Reportage : A la découverte de l’attiéké "ministre"

Des femmes, ici, s'activent à la préparation de l'attiéké (Ph: Patrick N'Guessan)
Des femmes, ici, s'activent à la préparation de l'attiéké (Ph: Patrick N'Guessan)
Des femmes, ici, s'activent à la préparation de l'attiéké (Ph: Patrick N'Guessan)

Reportage : A la découverte de l’attiéké "ministre"

Le 25/07/21 à 12:34
modifié 25/07/21 à 12:34
L’attiéké, semoule ou couscous de manioc est un mets prisé en Côte d’Ivoire. Il se décline en plusieurs qualités avec pour critères de sélection la forme de ses grains.

De l’échelle du bas de gamme au haut de gamme, on y trouve une variété dite supérieure appelée en pays Atchan, peuple originaire d’Abidjan, l’attiéké ‘’N’thonien’’ ou ‘’ministre’’. C’est une gamme plus raffinée qui n’est pas à la portée de toutes les bourses.

L'attiéké "ministre" fin prêt (Ph: Patrick N'Guessan)
L'attiéké "ministre" fin prêt (Ph: Patrick N'Guessan)



Pour en savoir davantage sur l’attiéké "ministre", nous nous rendons au village d’Anoumabo dans la commune de Marcory. En ce début de matinée du vendredi 23 juillet 2021, la petite unité familiale de fabrication d’attiéké des soeurs Allogbon se prépare pour une autre journée de travail.

Dans leur fabrique, près du siège de l’Autorité de régulation des télécommunications (Artci), Suzanne Allogbon et ses sœurs qui sont en activité, voient leur quotidien rythmé par la chaleur du four et l’odeur du manioc. Après 20 ans dans le métier, elle a désormais des galons de fins connaisseurs. ‘’Il y a plusieurs qualités d’attiéké. Il y l’Abodjama, l’ayitê, l’adjoukrou, le N’djissè et le N’thonien », cite-t-elle. Selon Suzanne Allogbon, N’thonien ou ’’attiéké ministre’’, est la semoule de manioc haut de gamme.

L’attiéké "ministre" réputé pour le raffinement de ses grains est servi lors des cérémonies prestigieuses telles que les fêtes de l’or, les baptêmes en pays atchan, les fêtes de génération ainsi que les funérailles.

L'attiéké ministre en préparation (Ph: Patrick N'Guessan)
L'attiéké ministre en préparation (Ph: Patrick N'Guessan)



Le raffinement de l’attiéké "ministre" tire sa source dans sa préparation. « Pour produire cent kilogrammes d’attiéké N’thonien, il faut mobiliser une vingtaine de femmes. Cela nous prend toute la journée », révèle Suzanne Allogbon. Le processus de production de ‘’l’attiéké ministre’’ est plus longue. Le manioc est mis à fermenter dans l'eau pendant deux jours, séché au soleil, broyé, essoré, séché et vanné à plusieurs reprises, à l’aide d’un ventilateur et enfin mis à cuire à la vapeur.

Mais durant ce processus, une étape majeure, celle de l’élimination des fibres. ’’Les grains séchés sont vannés pour éliminer les fibres et toute matière étrangère. Pour fabriquer le N’thonien, la semoule est tamisée quatre fois à nouveau avec des tamis à maillage plus fin allant de 1 à 4 mm. L'attiéké est cuit à la vapeur pendant 30 à 40 minutes. Le produit final est conditionné dans des sacs en plastique ou des paniers de petite ou grande dimension suivant son utilisation finale. Il faut une journée pour fabriquer 100 kilogrammes d’attiéké. A la différence des autres variété d’attiéké, le N’thonien, ces grains sont uniformes’’, explique Suzanne Allogbon.

Toutes ces étapes permettent d'éliminer, entre autres, l'acide cyanhydrique que contient naturellement le manioc afin de sortir une texture plus légère que le couscous de blé, un goût très parfumé avec des grains plus raffinés, débarrassés de toutes fibres.

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Dans l’entreprise familiale, Suzanne a près d’elle sa soeur aînée Christine qui totalise quarante ans dans le métier. Mais ici, c’est la cadette qui gère les commandes et l’approvisionnement en manioc.

Et parlant de commandes, le kilogramme de ‘’l’attiéké ministre’’ est vendu à 1000 FCfa le kilogramme à la fabrique de Suzanne. Et en comparaison, les autres qualités attiéké dont '‘l'Agbodjaman’’ appelé aussi ‘’attiéké gros grain’’, ‘’l’adjoukrou’’, le kilogramme de ces variétés se négocie à 500 FCfa par kilogramme. Cependant « Selon mes informations, cette qualité d’attiéké est vendue à 4000 FCfa le kilogramme en France », rapporte Suzanne Allogbon.

Mais en ce vendredi, petit bémol dans la fabrique des soeurs Allogbon. ’’J’ai une commande de cent kilogrammes de l’attiéké N’thonien pour ce vendredi 23 juillet 2021, mais, je ne peux satisfaire la commande. Parce qu’il y a une pénurie de la matière première, le manioc. Nous subissons la hausse du prix de la bâchée de manioc. La bâchée de manioc se vend actuellement entre 250.000 et 260.000 FCfa. Dans le mois de mai, la bâchée était à 150.000 FCfa’’, explique, dépitée, Suzanne.

Quand nous quittons les soeurs Allogbon pour retrouver les rues d’Anoumabo, nous rencontrons Jean Baptiste T. Le septuagénaire, ressortissant dudit village se souvient de la place de cette variété d’attiéké. ‘’Je me rappelle que nos parents produisaient cette qualité attiéké pour la maisonnée. On ne vendait pas. C’est maintenant, il y a des femmes qui produisent cela en grande qualité’’, souligne-t-il.

Patrick N’Guessan



Le 25/07/21 à 12:34
modifié 25/07/21 à 12:34