Abdal Karim Ewaida, ambassadeur de la Palestine en Côte d’Ivoire
Conflits dans la bande de Gaza/Abdal Karim Ewaida : « La meilleure solution et la plus durable, c’est de créer enfin notre État palestinien »
La bande de Gaza a été, une fois encore, le théâtre d’affrontements entre le Hamas et l’État d’Israël. L’ambassadeur de la Palestine en Côte d’Ivoire répond, sans faux-fuyant, aux questions sur ce sujet.
Nous avons assisté, récemment, à de nouvelles violences entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza. Selon vous, qu’est-ce qui a déclenché cela ?
Selon moi et selon de nombreux observateurs, à cette période, alors que le Premier ministre Netanyahu réalisait son échec à former un nouveau gouvernement, il a délibérément lancé une campagne pour alimenter les tensions et encourager les attaques racistes afin de détourner l’attention et empêcher son adversaire de former un gouvernement. Ses alliés politiques du Parti religieux sioniste, les partisans du parti extrémiste Kahana et les partisans de l’expulsion du peuple palestinien ont joué un rôle de premier plan. La première étape importante d’une série de provocations israéliennes a eu lieu les premiers jours du mois sacré du Ramadan à Jérusalem occupée. Les forces d’occupation ont érigé des barrières métalliques pour interdire aux Palestiniens de se rassembler sur la place à l’entrée de la porte de Damas et sont allées plus loin en coupant les fils des haut-parleurs dans deux minarets de l’enceinte de la mosquée Al-Aqsa pour empêcher que les prières du soir ne soient amplifiées par des haut-parleurs.
Plus tard, le 22 avril, des centaines de religieux sionistes ont scandé « mort aux Arabes » à Jérusalem occupée, lors d’une manifestation coordonnée avec la police israélienne et ont agressé des Palestiniens dans la vieille ville. Au milieu des manifestations palestiniennes pacifiques à Jérusalem occupée, pour la défense de la dignité palestinienne et des droits nationaux et humains, l’agression israélienne s’est poursuivie avec des attaques quotidiennes contre les Palestiniens à la porte de Damas, dans et autour de l’enceinte de la mosquée Al Aqsa, les zones autour de l’église du Saint-Sépulcre pendant Pâques où les Palestiniens de confession chrétienne orthodoxe ont été aussi empêchés de prier. Je voudrais aussi souligner qu’aucun chrétien de Gaza n’a été autorisé par les Israéliens à se rendre à Jérusalem pour pratiquer son culte dans les lieux saints. Dans le quartier de Sheikh Jarrah et dans plusieurs autres quartiers palestiniens de Jérusalem-Est, pendant tout ce temps, la menace imminente de transfert forcé qui constitue un crime de guerre en vertu du Statut de Rome de la Cour pénale internationale et une grave violation de la quatrième Convention de Genève continuait de planer sur les Palestiniens à Silwan, dans le quartier de Sheikh Jarrah et dans d’autres parties du territoire occupé. Cette politique d’expulsions forcées par Israël vise à changer la nature démographique et géographique de la ville sainte de Jérusalem, à se débarrasser de la population palestinienne pour la judaïser à 100% selon l’aveu de colons eux-mêmes ; ce qui est inacceptable !
Plus tard, le 22 avril, des centaines de religieux sionistes ont scandé « mort aux Arabes » à Jérusalem occupée, lors d’une manifestation coordonnée avec la police israélienne et ont agressé des Palestiniens dans la vieille ville. Au milieu des manifestations palestiniennes pacifiques à Jérusalem occupée, pour la défense de la dignité palestinienne et des droits nationaux et humains, l’agression israélienne s’est poursuivie avec des attaques quotidiennes contre les Palestiniens à la porte de Damas, dans et autour de l’enceinte de la mosquée Al Aqsa, les zones autour de l’église du Saint-Sépulcre pendant Pâques où les Palestiniens de confession chrétienne orthodoxe ont été aussi empêchés de prier. Je voudrais aussi souligner qu’aucun chrétien de Gaza n’a été autorisé par les Israéliens à se rendre à Jérusalem pour pratiquer son culte dans les lieux saints. Dans le quartier de Sheikh Jarrah et dans plusieurs autres quartiers palestiniens de Jérusalem-Est, pendant tout ce temps, la menace imminente de transfert forcé qui constitue un crime de guerre en vertu du Statut de Rome de la Cour pénale internationale et une grave violation de la quatrième Convention de Genève continuait de planer sur les Palestiniens à Silwan, dans le quartier de Sheikh Jarrah et dans d’autres parties du territoire occupé. Cette politique d’expulsions forcées par Israël vise à changer la nature démographique et géographique de la ville sainte de Jérusalem, à se débarrasser de la population palestinienne pour la judaïser à 100% selon l’aveu de colons eux-mêmes ; ce qui est inacceptable !
