Confédération africaine de football : Ahmad, une chute prévisible

Ahmad Ahmad, président de la CAF suspendu pour 5 ans. (DR)
Ahmad Ahmad, président de la CAF suspendu pour 5 ans. (DR)
Ahmad Ahmad, président de la CAF suspendu pour 5 ans. (DR)

Confédération africaine de football : Ahmad, une chute prévisible

Le 25/11/20 à 18:46
modifié 25/11/20 à 18:46
La journée du 6 juin 2019 restera gravée dans les annales du football africain. On a vu ce jour-là, le président de la Confédération africaine de football (Caf) être cherché, au petit matin, dans son hôtel à Paris, au lendemain du Congrès de la Fifa, pour être conduit au parquet financier. Il avait été interpellé dans le cadre d’une information judiciaire ouverte par la juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Marseille le 28 mai, notamment pour association de malfaiteurs, corruption, abus de confiance et faux et usage de faux, selon les précisions du procureur Xavier Tarabeux.

Pendant une journée, Ahmad a été entendu sur ses relations commerciales avec une société basée dans le sud-est de la France. Le soir, il avait été autorisé à regagner son hôtel. En fait, Ahmad n’était pas vraiment libre. Puisque les investigations suivaient leur cours.

Les raisons d’une interpellation

La Confédération africaine de football, à travers son département Marketing, avait conclu un accord avec l’équipementier allemand Puma, pour la fourniture d'équipements sportifs requis pour le Championnat d’Afrique des nations (Chan) qui s’est déroulé au Maroc aux mois de janvier et février 2018. Adidas Égypte, Adidas Allemagne et Nike n’avaient pas répondu à l’appel d’offres.

Le 14 décembre 2017, la Caf confirmait sa commande pour un montant de 210 millions de FCFA, rabais de 60% inclus par le fournisseur. Quatre jours plus tard, retournement de situation. Le président de la Caf décide d’annuler l’accord au motif qu’il veut du matériel Adidas.

Puma a réclamé une pénalité d’annulation à hauteur de 98,5 millions de FCFA que le président Ahmad a refusé d’honorer. Le même jour, la Caf a sollicité une société intermédiaire dont le siège se trouve dans le sud de la France. Elle a été créée en août 2016 avec un capital social de 700 mille FCFA. Il s’agit d’un intermédiaire qui revendique une spécialisation dans le matériel et machines de salle de sport ! (Elle ne fabrique rien).

Pour une fourniture équivalente à celle de Puma, ladite société facturait une somme de 501 millions de Fcfa.

Le 9 février 2018, la Caf sollicite le même réseau pour l’achat de 60.000 ballons destinés aux associations nationales. Encore le recours à un intermédiaire au lieu de s’adresser directement au fabricant. La société qui traitera l’affaire, basée dans le sud de la France, n’existe pas. Elle ne sera créée que le 23 février 2018.

L’addition est très lourde, environ 1,5 milliard de Fcfa, en raison des frais de transport par fret aérien vers les 54 pays membres de la Caf. Le hic est que les sociétés sollicitées par la Caf pour ces différents achats étaient en relation avec un très proche du président Ahmad.

D'après Amr Fahmy, l'ancien secrétaire général de la Caf, Ahmad aurait bénéficié d'un surcoût d'au moins 400 millions de Fcfa. Des allégations que l'intéressé avait démenties mi-avril. Selon des sources concordantes, Ahmad fait l'objet d'une enquête interne de la commission d'éthique de la Fifa, ouverte suite à une plainte pour "mauvaise gestion" transmise en mars dernier à la justice interne de la Fifa par Amr Fahmy. Ce dernier a été licencié en avril par la Caf.

Autre dossiers

Le Comité exécutif a validé la proposition du président d’octroyer à chaque association nationale une subvention de 50 millions de Fcfa par an. 40 millions de Fcfa de cette somme devait être utilisé pour le développement du football des jeunes et les déplacements de l’équipe nationale A. Tandis que les 10 millions de Fcfa restant devaient servir pour les dépenses de chaque président de fédération. Une somme qui devait être virée sur leur compte personnel.

