Lutte contre la drogue : Attention, un business illicite qui emploie !

Les experts interpellent sur certains aspects qu’il faut prendre en compte dans l’orientation des stratégies nationales de lutte contre la drogue. (DR)
Les experts interpellent sur certains aspects qu’il faut prendre en compte dans l’orientation des stratégies nationales de lutte contre la drogue. (DR)
Les experts interpellent sur certains aspects qu’il faut prendre en compte dans l’orientation des stratégies nationales de lutte contre la drogue. (DR)

Lutte contre la drogue : Attention, un business illicite qui emploie !

Le 30/06/21 à 11:51
modifié 30/06/21 à 11:51
Intervenant lors d’une table- ronde sur l’économie souterraine du trafic illicite des drogues en Côte d’Ivoire, à l’occasion de la Journée de lutte contre la drogue, Dr Bakary Ouattara, enseignant-chercheur à l’Ufr de Criminologie à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody, expert des questions de drogue, d’addictologie et de criminalité, a exposé certains avantages qu’il faut prendre en compte dans l’orientation des stratégies de lutte contre la drogue. Car pour lui, cet aspect n’est pas toujours mis en exergue.

La triste réalité est que, selon l’expert, le secteur, dans sa structuration, emploie des milliers d’individus. Des jeunes ou des individus en tous genres y opérant ont des emplois à plein temps. Depuis l’importation au consommateur, en passant par la chaîne de distribution, de nombreuses personnes recrutées y gagnent malheureusement leur vie.

« Il y a d’abord l’importateur qui a un chiffre d’affaires en termes de milliards de F Cfa. En outre, des personnes sont utilisées pour la distribution de la marchandise. En fonction de la quantité et de la qualité de la drogue qu’ils transportent, ils seront payés. Un grand fumoir, par exemple, emploie une vingtaine de personnes qui travaillent de 5h à 22 heures. Sachant que le fumoir fait une rotation, c’est-à-dire qu’en 24h, 40 personnes y vivent à travers une rémunération journalière de 15 mille FCfa. Ces derniers, que feront-ils avec un emploi où ils gagneront mensuellement 60 000 FCfa », déclare Bakary Ouattara. C’est alors un terrain fertile trouvé, pour les jeunes peu qualifiés en particulier, pour s’insérer. L’enseignant attire alors l’attention des décideurs.

Un autre intervenant convié par le Comité interministériel de lutte anti-drogue (Cilad) à cette table-ronde, Ouattara Abdoulaye, issu de l’Institut national de la statistique (Ins), cite comme types d’emplois dans le trafic de la drogue : propriétaires de fumoirs ou “Borotigui“, gérants, les gestionnaires de stocks, vendeurs, “pharmaciens“, guetteurs, chargés de la sécurité, convoyeurs ou distributeurs, grossistes, “Babatchès“, importateurs et les fournisseurs, etc.

D’autres parmi les dealers blanchissent leur argent « sale » dans la construction de certains édifices, entre autres : écoles, églises, hôtels, Ong et fondations. A travers lesquels, ils arrivent à créer d’autres types d’emplois.

Hausse des coûts pendant la Covid-19Dès l’apparition de la Covid-19, les coûts d’importation ou la consommation ont connu une hausse. Bakary Ouattara impute cette situation à la restriction de la circulation que se sont imposée les pays comme gestes barrières, dans le cadre de la lutte contre la Covid-19.

Le trafic maritime, aérien et terrestre entre les pays était ainsi arrêté à un moment donné. Pourtant, c’est par ces moyens que le stupéfiant est écoulé. D’où une demande forte sur le marché qui a eu pour corollaire l’explosion des coûts. La loi de l’offre et de la demande oblige.

Ainsi à en croire les données du Cilad rendues publiques par Ouattara Abdoulaye, le prix moyen du kilogramme de la cocaïne à l’importation en Côte d’Ivoire est passé de 14 millions de F Cfa avant la Covid-19 à 25 millions de FCfa pendant la pandémie. Pour l’héroïne, le prix moyen du kilo à l’importation a grimpé de 8,5 millions à 15 millions de FCfa.

Quant au cannabis, le prix du kilogramme est monté de 50 000 à 75 000 FCfa à l’importation pendant la Covid-19 en Côte d’Ivoire.

Ce trafic qui génère un important flux financier, comme cela a été démontré par les experts, n’était pas sans conséquence sur la vie des populations. Pour M. Ouattara, elle déstabilise les économies des États, favorise la corruption et la concurrence déloyale ainsi que des dépenses colossales pour le gouvernement, dans le cadre des opérations mises en œuvre pour combattre le fléau.

Au plan sécuritaire, ce trafic engendre, entre autres, des scènes de violence, le banditisme et des affrontements entre groupes rivaux pour le contrôle de fumoirs, avec parfois des pertes en vie humaine où des dégâts graves.


Le 30/06/21 à 11:51
modifié 30/06/21 à 11:51