Lire aussi: Leo Vinovezky (ambassadeur d’Israël en Côte d’Ivoire) : « Le Hamas est l’ennemi des peuples israélien et palestinien »
Quelles sont les causes profondes de la situation actuelle ?
Indépendamment de toute décision politique israélienne de provoquer le peuple palestinien, ce qui compte, c’est que l’agression d’Israël contre tous les Palestiniens n’a jamais cessé, y compris contre les citoyens palestiniens d’Israël. Depuis plus d’un demi-siècle, Israël mène de manière flagrante et systématique une politique de colonisation dans les territoires palestiniens occupés (Tpo) pour changer l’identité du pays et nier le droit inaliénable du peuple palestinien à l’autodétermination. Israël continue de refuser de respecter ses obligations en vertu du droit international, tout en bénéficiant d’une impunité totale. Les tentatives visant à empêcher la réalisation du droit des Palestiniens à l’autodétermination comprennent l’incitation haineuse contre les Palestiniens et les lois racistes, telles que la «loi sur l’État de la nation juive» qui nie l’identité nationale, l’Histoire, le récit et le lien de chaque Palestinien avec la terre de la Palestine historique.
Dans quelle mesure les lois israéliennes affectent-elles la situation actuelle ?
Depuis sa création, l’État d’Israël a légiféré des lois discriminatoires et racistes pour nier le respect des droits nationaux et humains du peuple palestinien. Le système institutionnel de discrimination d’Israël qui est mis en œuvre dans toute la Palestine historique, du fleuve à la mer, vise à assurer et à perpétuer la suprématie juive sur le peuple palestinien. Un cas flagrant est le quartier de Sheikh Jarrah où Israël menace plus de 70 foyers palestiniens de transfert forcé en utilisant une loi qui permet aux Juifs de récupérer leurs propriétés antérieures à 1948. Cette loi est, en plus, complètement illégale puisqu’en droit international, les lois de l’occupant ne s’appliquent pas sur l’occupé. Les documents présentés par les colons sont d’ailleurs souvent des faux. Les Palestiniens, y compris les citoyens d’Israël, ne peuvent pas récupérer leurs biens perdus en 1948. Dans le contexte d’un régime d’apartheid, la discrimination d’Israël contre les Palestiniens se refl ète quotidiennement dans tous les domaines de la vie.
Un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas est-il suffi sant pour mettre fi n à toutes ces violences ?
Non. Alors que la communauté internationale s’est félicitée du cessez-le-feu pour empêcher de nouveaux massacres de civils et la destruction de biens vitaux, tels que les cliniques ciblées à Gaza, en violation flagrante de la quatrième Convention de Genève, le cessez-le-feu à lui seul ne met pas fin au statu quo inique installé par la puissance occupante. Ce qu’il faut, plus que jamais, c’est qu’Israël soit tenu pour responsable de ses crimes et des violations systématiques de ses obligations en vertu du droit international, de la Charte des Nations unies et des résolutions de l’Onu. Le chemin vers une paix juste et durable passe par la réalisation de la justice et le respect de tous les droits, selon la légitimité internationale. Le cercle vicieux du cessez-le-feu, de la reconstruction et de la destruction doit de nouveau s’arrêter avec la responsabilité et la fin de l’occupation draconienne d’Israël.
Israël n’a-t-il pas droit à la « légitime défense » ?
Malheureusement, plusieurs pays occidentaux ont souligné un prétendu droit israélien de «se défendre». Israël a toujours considéré ces appels comme un feu vert pour attaquer le peuple palestinien, tout en ignorant ses obligations en vertu du droit international. Il est convaincu que ceux qui détiennent son «droit à la légitime défense» ne le tiendront pas responsable des crimes commis contre des civils. En vertu du droit international, une puissance occupante n’a pas le droit de «se défendre» contre une population occupée. Au contraire, il a la responsabilité de protéger les civils. Par conséquent, l’accent doit être mis sur le droit du peuple palestinien de résister et de se défendre pour mettre fin à l’occupation israélienne et de respecter les droits tant attendus de notre peuple, plutôt que d’encourager les graves violations par Israël de la légitimité internationale.