On dénonce aussi la prise en charge de 15 présidents de fédérations musulmans à l’occasion d’un déplacement entre le Caire et l’Arabie Saoudite, à l’occasion du Ramadan 2018. Jamais aucun des prédécesseurs du président actuel de la Caf, ni Ydnekatchew Tessema, ni Issa Hayatou n’aurait, une seule seconde, pensé agir de la sorte. Une contravention aux règles fondamentales de l’institution faîtière du football en Afrique.

Il n’y a pas que cela que l’on reproche au président de la Caf. Un document dont nous avons copie fait état de surfacturation dans l’achat, au Caire, d’un véhicule Range Rover. Coût 97,5 millions Fcfa ; alors qu’il y avait deux autres propositions à savoir 62,5 millions et 65 millions de Fcfa. Il y a aussi l’achat à Madagascar, auprès de la même agence, d’une Mercedes (71 millions Fcfa), d’un Hyundai Santa Fe 4×4 (30 millions de Fcfa), et d’un véhicule Combi Volkswagen à 15 millions de Fcfa, toujours à Madagascar. Une succession de graves dysfonctionnements, enfin beaucoup moins qu’on ne le pense au le siège de la Caf.

Quand les langues se délient

Ce qui est extraordinaire, c’est que des personnes avaient décidé de ne plus se taire dans le sillage de la Confédération. Sans doute le témoignage d’une grande exaspération collective. Au début de cette année, un membre du Comité exécutif de la Caf, le Libérien Musa Bility, avait démissionné de deux de ses fonctions. Il dénonçait le comportement du président en exercice. « Chaque décision du président de la Caf doit être approuvée par le Comité exécutif. Or, ce n’est clairement pas le cas actuellement », écrivait-il.

Un climat délétère s’était installé à la Cité du 6 octobre où se trouve le siège de la Confédération africaine de football au Caire. Dans ces circonstances, beaucoup se demandaient déjà si Ahmad pouvait continuer à exercer les fonctions de président de l’institution.

Chantage...

Il n’y a pas que la corruption qui gangrène le football africain, ou le scandale de la finale de la Ligue des champions à rejouer. Ces dernières semaines, le président Ahmad était accusé par plusieurs jeunes femmes de harcèlement sexuel. Pas facile d’en savoir davantage sur cette dernière affaire.

Cependant, l’on a pu recueillir des bribes d’information. Un témoignage solide qui confirme les allégations formulées contre Ahmad. Une Égyptienne confirme, en effet, les premières accusations parues sur certains sites d’information. D’autres jeunes femmes, travaillant également au siège de la Caf, tenaillées par la peur, ont préféré se taire. Mais un autre témoignage d’une jeune dame africaine, responsable d’une société de communication en Europe, vient enfoncer le clou.

Elle le connaissait depuis un certain nombre d’années. Elle raconte qu’à l’époque, ce dernier n’était pas président, mais simple membre du Comité exécutif. Il lui avait demandé de l’aider. Une fois élu, il lui avait confié la communication externe du grand symposium organisé à Rabat à la mi-juillet 2017.

« J’ai fait les frais de ce comportement quand j’ai voulu me mettre au service de la nouvelle Caf. Nous rêvions tous d’écrire un nouveau chapitre de l’histoire du football. Mais pour Ahmad, mon rôle devait se limiter à être sa femme ou plutôt sa chose ! Quand il a réalisé que j’avais d’autres ambitions que d’être la poupée Barbie d’un quinquagénaire parvenu, il a voulu me casser et me faire disparaître d’un milieu dans lequel il m’avait pourtant connue six ans auparavant », confie la jeune dame. La jeune femme avait également déposé plainte auprès de la Fifa.


Le 25/11/20 à 18:46
modifié 25/11/20 à 18:46