L'éditorial de Venance Konan: Pour de vrai, cette fois-ci ?

L'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo à regagné Abidjan après son acquittement du procès intenté contre lui pour crime contre l'humanité (DR)
L'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo à regagné Abidjan après son acquittement du procès intenté contre lui pour crime contre l'humanité (DR)
L'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo à regagné Abidjan après son acquittement du procès intenté contre lui pour crime contre l'humanité (DR)

L'éditorial de Venance Konan: Pour de vrai, cette fois-ci ?

Le 18/06/21 à 08:11
modifié 18/06/21 à 08:11
Pour de vrai, cette fois-ci ? L’ancien président de la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, est donc rentré au pays après avoir passé dix ans à l’extérieur en raison des ennuis qu’il avait avec la justice internationale. Comme il fallait s’y attendre, il y a eu des affrontements entre ses partisans et les forces de l’ordre.

Mais ces incidents regrettables, qui, à notre connaissance, n’ont pas entraîné de perte en vie humaine, ni même de dégâts matériels majeurs, ne devraient pas être l’arbre qui cache la forêt. Une page de notre histoire, celle de ces dix dernières années qui s’est écrite en l’absence... physique de Laurent Gbagbo du territoire national vient de se refermer, et une nouvelle s’ouvre.

Laurent Gbagbo est de retour en Côte d’Ivoire et encore une fois, les trois principaux animateurs de notre scène politique sont à nouveau ensemble. Nous voulons tous que la nouvelle histoire s’écrive sous le thème de la réconciliation totale et vraie, de l’union sacrée face aux grands dangers que nous allons devoir affronter et qui s’appellent terrorisme islamique, déforestation, sahélisation de notre pays et perte des valeurs essentielles qui fondent la vie en société. Cette fois-ci sera-t-elle la bonne ? Allons-nous vraiment vers une vraie réconciliation ? Notre histoire récente nous a montré que nous aurions tort de nous enthousiasmer trop vite devant les professions de foi de certains de nos leaders politiques. Car trop souvent la déception et la désillusion se sont trouvées au bout de nos espérances. En voici quelques exemples.

Souvenons-nous du coup d’État de décembre 1999. Ses auteurs avaient affirmé dans un premier temps être venus pour corriger certaines injustices et rétablir des droits qui avaient été bafoués. Bon nombre de nos compatriotes y avaient cru. Mais au bout de dix mois d’une gestion absolument chaotique, aussi bien sur les plans économique et politique, que sur celui du respect des droits humains, nous nous sommes retrouvés dans une situation pire qu’auparavant, avec à la clé une élection dans le sang dont le vainqueur avait dû reconnaître qu’elle fut calamiteuse.

En 2001, fut initié un « forum de la réconciliation », après que les principaux opposants qu’étaient messieurs Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié qui vivaient en exil hors du pays ont été autorisés à rentrer. Le quatrième protagoniste qu’était Robert Guéï qui vivait caché dans le pays avait pu sortir de sa cachette. On s’embrassa à la fin du forum, mais un an plus tard, une rébellion occupa la moitié du pays pendant huit ans. Au début de l’année 2003, tous les acteurs de notre nouvelle tragédie se retrouvèrent à Linas-Marcoussis en France, dans l’intention d’y mettre fin. Au terme de leurs discussions, on s’embrassa de nouveau en chantant ensemble l’hymne national.

Mais à peine l’encre de l’accord eut-elle fini de sécher que nous recommençâmes à nous étriper dans le sang. Les élections qui devaient se tenir en 2005 pour mettre fin à la crise furent repoussées d’année en année, jusqu’en 2010, après que beaucoup de sang ont coulé. Au premier tour de la présidentielle, nous eûmes un taux de participation jamais égalé dans ce pays et dans beaucoup d’autres. Et entre les deux tours, nous assistâmes, éberlués, à un débat télévisé si civilisé entre les deux candidats que nous crûmes de bonne foi que la malédiction des résultats d’élection contestés avait été à jamais exorcisée dans notre pays.

Hélas ! Trois fois hélas ! Le processus se solda par trois mille morts officiellement recensés, et la déportation de Laurent Gbagbo et Blé Goudé à La Haye.

Alors, le retour de Laurent Gbagbo hier en fin d’après-midi marque-t-il l’épilogue d’un chapitre de ce que l’on a appelé la crise post-électorale ou est-ce juste la fin d’un paragraphe ?

Devrions-nous vraiment croire en la concorde retrouvée ? L’avenir nous le dira. Laissons Laurent Gbagbo et ses proches goûter au bonheur des retrouvailles. Il n’a, pour le moment, rien dit de substantiel. Nous aurons largement le temps de disséquer ses mots et gestes, ainsi que ceux des autres acteurs de notre scène politique dans les jours à venir. Bon retour chez vous Monsieur Gbagbo !


Le 18/06/21 à 08:11
modifié 18/06/21 à 08:11