Qu’en est-il des citoyens palestiniens d’Israël ?
Ils sont environ 1,8 million, soit l’équivalent de plus de 20% de la population israélienne. Ils sont victimes d’un système de discrimination institutionnelle, avec au moins 65 lois qui les discriminent. Cela a été décrit par plusieurs organisations palestiniennes de défense des droits de l’homme ainsi que des organisations israéliennes et américaines comme B’Tselem et Human Rights Watch comme un régime d’apartheid. Au cours des dernières semaines, les citoyens palestiniens d’Israël ont été victimes d’une campagne vicieuse de violence parrainée par l’État, y compris des incitations haineuses de la part de responsables israéliens et des attaques d’extrémistes sionistes de droite, sous la protection de la police. Telle était la réponse d’Israël à leurs manifestations pacifiques par solidarité avec Jérusalem occupée et en appelant à leur droit à l’égalité. Les citoyens palestiniens d’Israël font partie intégrante du peuple palestinien, le peuple autochtone de la Palestine historique. Leurs droits, y compris la pleine égalité, doivent être garantis dans leur pays de citoyenneté et dans le cadre de toute solution politique globale.
Quelle est, selon vous, la prochaine étape ?
La Palestine est attachée à une paix juste et durable fondée sur le droit international et les résolutions de l’Onu. Nous avons clairement indiqué que nous étions disposés à engager immédiatement des négociations sur le statut final, dans le cadre d’un parrainage international sur la base de ces principes. Personne ne peut remettre en question notre volonté de parvenir à la paix. Pourtant, des mesures immédiates sont nécessaires, notamment la protection du peuple palestinien et la responsabilité d’Israël pour ses crimes et violations systématiques. Une première étape essentielle sera que l’Onu dépêche immédiatement une commission d’enquête indépendante pour enquêter sur les violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme au cours de cette période, en se concentrant sur les causes profondes, y compris la discrimination systématique. A ce sujet, je remercie la Cote d’Ivoire pour son vote en faveur de la création de cette commission au dernier Conseil des droits de l’homme la semaine dernière. Ce n’est qu’en s’attaquant aux causes sous-jacentes de la situation actuelle que les perspectives d’une paix juste et durable deviendront une réalité. Cela doit passer par une véritable recherche de la fin de l’occupation coloniale de la Palestine par Israël.
Comment jugez-vous la position de la Côte d’Ivoire sur ce dossier ?
Comme le disait Félix Houphouët-Boigny, la Côte d’Ivoire n’a pas d’ennemis, mais que des amis. Je m’appuie sur cette philosophie pour affirmer que la Côte d’Ivoire a toujours eu une position équilibrée et de recherche de solution pacifique. A l’image de la chaleur et de l’accueil fraternel du peuple ivoirien, le ministère des Affaires étrangères, conduit par la ministre d’État Kandia Kamissoko Camara, s’est toujours rendu disponible et à l’écoute, que ce soit en m’accordant une audience ou en recevant aussi le groupe des ambassadeurs arabes accrédités en Côte d’Ivoire. Elle a, chaque fois, réitéré la position traditionnelle de la Côte d’Ivoire pour le droit international et la nécessité de trouver des solu-tions justes et durables. Elle a aussi transmis un message de compassion et de condoléances du Président de la République, SEM. Alassane Ouattara, pour tous mes compatriotes morts et blessés. Nous comptons beaucoup sur le rôle que peut jouer votre pays de par sa position et son importance en Afrique et sur la scène internationale.
Beaucoup de personnes se posent cette question : une ambassade de Palestine en Côte d’Ivoire pour quoi faire ?
