L’éditorial de Venance Konan : Gbagbo, on t’attend

L'ex-président Laurent Gbagbo. (DR)
L'ex-président Laurent Gbagbo. (DR)
L'ex-président Laurent Gbagbo. (DR)

L’éditorial de Venance Konan : Gbagbo, on t’attend

Le 01/07/21 à 11:04
modifié 01/07/21 à 11:04
Pendant plus de dix ans, les partisans de Laurent Gbagbo ont pleuré, crié et chanté que sans la présence de leur idole en Côte d’Ivoire, il ne saurait y avoir de réconciliation entre Ivoiriens. Et même que l’une des personnes qui disaient auparavant que la place de l’ancien Président était en prison, loin de la Côte d’Ivoire, a fini par dire qu’il était devenu la pierre angulaire du processus de réconciliation.

Le fils de Mama a été acquitté par la Cour pénale internationale et il est rentré au pays. Il faut bien comprendre que s’il a pu revenir dans son pays, c’est parce que le Chef de l’État Alassane Ouattara s’est inscrit lui aussi dans ce processus de réconciliation, ou plutôt d’apaisement des tensions. Mieux, il a aussi permis que l’État prenne en charge les frais de retour de Laurent Gbagbo, lui paie sa pension d’ancien Chef d’État et lui octroie tous les avantages qui vont avec cette fonction ; il a aussi mis à sa disposition le salon présidentiel de l’aéroport et facilité le retour des compagnons de l’ancien Chef d’État qui vivaient en exil.

Laurent Gbagbo est arrivé depuis deux semaines. Et l’on attend toujours les gestes, les paroles qui iront dans le sens de la réconciliation, de l’apaisement des cœurs de ses partisans qui brûlent encore. Et depuis deux semaines, ce qu’il nous sert est plutôt un vaudeville peu ragoûtant qui ne nous rapproche en rien de cette réconciliation tant recherchée. Déjà, en embarquant dans l’avion à Bruxelles, il choisit d’humilier son épouse Simone en s’affichant ostensiblement avec sa maîtresse Nady Bamba.

On peut ne plus aimer une femme, ne plus partager sa vie, mais on peut la respecter et éviter de l’humilier publiquement. Vous me direz que cela relève de la vie privée de Laurent Gbagbo ; certes, mais seulement, il est un ancien Chef d’État, et de nombreux Ivoiriens comptent sur lui pour réconcilier la nation, voire pour diriger à nouveau le pays. En tout cas, il semble, si l’on en juge par certains de ses propos, qu’il espère concourir à nouveau pour la Présidence de la République. Donc, depuis Bruxelles, il humilie Simone, son épouse légale.

A l’aéroport, il l’humilie encore, en direct, si l’on peut dire, en la congédiant devant tout le monde. Trois jours après, il annonce publiquement qu’il a demandé le divorce. A Mama, son village, il continue d’humilier Simone en vantant publiquement les qualités de celle qu’il appelle « ma petite femme » et qu’en bon français on appelle sa maîtresse, en oubliant de préciser que pendant que cette dernière allait lui rendre visite à La Haye, Simone était en prison ici et elle était réclamée par la même cour qui le détenait.

Et dans tout cela, pas un mot, pas une seule petite minute de silence pour tous ceux qui sont morts à cause de lui. Pas un mot à l’endroit de ceux qui sont en prison à cause de lui. Pas un mot à l’endroit d’Affi N’guessan, qui fut son Premier ministre, le président de son parti et qui avait annoncé qu’il se mettrait à sa disposition dès qu’il rentrerait au pays. Et pas un traître mot de remerciement, même seulement diplomatique, à celui qui lui a permis de rentrer au pays et qui l’a rétabli dans ses droits d’ancien Chef d’État, et avec qui il est censé se réconcilier. Gbagbo, tu es comment même ?

Pour lui, ce qui compte, c’est le combat qu’il doit mener pour revenir au pouvoir. Il n’est pas venu réconcilier quelqu’un. Il est venu continuer son combat, et il le reprend là où il l’avait laissé. à savoir que c’est lui qui avait gagné l’élection présidentielle en 2010. Même s’il reconnaît que l’on ne peut refaire l’histoire, il ne reviendra jamais sur cette affirmation. C’est pour lui une question de survie politique.

Reconnaître qu’il avait perdu, c’est reconnaître que c’est lui le responsable de la crise post-électorale qui a causé la mort de trois mille personnes selon les chiffres de l’Onu. Même s’il a été acquitté des accusations de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, il y a bien quelqu’un qui porte la responsabilité, au moins morale, de ces morts. Et si c’est lui qui a perdu l’élection et n’a pas voulu reconnaître sa défaite, ce serait donc lui ce responsable moral. Et cela, ni lui, ni ses partisans ne le reconnaîtront jamais.

C’est tout à fait logique et il serait inutile de s’y appesantir. Ce qui compte est l’avenir et là, je crois qu’il ne faudrait rien attendre de Laurent Gbagbo. La sagesse aurait voulu, après ses longues années de prison, après son acquittement qui lui confère presque le statut de héros, après son retour que ses partisans ont voulu triomphal, compte tenu de son âge et du fait qu’il a déjà dirigé le pays pendant dix ans, qu’il se repose et se mette dans une posture de grand sage de la nation en se retirant de la politique.

On avait attendu la même attitude de son prédécesseur, mais hélas! Visiblement, l’unique rêve de l’époux légal de Simone est d’en découdre avec le Président Ouattara. Et pour la réconciliation, vous pourrez repasser.


Le 01/07/21 à 11:04
modifié 01/07/21 à 11:04