L’éditorial de Venance Konan : Éducation et bonne gouvernance

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L’éditorial de Venance Konan : Éducation et bonne gouvernance

Le 29/06/21 à 10:53
modifié 29/06/21 à 10:53
En juin 2013, j’eus l’occasion de partager un repas à Grand-Bassam avec M. Horst Köhler, ancien directeur général du Fonds monétaire international et ancien président de la République Fédérale d’Allemagne. J’avais alors, dans une chronique publiée au lendemain de cette rencontre, résumé en ces termes les propos que M. Köhler avait tenus au cours de notre déjeuner : « Ce que je vais vous dire est ma conviction profonde. »

« Je ne cherche à flatter personne, parce que je n’y ai aucun intérêt. Il y a effectivement une réelle croissance économique qui se voit sur le continent africain. Je l’ai vue ici en Côte d’Ivoire, je l’ai vue ailleurs dans d’autres pays. L’Afrique a deux grands atouts : elle a un énorme potentiel humain qui est représenté par sa démographie, et un tout aussi énorme potentiel naturel, représenté par ses matières premières. Si vous savez les utiliser, le développement du continent est assuré.

Pour le potentiel humain, il faut que vous développiez l’éducation. Si toute cette jeunesse qui constitue une véritable force pour vos pays n’est pas éduquée, elle peut devenir une bombe. Il faut absolument que vous fassiez de l’éducation une priorité. Ensuite il faut que vous transformiez sur place vos matières premières. Un pays comme le Botswana s’est développé grâce au diamant. Au début de son indépendance, seulement environ 25% des revenus du diamant restaient au pays.

Aujourd’hui, ils ont inversé les chiffres, et 75% des revenus tirés du diamant restent dans le pays. Ils ont créé une industrie du diamant qui emploie des milliers de personnes. C’est ce que les autres pays africains devraient faire. Cela passe par l’éducation. Formez des techniciens, des ingénieurs, des scientifiques pour qu’ils transforment tout ou partie de vos matières premières. Non seulement cela créera de l’emploi, mais aussi une plus-value sur ces matières premières. Un autre atout de l’Afrique est qu’il y a de plus en plus de leaders bien éduqués, ouverts sur le monde, dont ils comprennent tous les enjeux, et qui ont une vision pour leurs pays et leur continent.

Mais il est important que l’Afrique s’unisse. Il y a un entrepreneuriat africain qui se développe de plus en plus, avec des hommes et des femmes d’affaires très avisés qui sont à l’aise partout dans le monde. Vous avez vraiment tous les atouts pour amorcer le décollage de votre continent. Mais il faudra du temps. C’est un effort continu qu’il vous faut maintenir pour atteindre vos objectifs. Il faut du temps pour former votre élite et les compétences qu’il vous faut, ainsi que les industriels et les entrepreneurs.

Les prémisses sont là. Ce qu’il vous faut, c’est de ne pas relâcher l’effort. Il vous faut aussi de la bonne gouvernance, pour ne pas décourager les investisseurs, qu’ils soient nationaux ou étrangers. Enfin, il est important que les jeunes soient associés très tôt à la vie politique. »

C’était il y a huit ans. Ce que j’ai retenu des propos de M. Köhler, c’est l’importance qu’il faut accorder à l’éducation et à la bonne gouvernance. C’est par la qualité de l’éducation que l’on pourra obtenir les techniciens, les ingénieurs et les scientifiques capables de transformer nos matières premières sur place, et les entrepreneurs à même de créer des structures industrielles qui emploieraient cette jeunesse qui pourrait constituer une bombe si elle est abandonnée. Et la bonne gouvernance, c’est l’ingrédient nécessaire pour attirer les investisseurs et pour que les citoyens se sentent en sécurité dans leur pays.

Pour ce qui est de la qualité de notre enseignement, il y a autant de raisons d’espérer que de désespérer. Je parlerai ici uniquement des raisons d’espérer. Aussi je profite de cette chronique pour féliciter publiquement mon ami Henri Koula, le proviseur du lycée scientifique de Yamoussoukro, ainsi que tout son corps enseignant, pour les bons résultats que leurs élèves obtiennent chaque année.

En témoignent le nombre toujours croissant de leurs élèves qui, chaque année, intègrent de grandes écoles étrangères à la réputation bien établie telles que l’X Polytechnique de Paris, l’Ecole nationale supérieure d’informatique et de mathématiques appliquées (ENSIMAG) en France, les Mines de Nancy, en France toujours, etc. Je sais que dans ce pays, la meilleure façon de créer un problème à quelqu’un est de le féliciter publiquement, mais Henri, je pense sincèrement que tu le mérites et je suis fier d’être ton ami.

J’en profite pour féliciter tous les proviseurs de tous les lycées et collèges de Côte d’Ivoire, tous les présidents d’université qui ont une très haute idée de leurs missions, de l’éthique de leur profession et qui ne transigent pas sur la qualité du travail que doivent produire leurs élèves. Oui, ce genre d’encadreurs existent encore dans notre pays et il appartient à nos autorités de les faire connaître et de les honorer afin qu’ils inspirent leurs collègues.

Je voudrais aussi féliciter nos autorités qui ont suspendu quatre dirigeants d’entreprise d’Etat à la suite d’audits réalisés dans leurs structures. Il n’est pour le moment question que de soupçons et l’on ne peut préjuger de la culpabilité des personnes mises en cause, mais le signal est fort et très positif dans ce pays où le peuple aime bien croire que tous ceux qui ont des parcelles de pouvoir en abusent nécessairement et que l’impunité est la règle. Si certains l’ont cru, il est temps pour eux de déchanter. Tout ce que l’on peut souhaiter est que cela ne s’arrête pas là.


Le 29/06/21 à 10:53
modifié 29/06/21 à 10:53