Je comprends que certains se posent la question parce que les Palestiniens en Côte d’Ivoire sont très peu nombreux et, du fait de notre statut de pays occupé, les échanges commerciaux ou autres sont quasi inexistants. Nous avons 107 ambassades dans le monde. Plus qu’une nation, elles représentent une cause et un peuple en lutte pour son indépendance, avec des revendications qui se basent sur le droit international que nous défendons partout. De plus, Son Excellence Mme la ministre d’État, ministre des Affaires étrangères, de l’Intégration africaine et de la Diaspora, Kandia Camara, a répondu à cette question à deux reprises; une fois, lors de ma rencontre avec elle le 19 mai et une nouvelle fois, lors de sa rencontre avec les ambassadeurs arabes accrédités à Abidjan, le 2 juin dernier. L’ambassade témoigne de la reconnaissance par la Côte d’Ivoire de l’État de Palestine et je la cite: « La position de la Côte d’Ivoire a toujours été claire depuis notre premier Président Houphouët-Boigny qui a parlé du droit à deux États d’exister et se poursuit avec le Président actuel. La présence de l’ambassadeur palestinien chez nous, aujourd’hui, est la preuve de la reconnaissance par la Côte d’Ivoire de l’État de Palestine ».Outre l’aspect politique, malgré l’occupation israélienne, la Palestine a de nombreuses expériences et compétences qu’elle est heureuse de partager avec ses amis comme tous les pays du monde. Par exemple, en 2018, la Palestine a envoyé une délégation médicale qui a effectué un certain nombre d’opérations chirurgicales au Chu de Cocody. En 2019, une autre a formé un certain nombre de cadres du ministère de l’Information dans le domaine de la radio rurale. Avant la pandémie de coronavirus, des préparatifs étaient en cours pour envoyer une équipe médicale spécialisée dans le domaine de la transplantation cornéenne pour effectuer un certain nombre de chirurgies pour la première fois en Côte d’Ivoire. De plus, un certain nombre d’hommes d’affaires palestiniens se sont rendus à Abidjan afin d’étudier des possibilités d’investissement. L’ambassade de Palestine continue d’œuvrer pour le développement des relations entre nos deux pays amis dans divers domaines, malgré nos ressources limitées par l’occupation israélienne.
Comment avez-vous apprécié l’attitude des pays arabes vis-à-vis de la Palestine, surtout après la normalisation des relations de certains de ces pays avec Israël ?
Quoi qu’on dise et quoi qu’on fasse, le monde arabe sera toujours du côté de la défense du peuple palestinien et de sa juste cause. Il ne peut en être autrement. Les peuples du monde arabe s’identifient à la souffrance de leurs frères et sœurs de Palestine, comme tous les êtres épris de justice dans le monde. Même si parfois, la géopolitique se transforme en « Realpolitik », ce n’est que conjoncturel de mon point de vue. La solidarité avec nous s’est manifestée à bien des égards et sur le plan diplomatique, chacun a joué un rôle déterminant. L’Égypte a, par exemple, redoublé d’effort et a réussi à obtenir ce fameux cessez-le-feu. La Tunisie, au Conseil de sécurité de l’Onu, a aussi fait entendre notre voix. Le Qatar a joué un rôle important d’intermédiaire et que ce soit sur le plan humanitaire, diplomatique ou populaire, tous nos frères arabes ont été là pour nous, comme ici mes frères et collègues ambassadeurs arabes l’ont montré.
La position du Président Joe Biden sur le dossier palestinien, bien différente de celle de Donald Trump, vous convient- elle ? Quelles solutions durables pour la résolution de la crise israélo-palestinienne ?
Il est certain que sous Donald Trump, nous avons subi de nombreuses pressions et nous avons dû affronter la rudesse de l’administration la plus hostile qui soit, mais nous avons tenu bon. Maintenant, le leadership palestinien s’appuie sur la position déclarée du Président Biden et de son administration qui essaie de restaurer la position américaine traditionnelle. Cependant, force est de constater que quelle que soit l’administration américaine, même si elle prétend être équilibrée, elle penche toujours ouvertement vers Israël. Il ne fait aucun doute qu’il y a une grande différence entre l’administration actuelle et la précédente et ce que nous avons entendu, pour le moment, va dans la bonne direction et nous encourage à travailler et à construire sur ces bases. Mais le leadership palestinien est catégorique sur le fait de ne pas accepter le parrainage américain exclusif de toute négociation de paix avec Israël. L’administration Biden reparle d’une solution à deux États, c’est bien, mais il faut passer au concret maintenant, après avoir laissé Israël occuper 60% de la Cisjordanie. Ce qu’il faut, ce sont des décisions mises en œuvre sur le terrain; revenir, par exemple, sur la décision de reconnaître Jérusalem en tant que capitale d’Israël. Il faut reconnaître un État palestinien aux frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale et régler la question de l’expansion de la colonisation, si l’on veut vraiment rendre cette solution viable ; sinon, il s’agit d’un jeu de dupes qui peut avoir de terribles conséquences. La meilleure solution et la plus durable, c’est de créer enfin notre État palestinien et de faire appliquer le droit international en retirant à Israël sa carte blanche expansionniste et son impunité.
Quelle est, aujourd’hui, la situation dans la bande de Gaza ?
