Vassindou Cissé (Maire adjoint de Bagnolet) : « Abidjan a besoin de créer des îlots de fraîcheur, véritables vecteurs de liens sociaux »

Cissé Vassindou, Maire adjoint de Bagnolet
Cissé Vassindou, Maire adjoint de Bagnolet
Cissé Vassindou, Maire adjoint de Bagnolet

Vassindou Cissé (Maire adjoint de Bagnolet) : « Abidjan a besoin de créer des îlots de fraîcheur, véritables vecteurs de liens sociaux »

Le 22/07/21 à 18:53
modifié 22/07/21 à 18:53
De passage à Abidjan, nous avons rencontré, Maire adjoint de Bagnolet, chargé de l’écologie, de la transformation écologique de l’espace public, des espaces verts, de l’eau dans la ville, de l’environnement et de la biodiversité. Avec lui, nous avons abordé la question de l'Écologie populaire. Il a partagé l’expérience des lieux conviviaux de sa commune que sont les îlots de fraîcheur, véritables vecteurs de liens sociaux. « Préserver un arbre, c’est préserver des ilots de fraîcheur », dira-t-il. Pour l’élu français, « Le confinement a été vraiment quelque chose de bénéfique ». Dans le cadre de la coopération Nord-sud, il a souligné que des dispositifs existent et permettent de soutenir des initiatives relatives aux questions d’eaux et d’assainissements, dans les campagnes. La commune de Bagnolet est située dans le département de la Seine-Saint-Denis en région Île-de-France.

Qu’est-ce que l’écologie populaire ? Et quel est l’intérêt pour la Côte d’Ivoire ?

L’écologie populaire est une écologie qui appartient à tous les habitants. On a souvent tendance à penser que la question écologique occupe une certaine place de la population. En France, on a dit que c’était l’affaire des gens qui mangent bio et qui ont un certain style de vie. Ils font attention à tout ce qu’ils mangent. Cependant avec la crise sanitaire que nous venons traverser, on s’est rendu compte que la question de l’écologie populaire est aussi le quotidien des habitants des quartiers populaires, c’est-à-dire des gens, qui n’ont pas beaucoup de moyens (les petits salariés, les ouvriers). L’écologie populaire, c’est aussi leur affaire parce qu’ils ont besoin finalement de consommer des choses qui leur plaisent et de bonne qualité. C’est ainsi que beaucoup de gens ont profité du confinement pour exploiter les pieds d’immeubles où ils vivent. Ils ont commencé par développer des jardins potagers (salades, légumes, etc.). De sorte qu’ils ne soient pas obligés d’aller dans les centres commerciaux pour côtoyer du monde. C’est aussi la peur de se préserver de la contamination de la maladie à Coronavirus. Nous devons toujours nous dire qu’il y a des espaces à côté de nous. Et pourquoi ne pas les exploiter pour en faire des choses qui finalement permettent de nous alimenter sans aller au marché.

Dans le mouvement, de petites coopératives d’habitants ont commencé à se mettre en place. La ville, propriétaire du foncier, s’est engagée à accompagner cette dynamique. En mettant les moyens à la disposition des associations qui ont des compétences sur ces sujets. Dans l’accompagnement des habitants nous avons ainsi commencé à avoir dans nos villes beaucoup de potagers et de vergers.

Même dans les écoles, les instituteurs ont commencé à prendre conscience que finalement les élèves qui passent la journée avaient un intérêt à ce qu’on plante des pommiers, des cerisiers. Et que ces produits soient consommés dans les cantines scolaires. Derrière cette attitude, il y a aussi la question de la pédagogie. On se dit que tous ceux dont les enfants adhèrent à cette vision, ils peuvent faire en sorte que leurs parents prennent aussi conscience de ce sujet. Nous disons donc que la période de confinement a permis cette prise de conscience.

Depuis combien de temps cela se passe dans votre collectivité ?

Nous sommes élus depuis 1 an, en juin 2020. Nous avons donc été élu en période de confinement. La ville est obligée de faire des distributions alimentaires dans les familles surtout à des personnes dans les quartiers populaires. On sent qu’il y a vraiment des besoins. On allait acheter dans les supers marchés alors qu’on se dit qu’il y a des espaces que les habitants peuvent eux-mêmes exploités pour cultiver ces produits, légumes, fruits, etc.

