Interview testament/Sidy Diallo, ex-président de la Fif: ‘‘Je pars heureux d’avoir eu beaucoup d’amis’’

Augustin Sidy Diallo, ex-président de la Fédération ivoirienne de football (Fif). (Dr)
Augustin Sidy Diallo, ex-président de la Fédération ivoirienne de football (Fif). (Dr)
Augustin Sidy Diallo, ex-président de la Fédération ivoirienne de football (Fif). (Dr)

Interview testament/Sidy Diallo, ex-président de la Fif: ‘‘Je pars heureux d’avoir eu beaucoup d’amis’’

Le 25/11/20 à 09:03
modifié 25/11/20 à 09:03
Nous avons réalisé la première partie de cette interview avant ton voyage d’affaires en Turquie, puis une seconde, très brève à ton bureau, à Ivosep, juste après ton retour. Tu avais voulu qu’on l’achève le vendredi 20 novembre dernier. Malheureusement, tu étais injoignable. Le lendemain samedi 21, tu es parti sans crier gare. J’espère que de là où tu te trouves tu pourras apprécier le travail...
Le 4 juillet dernier, sur l’esplanade de la Fondation Félix Houphouët-Boigny pour la recherche de la paix, on vous a vu esquisser des pas de danse au sortir de la dernière assemblée générale de la Fédération ivoirienne de football sous votre mandat...

Je me sentais soulagé, content d’avoir servi le football de mon pays avec beaucoup de succès. Deux Coupes d’Afrique des nations (cadets 2013 et seniors 2015), une participation à la Coupe du monde féminin en 2015, après une médaille de bronze arrachée en Namibie en 2014, une qualification de l’équipe olympique masculine pour les Jeux de Tokyo 2020, ce n’est pas donné à tout le monde. Quand vous ajoutez les droits télé (avec Canal+) qui donnent de la visibilité à nos championnats et les investissements dans les infrastructures sportives, vous comprenez que je suis satisfait du travail que mon équipe et moi avons abattu. Je pars heureux d’avoir eu beaucoup d’amis dans ce monde de passion et de pouvoir afin de consacrer du temps à ma famille et mes affaires. Et puis vous savez tout ce qui avait été dit autour de cette assemblée générale ordinaire de Yamoussoukro. Mais tout ça, c’est du passé maintenant. On retient que je suis parti de Yamoussoukro grandi par les clubs qui ont reconnu notre mérite.

Allez-vous quitter le milieu du football?

Le football est ma vie. Je suis né dans le football. Tout comme mes enfants. C’est ma passion et je compte y rester comme supporter.

Vos deux mandats ont surtout été émaillés de conflits, notamment avec votre «frère» et ami Jacques Anouma. Pouvez-vous éclairer l’opinion sur cette histoire ?

Franchement, je ne sais pas d’où vient cette affaire. C’est juste une impression que les gens ont de nous. Ce que je sais, c’est que la Caf avait élaboré une résolution, aux Seychelles, pour empêcher Jacques Anouma d’être candidat. La veille du vote de cette résolution, je suis allé voir le président Issa Hayatou devant témoin pour lui dire que j’allais voter contre cette résolution. Et le jour du vote, j’étais parmi les cinq qui avaient osé dire «Niet» au président Hayatou.

C’est surprenant...

Jacques Anouma est un frère. Avant tout, c’est un Ivoirien comme moi. Je me souviens que la veille, des présidents de fédération étaient passés me voir en chambre pour me demander de ne pas participer au vote. Ils voulaient que je simule un malaise. Mais je n’avais pas effectué ce long déplacement aux Seychelles pour simuler une maladie ou voter contre un Ivoirien. Jacques Anouma était d’ailleurs agréablement surpris par mon attitude et il m’avait envoyé un message que je garde soigneusement quelque part. On peut être fâchés, mais moi Sidy Diallo, je ne pourrai jamais poser un acte contre un frère Ivoirien à l’étranger. Cela m’a valu certaines choses, mais j’ai assumé seul.

Et en ce qui concerne le parrainage ?

Malgré cela, j’ai donné le mandat de la Fif à Jacques Anouma pour qu’il affronte le président Hayatou. La seule chose qui gênait Jacques Anouma, c’était le timing. Il voulait le mandat huit mois avant et moi je lui demandais d’attendre un peu parce que nous étions engagés dans les éliminatoires en Coupe d’Afrique et je ne voulais pas narguer la Caf. Voilà toute l’affaire. Maintenant, des gens s’en sont servis à d’autres fins. Mais pour moi, il n’y avait pas de souci entre lui et moi. La preuve, je viens de lui accorder à nouveau le parrainage de la Fif pour briguer le même poste à la Caf.

Justement, comment ce parrainage a-t-il été accordé ?

Il a demandé à me rencontrer et je l’ai reçu avec des présidents de club et des membres de mon comité exécutif. Il m’a dit qu’il était intéressé par la présidence de la Caf et qu’il lui fallait le soutien de son pays d’origine. Ce que je lui ai accordé.

Peut-on savoir vos réelles satisfactions et, si possible, vos vos grandes déceptions après neuf ans de règne sur le football ivoirien ?