Il faudra beaucoup d’argent et des années pour tout reconstruire. N’êtes-vous pas inquiet pour l’avenir de vos concitoyens ? Les bombardements aériens israéliens sur Gaza ont tué 243 Palestiniens dont 66 enfants et en ont blessé plus de 1 900. Ces attaques criminelles israéliennes ont forcé plus de 100 000 personnes à fuir leurs maisons en pleine pandémie de Covid-19. Les premières données officielles indiquent que 16 800 logements ont été endommagés à la suite de ces frappes. Parmi ceux-ci, 1 800 sont inhabitables, tandis que 1000 sont complètement détruits. 68 écoles, établissements de santé de soins primaires ont été gravement et partiellement endommagés par les bombardements intenses à proximité, tandis que 490 installations agricoles, notamment des fermes d’élevage, des bains agricoles, des puits et des réseaux d’irrigation, ont été endommagées. Les réseaux d’égouts et les approvisionnements en eau souterraine ont été considérablement endommagés à la suite d’un ciblage direct et les lieux de culte n’ont pas été épargnés. Trois mosquées ont été complètement démolies, à la suite de ciblages directs et 40 mosquées et une église ont été gravement détruites. L’armée d’occupation a bombardé plus de 300 installations économiques, industrielles et commerciales, complètement démoli 7 usines, endommagé plus de 60 installations touristiques et 31 transformateurs électriques à Gaza, à la suite des attaques de l’occupation israélienne et 9 lignes électriques principales ont été coupées. Les statistiques du gouvernement palestinien indiquent également que 454 voitures et moyens de transport ont été complètement ou gravement endommagés. Tout cela nécessite des centaines de millions de dollars, voire des milliards, pour compenser. Ce qui nous pousse à penser qu’Israël, la puissance occupante, ne cible pas le Hamas, comme il le prétend, mais cible plutôt tout le peuple palestinien et ses capacités. Nous nous soucions de l’avenir de nos concitoyens et travaillons pour les protéger de cette occupation criminelle par tous les moyens. C’est ce qui nous a poussé à aller à la Cour pénale internationale pour tenir les criminels de guerre responsables de leurs actes et à nous adresser au Conseil des droits de l’homme et aux organisations internationales pour exiger une force de protection internationale pour le peuple palestinien sous occupation. Mon peuple est un peuple fort, résilient, attaché à la terre de ses ancêtres et qui aime la vie. Il est fier de sa culture et de ses origines cananéennes et philistines de plus de 5000 ans. Il n’abandonnera jamais et il a raison .
INTERVIEW RÉALISÉE PARAMÉDÉE ASSI
Indépendamment de toute décision politique israélienne de provoquer le peuple palestinien, ce qui compte, c’est que l’agression d’Israël contre tous les Palestiniens n’a jamais cessé, y compris contre les citoyens palestiniens d’Israël. Depuis plus d’un demi-siècle, Israël mène de manière flagrante et systématique une politique de colonisation dans les territoires palestiniens occupés (Tpo) pour changer l’identité du pays et nier le droit inaliénable du peuple palestinien à l’autodétermination. Israël continue de refuser de respecter ses obligations en vertu du droit international, tout en bénéficiant d’une impunité totale. Les tentatives visant à empêcher la réalisation du droit des Palestiniens à l’autodétermination comprennent l’incitation haineuse contre les Palestiniens et les lois racistes, telles que la «loi sur l’État de la nation juive» qui nie l’identité nationale, l’Histoire, le récit et le lien de chaque Palestinien avec la terre de la Palestine historique.
Dans quelle mesure les lois israéliennes affectent-elles la situation actuelle ?
Depuis sa création, l’État d’Israël a légiféré des lois discriminatoires et racistes pour nier le respect des droits nationaux et humains du peuple palestinien. Le système institutionnel de discrimination d’Israël qui est mis en œuvre dans toute la Palestine historique, du fleuve à la mer, vise à assurer et à perpétuer la suprématie juive sur le peuple palestinien. Un cas flagrant est le quartier de Sheikh Jarrah où Israël menace plus de 70 foyers palestiniens de transfert forcé en utilisant une loi qui permet aux Juifs de récupérer leurs propriétés antérieures à 1948. Cette loi est, en plus, complètement illégale puisqu’en droit international, les lois de l’occupant ne s’appliquent pas sur l’occupé. Les documents présentés par les colons sont d’ailleurs souvent des faux. Les Palestiniens, y compris les citoyens d’Israël, ne peuvent pas récupérer leurs biens perdus en 1948. Dans le contexte d’un régime d’apartheid, la discrimination d’Israël contre les Palestiniens se refl ète quotidiennement dans tous les domaines de la vie.
