappelons-lui qu’en mars 2004, une marche pacifique organisée par l’opposition pour exiger l’application des accords de Linas-Marcoussis a été réprimée dans le sang.

Une commission d’enquête de l’ONU avait comptabilisé 120 morts. Opah, c’est beaucoup hein ! C’est beaucoup même ! Et je ne parle pas des escadrons de la mort qui ont aussi tué beaucoup de personnes dont le comédien H. Au quartier, on dit « prison est mieux ». Et c’est parce que prison est mieux que tu as pu aller pendant dix ans et revenir. Les 120 morts comptés par l’ONU et les victimes des escadrons de la mort n’ont pas eu cette chance. Mais comme nous sommes en plein processus de réconciliation, laissons ça de côté.


Le 04/08/21 à 09:55
modifié 04/08/21 à 09:55