D’abord, permettez que je dise grand merci aux Ivoiriens, aux Ivoiriennes, au gouvernement et au Chef de l’État, Alassane Ouattara. Sans eux, sans le Chef de l’État et le gouvernement qui n’ont ménagé aucun effort pour nous accompagner, mon comité exécutif et moi-même n’aurions certainement pas accompli ce travail. Pendant neuf ans, nous sommes passés par toutes les émotions, des cris de joie mais aussi des pleurs. C’est cela le football. Cela dit, ma plus grande satisfaction est cette Coupe d’Afrique des nations que nous avons décrochée en Guinée équatoriale. Parce que la Côte d’Ivoire n’était pas attendue à la Can 2015. Les joueurs qui constituaient la génération dite dorée étaient presque tous partis. Nous avions une équipe à reconstruire. Et c’est cette jeune équipe, avec quelques cadres que nous avons sollicités, qui a remporté, à notre grande satisfaction, le trophée. Je n’oublierai surtout pas de sitôt cette dernière assemblée générale de Yamoussoukro avec ces clubs qui, dans leur grande majorité, nous ont félicités pour le travail accompli. En revanche, comme déception, et elle m’est restée en travers de la gorge, c’est cette non qualification à la Coupe du monde 2018 en Russie. J’avoue que j’ai été beaucoup peiné.

Et la fronde née aux lendemains de l’élimination de la Côte d’Ivoire de la Coupe du monde par le Maroc ?

Cette élimination a été un prétexte. On ne peut pas gagner tout le temps.

Comment expliquez-vous alors le mouvement de contestation du GX ?

Je préfère que vous leur posiez la question. Car je veux aussi savoir les motivations réelles de cette fronde.

Ils parlent de mauvaise gestion, de mauvais résultats...

De quelle Fif parlent-ils ? Et puis, ils n’ont jamais réussi à prouver ces allégations. Ces mêmes personnes qui parlent et entretiennent la polémique dehors participent régulièrement à nos assemblées générales de bilan. On leur présente le point général sur les finances de la Fif. Ils acquiescent et une fois dehors, ils trompent l’opinion. Ce n’est pas bien. Cet acharnement contre nous vise autre chose que le bien de notre football. Le football est facteur de rassemblement, de fraternité et d’amour. Malheureusement, certains y trouvent le moyen de venir y accomplir des actes de méchanceté. Je suis venu apporter ma pierre à l’édification du football de mon pays et je suis prêt à passer la main.

On affirme que vous voulez partir sans réellement partir, en maintenant votre premier vice-président, Sory Diabaté...

Qui plus que Sory est mieux armé pour gérer la Fif ? Il s’agit d’une élection. Ce n’est pas moi qui maintient ou pas. Il appartient aux clubs de faire un choix par le vote. Sory est candidat, maintenant il faut qu’ils viennent le battre dans les urnes.

A quand finalement l’élection à la présidence de la Fif ?

Nous attendons tous ce que décidera la Fifa. Elle a usé de son droit d’intervenir dans le processus pour tout suspendre. Nous l’avons relancée, à travers notre dernier courrier, sur la nécessité d’autoriser la poursuite du processus. Non seulement elle nous saisit sur la base des rumeurs. Ce qui ne fait pas sérieux pour une institution comme la Fifa. Mais ensuite elle forme une commission conjointe avec la Caf et l’Ufoa pour organiser une audition. Je crois qu’ils se sont rendu compte qu’il y a bel et bien eu une Commission électorale qui a travaillé et notifié ses décisions aux différents candidats. Dans ce cas, qu’ils libèrent notre football.

Selon certaines indiscrétions, la Fifa pourrait installer un comité de normalisation à la Fif. Pour faire quoi ?

Notre Fédération n’est pas en crise. Dans tous les cas, nous attendons qu’elle nous notifie ce qu’elle a arrêté. Après nous aviserons.

Allez-vous saisir le Tribunal pénal international si cette décision ne vous sied pas ?

Nous attendons ce que la Fifa va décider. Mais sachez que nous n’allons pas accepter que nos textes soient piétinés pour les beaux yeux d’un candidat.

Concrètement, qu’avez-vous apporté au football local, puisque cela revient régulièrement dans les reproches ?

Là encore, nos détracteurs sont de mauvaise foi. Parce que concernant le développement du football local et la promotion de la discipline, nous avons réalisé des performances non négligeables. De 2011 à ce jour, nous avons formé près de 2000 entraîneurs et éducateurs, 1247 arbitres, etc. Depuis 2016, nous avons obtenu la diffusion de plus de cent matches de nos championnats à travers le monde grâce à notre partenariat avec Canal+. En pleine campagne, en 2011, j’avais dit que si j’étais élu président de la Fif, la subvention des Ligues 1 qui était de 38 millions de FCfa allait passer à 50 millions. Les Ligue 2, de 8 à 20 millions et les D3, de 7,5 à 15 millions. J’avais été traité de fou. Ceux qui parlent aujourd’hui avaient dit que si Sidy Diallo parvenait à ajouter 5 FCfa sur la subvention des clubs, ils allaient le garder à vie à la tête de la Fif. Nous l’avons fait et mieux, nous sommes passés à 75 millions pour les Ligues 1, avec les droits-télé. J’avais également promis une assurance maladie pour les joueurs, les dirigeants et leurs familles. Cela est réel aujourd’hui. Nous avons apporté de la plus-value aux acquis importants que nous avions trouvés sur place. A savoir, deux terrains synthétiques (Treichville et Marcory) que nous avons électrifiés pour permettre aux travailleurs de pouvoir suivre les matches après les heures de travail.

Et l’organisation de la Can 2023, dans quel cadre entre-t-elle ?

Justement, elle entre dans le cadre de notre politique pour doter le pays de stades modernes et d’autres surfaces de jeu pour nos régions. La Côte d’Ivoire qui est devenue une nation de football était malade de ses infrastructures sportives. Aussi avons-nous postulé à l’organisation de la Can pour que l’État nous permette d’avoir au moins cinq stades (Korhogo, San Pedro, Yamoussoukro, Bouaké, Ebimpé). Nous avons réalisé, en huit ans, des choses que personne n’avait obtenu pour le pays. Je suis fier de mon bilan.


Le 25/11/20 à 09:03
modifié 25/11/20 à 09:03