Un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas est-il suffi sant pour mettre fi n à toutes ces violences ?
Non. Alors que la communauté internationale s’est félicitée du cessez-le-feu pour empêcher de nouveaux massacres de civils et la destruction de biens vitaux, tels que les cliniques ciblées à Gaza, en violation flagrante de la quatrième Convention de Genève, le cessez-le-feu à lui seul ne met pas fin au statu quo inique installé par la puissance occupante. Ce qu’il faut, plus que jamais, c’est qu’Israël soit tenu pour responsable de ses crimes et des violations systématiques de ses obligations en vertu du droit international, de la Charte des Nations unies et des résolutions de l’Onu. Le chemin vers une paix juste et durable passe par la réalisation de la justice et le respect de tous les droits, selon la légitimité internationale. Le cercle vicieux du cessez-le-feu, de la reconstruction et de la destruction doit de nouveau s’arrêter avec la responsabilité et la fin de l’occupation draconienne d’Israël.
Israël n’a-t-il pas droit à la « légitime défense » ?
Malheureusement, plusieurs pays occidentaux ont souligné un prétendu droit israélien de «se défendre». Israël a toujours considéré ces appels comme un feu vert pour attaquer le peuple palestinien, tout en ignorant ses obligations en vertu du droit international. Il est convaincu que ceux qui détiennent son «droit à la légitime défense» ne le tiendront pas responsable des crimes commis contre des civils. En vertu du droit international, une puissance occupante n’a pas le droit de «se défendre» contre une population occupée. Au contraire, il a la responsabilité de protéger les civils. Par conséquent, l’accent doit être mis sur le droit du peuple palestinien de résister et de se défendre pour mettre fin à l’occupation israélienne et de respecter les droits tant attendus de notre peuple, plutôt que d’encourager les graves violations par Israël de la légitimité internationale.
Qu’en est-il des citoyens palestiniens d’Israël ?
Ils sont environ 1,8 million, soit l’équivalent de plus de 20% de la population israélienne. Ils sont victimes d’un système de discrimination institutionnelle, avec au moins 65 lois qui les discriminent. Cela a été décrit par plusieurs organisations palestiniennes de défense des droits de l’homme ainsi que des organisations israéliennes et américaines comme B’Tselem et Human Rights Watch comme un régime d’apartheid. Au cours des dernières semaines, les citoyens palestiniens d’Israël ont été victimes d’une campagne vicieuse de violence parrainée par l’État, y compris des incitations haineuses de la part de responsables israéliens et des attaques d’extrémistes sionistes de droite, sous la protection de la police. Telle était la réponse d’Israël à leurs manifestations pacifiques par solidarité avec Jérusalem occupée et en appelant à leur droit à l’égalité. Les citoyens palestiniens d’Israël font partie intégrante du peuple palestinien, le peuple autochtone de la Palestine historique. Leurs droits, y compris la pleine égalité, doivent être garantis dans leur pays de citoyenneté et dans le cadre de toute solution politique globale.
Quelle est, selon vous, la prochaine étape ?
La Palestine est attachée à une paix juste et durable fondée sur le droit international et les résolutions de l’Onu. Nous avons clairement indiqué que nous étions disposés à engager immédiatement des négociations sur le statut final, dans le cadre d’un parrainage international sur la base de ces principes. Personne ne peut remettre en question notre volonté de parvenir à la paix. Pourtant, des mesures immédiates sont nécessaires, notamment la protection du peuple palestinien et la responsabilité d’Israël pour ses crimes et violations systématiques. Une première étape essentielle sera que l’Onu dépêche immédiatement une commission d’enquête indépendante pour enquêter sur les violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme au cours de cette période, en se concentrant sur les causes profondes, y compris la discrimination systématique. A ce sujet, je remercie la Cote d’Ivoire pour son vote en faveur de la création de cette commission au dernier Conseil des droits de l’homme la semaine dernière. Ce n’est qu’en s’attaquant aux causes sous-jacentes de la situation actuelle que les perspectives d’une paix juste et durable deviendront une réalité. Cela doit passer par une véritable recherche de la fin de l’occupation coloniale de la Palestine par Israël.
Comment jugez-vous la position de la Côte d’Ivoire sur ce dossier ?
