L'éditorial de Venance Konan: AGC

L'éditorial de Venance Konan: AGC

C’est en avril ou mai 2019 que mon ami Zyad Limam, patron du journal Afrique Magazine, dont j’avais été le correspondant pendant de longues années avant de prendre la tête de Fraternité Matin, me parla de la possibilité de faire un livre avec le Premier Ministre Amadou Gon Coulibaly.

Ce dernier avait envie d’écrire son histoire, de se raconter, et il avait besoin de mains d’auteurs pour l’aider dans cette tâche. Il le dit lui-même dès nos premières rencontres : écrire n’est pas donné à tout le monde et se raconter soi-même est encore plus difficile pour celui dont l’écriture n’est pas l’activité principale. Il avait donc besoin de se raconter à des personnes dont écrire était justement le métier afin qu’ils couchent proprement ses paroles sur le papier. Zyad connaissait le Premier ministre depuis plus longtemps que moi et je peux dire qu’ils étaient des amis. Pour ma part j’avais eu seulement deux occasions de le rencontrer, l’une, en 2008, à l’occasion d’un reportage que je faisais sur Korhogo dont il était le maire, pour Afrique Magazine, et l’autre, dans un café à Paris, toujours la même année, à l’occasion d’un article que j’écrivais sur Alassane Ouattara qui n’était alors que le président du RDR et le candidat de ce parti à l’élection présidentielle de 2010, toujours pour le compte d’Afrique Magazine.

L’aventure du livre a commencé en septembre 2019. Zyad venait de Paris, et nous passions de longues heures dans le bureau du Premier ministre ou à son domicile, et durant ce temps, seuls les appels du Chef de l’Etat pouvaient nous déranger. Vers la fin, il est arrivé que Zyad ne puisse pas venir et que je le rencontre seul, pour préciser certains détails, poser quelques questions oubliées. Ces huis-clos m’ont permis de connaître un Amadou Gon Coulibaly que je ne soupçonnais pas, un homme à la fois très chaleureux et très réservé, passionné par son pays, son terroir, sa famille, son travail, et surtout fasciné par un autre homme, Alassane Ouattara, à qui il vouait une vraie dévotion. J’ai découvert aussi un grand amoureux de reggae et de la musique de balafon, comme l’était son père, qui fut lui aussi ingénieur et homme politique. Amadou Gon Coulibaly savait être drôle lorsqu’il racontait certaines anecdotes, et mordant lorsqu’il parlait de ses adversaires politiques. Pendant ces huis-clos, Amadou Gon Coulibaly qui était légèrement moins âgé que moi, nous a raconté son enfance, son adolescence, ses années d’université en France, et ses premiers pas dans la vie active. Ces années-là étaient aussi celles de mon époque, celles de la Côte d’Ivoire qui venait de recouvrer son indépendance politique. Lorsqu’Amadou Gon Coulibaly nous parlait de la grande grève à laquelle il avait participé du temps où il était au lycée, de son amour pour Bob Marley, de ses lectures et de ses engagements d’étudiant, je partageais les mêmes souvenirs et la même nostalgie que lui.

La rencontre qui changera le cours de sa vie fut celle d’Alassane Ouattara, alors qu’il était jeune cadre aux « Grands travaux », comme on appelait alors le Bureau national d’études technique pour le développement (BNETD). Pour lui, il s’engagea en politique, et eut la carrière que l’on lui connait. Amadou Gon Coulibaly a suivi Alassane Ouattara jusqu’à la tête de l’Etat. Mais avant ce dénouement, il avait connu tous les aléas du combat politique en Afrique, à savoir la prison, l’exil, la mort de certains compagnons de lutte... La mort, justement, il la frôla de près, non pas du fait de la politique, mais plutôt à cause d’un cœur défaillant. Et grâce à Alassane Ouattara qui était devenu véritablement un nouveau père pour lui, il put changer de cœur et revenir à la vie. Amadou Gon nous a raconté tout cela au cours de ces intenses huis-clos. Il nous a aussi raconté sa vision pour la Côte d’Ivoire, pour l’Afrique. Il nous a même ouvert une petite lucarne sur sa vie privée.

J’allai rejoindre Zyad à Paris en février 2020 pour raffiner si j’ose dire le matériau brut que nous avions. Je revins de Paris le 29 février. Je croisai le Premier ministre à l’aéroport. Il était venu chercher quelqu’un. J’allai le saluer et il me demanda si le travail avait bien avancé. Je le rassurai et il me dit « à bientôt ». Peu de temps après, il fut désigné candidat de son parti pour l’élection présidentielle. Avait-il entrepris d’écrire ce livre dans cette optique ? Nous lui avions posé la question mais il n’y avait pas répondu. Plus tard il eut un malaise et repartit en France. Zyad l’y rencontra à sa sortie d’hôpital. Il avait annoté le premier jet du texte que nous lui avions remis. Zyad m’envoya un message enthousiaste pour me dire que nous allions pouvoir avancer sur le livre. Il faut dire que son hospitalisation nous avait vraiment fait peur. Le « Boss », comme nous appelions Amadou Gon Coulibaly était pressé que le livre sorte. Il nous restait à ajouter la dernière séquence, à savoir sa gestion de la Covid 19 qui l’avait un temps confiné chez lui, et sa dernière hospitalisation. Il est revenu de Paris le 2 juillet 2020. Il est allé à son Conseil des ministres le mercredi 8 juillet. Je devais le rencontrer le samedi suivant. Il est mort ce mercredi du mois de juillet 2020. Un an après, nous vous présentons le livre d’Amadou Gon Coulibaly, tel qu’il s’est raconté lui-même.

Venance Konan