Nous avons donc décidé d’accompagner cette dynamique et tous les pieds d’immeubles qui sont quasiment dans notre ville, sont en train de devenir des jardins familiaux pour la consommation. Dans ces villes, il y a souvent des immeubles de huit (8) étages d’environ 500 habitants. Beaucoup de personnes ont compris que cela pouvait être un rapprochement pour créer des liens sociaux parce que généralement dans nos pays, les gens se côtoient mais ne se parlent pas. C’est donc aussi, l’occasion de créer des liens entre les gens à travers la mise en place des vergers familiaux.

Comment la municipalité a apprécié cela ?

En distribuant les colis alimentaires aux habitants, nous avons senti le besoin pour les personnes qui habitent dans ces quartiers de planter, eux-mêmes, des légumes, développer des jardins avec de la salade et le partagé avec tous les habitants. Propriétaire du foncier, nous avons décidé de les soutenir en mettant à leur disposition des associations qui ont des compétences sur ces sujets pour accompagner cette dynamique.

En quoi consiste le concept de quartiers fertiles ?

Il y a un concept qu’on appelle le concept des quartiers fertiles qui est soutenu par la région île de France. A travers un concours les quartiers qui arrivent à mener ces initiatives sont soutenus financièrement. Et ce, à travers des moyens qui sont mis à disposition pour le développer. L’idée est de développer ces circuits dont je parle. Que les gens produisent eux-mêmes et qu’ils puissent consommer ou des petites coopératives puissent produire et que ce soit finalement donné aux habitants. La plupart de ces coopératives qui ont des compétences initiales sur ces questions-là partagent le savoir qu’ils ont pour accompagner les habitants sur cette dynamique.

Au-delà de la consommation familiale, ces produits sont-ils commercialisés ?

D’une certaine manière, ces produits sont commercialisés. En fait, des paniers sont préparés pour les adhérents de la coopérative. Quand on vient chercher son panier de la semaine, l’adhérents paye une cotisation de 20 à 30 euros par mois.

Comment vos populations ont accueilli cette initiative ?

Finalement les gens se sont dit que c’est une opportunité pour eux. Puisqu’il s’agit des produits qu’ils ont eux-mêmes planté. Pour ce faire, il trouve que c’est sain surtout qu’ils connaissent la provenance de ces produits qui sont vendus dans les grandes surfaces. Pour les populations, ces produits sont sains, moins chers et crées un lien fort entre les habitants. Il faut noter que le confinement a été vraiment quelque chose de bénéfique.

Dans le cadre de la réduction des déchets ménagers, comment la ville de Bagnolet gère la situation ?

La question des déchets ménagers constitue un problème parce que les grandes surfaces produisent des plastiques qui sont nocifs à nos habitants. Au niveau de la ville de Bagnolet, on s’appuie sur des associations locales, notamment, l’association des jeunes de Bagnolet qui est une association d’un quartier populaire à qui on donne des subventions. Pour que les habitants prennent conscience que l’utilisation des sacs plastiques n’est pas une bonne chose. Et que le recyclage coûte chère et qu’ils devraient utiliser des sacs réutilisables. Pour cela, on met à leur disposition des sacs qui sont distribués aux habitants pour justement les inciter à ne pas utiliser les sacs plastiques. Dans les circuits courts, il n’y a pas d’emballage. Cela contribue aussi à la réduction de tout ce qui est déchets ménagers, parce que ce sont les emballages dans les grandes surfaces qui polluent l’espace publique. Les gens consomment et jettent les petits déchets partout. Il faut noter que le développement des jardins familiaux contribue à réduire les déchets ménagers.

Les parcelle que la ville met à la disposition de la population sont-elles gratuites ?

A Bagnolet, nous préférons mettre gratuitement les parcelles à la disposition des populations. D’ailleurs, il faut indiquer que ce ne sont pas des parcelles qui sont destinées à des constructions des pieds d’immeubles. Ce sont de petites parcelles. En développant ces petits jardins familiaux cela nous évite en cas de confinement de distribuer encore des colis alimentaires. On n’est pas obligé d’aller acheter pour leur donner. On préfère ainsi les accompagner sur cette dynamique.

Comment fonctionne les espaces partagés ?

Les parcs squares sont des lieux où il y a des jeux pour enfants de 2 à 10 ans, des espaces où on sort les chiens et des lieux multisports. Dans ces lieux, on a commencé à créer aussi des vergers, des jardins familiaux pour que les personnes qui ont d’un certain âge puisse aussi trouver leur place. Le but est de créer l’intergénérationnel pour que tout le monde se retrouve dans ces espaces-là. Et que chacun puisse faire ce qu’ils aiment et que les gens aussi puissent se parler.