Comme le disait Félix Houphouët-Boigny, la Côte d’Ivoire n’a pas d’ennemis, mais que des amis. Je m’appuie sur cette philosophie pour affirmer que la Côte d’Ivoire a toujours eu une position équilibrée et de recherche de solution pacifique. A l’image de la chaleur et de l’accueil fraternel du peuple ivoirien, le ministère des Affaires étrangères, conduit par la ministre d’État Kandia Kamissoko Camara, s’est toujours rendu disponible et à l’écoute, que ce soit en m’accordant une audience ou en recevant aussi le groupe des ambassadeurs arabes accrédités en Côte d’Ivoire. Elle a, chaque fois, réitéré la position traditionnelle de la Côte d’Ivoire pour le droit international et la nécessité de trouver des solu-tions justes et durables. Elle a aussi transmis un message de compassion et de condoléances du Président de la République, SEM. Alassane Ouattara, pour tous mes compatriotes morts et blessés. Nous comptons beaucoup sur le rôle que peut jouer votre pays de par sa position et son importance en Afrique et sur la scène internationale.
Beaucoup de personnes se posent cette question : une ambassade de Palestine en Côte d’Ivoire pour quoi faire ?
Je comprends que certains se posent la question parce que les Palestiniens en Côte d’Ivoire sont très peu nombreux et, du fait de notre statut de pays occupé, les échanges commerciaux ou autres sont quasi inexistants. Nous avons 107 ambassades dans le monde. Plus qu’une nation, elles représentent une cause et un peuple en lutte pour son indépendance, avec des revendications qui se basent sur le droit international que nous défendons partout. De plus, Son Excellence Mme la ministre d’État, ministre des Affaires étrangères, de l’Intégration africaine et de la Diaspora, Kandia Camara, a répondu à cette question à deux reprises; une fois, lors de ma rencontre avec elle le 19 mai et une nouvelle fois, lors de sa rencontre avec les ambassadeurs arabes accrédités à Abidjan, le 2 juin dernier. L’ambassade témoigne de la reconnaissance par la Côte d’Ivoire de l’État de Palestine et je la cite: « La position de la Côte d’Ivoire a toujours été claire depuis notre premier Président Houphouët-Boigny qui a parlé du droit à deux États d’exister et se poursuit avec le Président actuel. La présence de l’ambassadeur palestinien chez nous, aujourd’hui, est la preuve de la reconnaissance par la Côte d’Ivoire de l’État de Palestine ».Outre l’aspect politique, malgré l’occupation israélienne, la Palestine a de nombreuses expériences et compétences qu’elle est heureuse de partager avec ses amis comme tous les pays du monde. Par exemple, en 2018, la Palestine a envoyé une délégation médicale qui a effectué un certain nombre d’opérations chirurgicales au Chu de Cocody. En 2019, une autre a formé un certain nombre de cadres du ministère de l’Information dans le domaine de la radio rurale. Avant la pandémie de coronavirus, des préparatifs étaient en cours pour envoyer une équipe médicale spécialisée dans le domaine de la transplantation cornéenne pour effectuer un certain nombre de chirurgies pour la première fois en Côte d’Ivoire. De plus, un certain nombre d’hommes d’affaires palestiniens se sont rendus à Abidjan afin d’étudier des possibilités d’investissement. L’ambassade de Palestine continue d’œuvrer pour le développement des relations entre nos deux pays amis dans divers domaines, malgré nos ressources limitées par l’occupation israélienne.
Comment avez-vous apprécié l’attitude des pays arabes vis-à-vis de la Palestine, surtout après la normalisation des relations de certains de ces pays avec Israël ?
Quoi qu’on dise et quoi qu’on fasse, le monde arabe sera toujours du côté de la défense du peuple palestinien et de sa juste cause. Il ne peut en être autrement. Les peuples du monde arabe s’identifient à la souffrance de leurs frères et sœurs de Palestine, comme tous les êtres épris de justice dans le monde. Même si parfois, la géopolitique se transforme en « Realpolitik », ce n’est que conjoncturel de mon point de vue. La solidarité avec nous s’est manifestée à bien des égards et sur le plan diplomatique, chacun a joué un rôle déterminant. L’Égypte a, par exemple, redoublé d’effort et a réussi à obtenir ce fameux cessez-le-feu. La Tunisie, au Conseil de sécurité de l’Onu, a aussi fait entendre notre voix. Le Qatar a joué un rôle important d’intermédiaire et que ce soit sur le plan humanitaire, diplomatique ou populaire, tous nos frères arabes ont été là pour nous, comme ici mes frères et collègues ambassadeurs arabes l’ont montré.
La position du Président Joe Biden sur le dossier palestinien, bien différente de celle de Donald Trump, vous convient- elle ? Quelles solutions durables pour la résolution de la crise israélo-palestinienne ?
Il est certain que sous Donald Trump, nous avons subi de nombreuses pressions et nous avons dû affronter la rudesse de l’administration la plus hostile qui soit, mais nous avons tenu bon. Maintenant, le leadership palestinien s’appuie sur la position déclarée du Président Biden et de son administration qui essaie de restaurer la position américaine traditionnelle. Cependant, force est de constater que quelle que soit l’administration américaine, même si elle prétend être équilibrée, elle penche toujours ouvertement vers Israël. Il ne fait aucun doute qu’il y a une grande différence entre l’administration actuelle et la précédente et ce que nous avons entendu, pour le moment, va dans la bonne direction et nous encourage à travailler et à construire sur ces bases. Mais le leadership palestinien est catégorique sur le fait de ne pas accepter le parrainage américain exclusif de toute négociation de paix avec Israël. L’administration Biden reparle d’une solution à deux États, c’est bien, mais il faut passer au concret maintenant, après avoir laissé Israël occuper 60% de la Cisjordanie. Ce qu’il faut, ce sont des décisions mises en œuvre sur le terrain; revenir, par exemple, sur la décision de reconnaître Jérusalem en tant que capitale d’Israël. Il faut reconnaître un État palestinien aux frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale et régler la question de l’expansion de la colonisation, si l’on veut vraiment rendre cette solution viable ; sinon, il s’agit d’un jeu de dupes qui peut avoir de terribles conséquences. La meilleure solution et la plus durable, c’est de créer enfin notre État palestinien et de faire appliquer le droit international en retirant à Israël sa carte blanche expansionniste et son impunité.
Quelle est, aujourd’hui, la situation dans la bande de Gaza ?
Il faudra beaucoup d’argent et des années pour tout reconstruire. N’êtes-vous pas inquiet pour l’avenir de vos concitoyens ? Les bombardements aériens israéliens sur Gaza ont tué 243 Palestiniens dont 66 enfants et en ont blessé plus de 1 900. Ces attaques criminelles israéliennes ont forcé plus de 100 000 personnes à fuir leurs maisons en pleine pandémie de Covid-19. Les premières données officielles indiquent que 16 800 logements ont été endommagés à la suite de ces frappes. Parmi ceux-ci, 1 800 sont inhabitables, tandis que 1000 sont complètement détruits. 68 écoles, établissements de santé de soins primaires ont été gravement et partiellement endommagés par les bombardements intenses à proximité, tandis que 490 installations agricoles, notamment des fermes d’élevage, des bains agricoles, des puits et des réseaux d’irrigation, ont été endommagées. Les réseaux d’égouts et les approvisionnements en eau souterraine ont été considérablement endommagés à la suite d’un ciblage direct et les lieux de culte n’ont pas été épargnés. Trois mosquées ont été complètement démolies, à la suite de ciblages directs et 40 mosquées et une église ont été gravement détruites. L’armée d’occupation a bombardé plus de 300 installations économiques, industrielles et commerciales, complètement démoli 7 usines, endommagé plus de 60 installations touristiques et 31 transformateurs électriques à Gaza, à la suite des attaques de l’occupation israélienne et 9 lignes électriques principales ont été coupées. Les statistiques du gouvernement palestinien indiquent également que 454 voitures et moyens de transport ont été complètement ou gravement endommagés. Tout cela nécessite des centaines de millions de dollars, voire des milliards, pour compenser. Ce qui nous pousse à penser qu’Israël, la puissance occupante, ne cible pas le Hamas, comme il le prétend, mais cible plutôt tout le peuple palestinien et ses capacités. Nous nous soucions de l’avenir de nos concitoyens et travaillons pour les protéger de cette occupation criminelle par tous les moyens. C’est ce qui nous a poussé à aller à la Cour pénale internationale pour tenir les criminels de guerre responsables de leurs actes et à nous adresser au Conseil des droits de l’homme et aux organisations internationales pour exiger une force de protection internationale pour le peuple palestinien sous occupation. Mon peuple est un peuple fort, résilient, attaché à la terre de ses ancêtres et qui aime la vie. Il est fier de sa culture et de ses origines cananéennes et philistines de plus de 5000 ans. Il n’abandonnera jamais et il a raison .
INTERVIEW RÉALISÉE PARAMÉDÉE ASSI