Tout cela contribue à la création de liens sociaux parce que les espaces étaient quasiment délaissés. On s’est dit, les gens ne sortent pas de chez eux, beaucoup de gens sont dans des appartements parce qu’on est une ville populaire. Où il y a plus d’appartements que de maisons. C’est aussi une occasion pour que les gens sortent de chez eux pour rencontrer d’autres personnes et de faire les choses qui leur plaisent.

L’écologie populaire a-t-elle un coût qu’il faut à tout prix payer ?

Je pense que les questions écologiques sont intéressantes dans nos quartiers surtout pour les couches populaires. C’est important parce qu’avec le réchauffement climatique, on va se rendre compte que dans nos villes l’on a besoin des ilots de fraîcheur. Quand on voit aujourd’hui ce qui se passe aux Etats-Unis en Californie avec les chaleurs extrêmes, c’est aussi les conséquences du réchauffement climatique. Pour ce faire, depuis qu’on est aux affaires, on a commencé aussi à planter des arbres dans la ville. D’ailleurs, nous sommes en train d’élaborer une charte parce que nous avons eu un incident quand nous avons pris nos fonctions. Il y a un promoteur immobilier qui a abattu un arbre centenaire (177 ans) accidentellement dans la ville. Cela a soulevé un tollé dans la ville. Il ne faut pas abattre les arbres parce que pour nous ce sont des organismes vivants. Sur ces questions, il y a encore beaucoup à faire parce que c’est aussi une question de culture. Les choses se feront certainement un jour mais il faut faire comprendre aux gens que préserver un arbre, c’est de préserver des ilots de fraîcheur que nous n’avons pas en Europe. Pour préserver les arbres, on a élaboré un barème d’indemnisation. Si un arbre est abattu, l’indemnisation varie entre 50 et 250000 Euros en fonction de son âge. En plus, il est exigé à celui qui a commis le forfait de planter des arbres sur des parcelles communales.

En matière d’écologie populaire, comment une ville comme Abidjan peut-elle faire comme vous ?

Il y a un intérêt pour les Abidjanais à avoir ce type d’espace parce que je vois qu’ici les gens sont très actifs. Ils n’ont quasiment pas le temps, les voisins se rencontrent sans se parler. Abidjan a besoin de créer des espaces dans les quartiers. C’est aussi l’occasion pour que les gens puissent se parler, partager les choses. Cela pourrait créer aussi du lien social et je pense que cet aspect est très important parce que le repli sur soi n’est pas une bonne chose. En se parlant, en se côtoyant ça nous permet de nous connaître et de faire des choses ensembles.

Je prends plaisir à découvrir Abidjan dans cette nouvelle configuration parce qu’en me rendant la dernière fois à Treichville, en face du stade Houphouët-Boigny, ils ont commencé à planter des arbres. Non seulement c’est beau mais je pense que dans quelques années cela va constituer des ilots de fraîcheurs pour les Abidjanais. Je sais qu’ils sont en train d’aménager un espace, au bord de la lagune. Les Abidjanais pourront se retrouver dans ces endroits pour partager des choses.

Le budget des espaces verts est l’un des budgets les plus élevés au sein de notre collectivité. Sur un budget de 350 millions d’Euros, sur les 14 délégation, on est à 50 millions d’Euros pour les espaces verts.

Qu’est-ce que vous préconisez à Fraternité Matin ?

Je pense qu’il faut dé-bitumer certains endroits. On pourrait créer un square sur Fraternité Matin. Un espace où les enfants et les familles des salariés pourraient se retrouver tous les week-ends pour partager des moments ensemble. Nous, dans nos parcs Square aujourd’hui, des concerts sont organisés, des fêtes de quartiers. Des espaces aménagés peuvent aussi servir de cadre de fêtes annuelles pour les salariés et leurs familles. Cela permettrait aux familles de se rencontrer, de se connaître et de partager de bons moments.

Quel type de coopération des collectivités ivoiriennes pourraient avoir avec vous ?

Je suis aujourd’hui en Côte d’Ivoire et je pense aussi à la coopération. Je me dis qu’est-ce qu’on peut apporter à nos pays d’origine. On a les compétences sur certains sujets mais il existe certains dispositifs qui permettent finalement de développer la coopération nord-sud. Il y a une loi qui permet aux collectivités territoriales en France de dépenser jusqu’à 1% de leur budget pour soutenir des initiatives sur les questions d’eaux et d’assainissements, à savoir les puits dans les campagnes. S’agissant de la coopération, il faut que ce soit des projets qui soient conduits par les collectivités territoriales ici qui s’adressent à nous pour qu’on puisse accompagner cela.


Le 22/07/21 à 18:53
modifié 22/07/21 à 18:53