Le calvaire d’une victime d’abus sexuel/Joahna Nashidi: «Je couchais avec cinq clients par jour sans protection»

Une adolescente victime d'abus sexuel. (DR)
Une adolescente victime d'abus sexuel. (DR)
Une adolescente victime d'abus sexuel. (DR)

Le calvaire d’une victime d’abus sexuel/Joahna Nashidi: «Je couchais avec cinq clients par jour sans protection»

Le 08/10/20 à 17:51
modifié 08/10/20 à 17:51
Joahna Nashidi que nous avons rencontrée à Abobo, a été utilisée à des fins sexuelles par des proxénètes qui l’ont jetée en pâtures à des inconnus. Dans cette interview, cette gamine de 16 ans raconte sa mésaventure, sous le couvert de l’anonymat. Pour des questions de sécurité, nous lui avons donné un nom quelconque.
Comment êtes-vous arrivée en Côte d’Ivoire ?

Je vivais avec mon grand frère dans des conditions difficiles au Nigeria. Mais un jour, un couple nigérian connu de mon frère et qui vit en Côte d’Ivoire, m’a proposé du travail dans un supermarché d’Abidjan moyennant un salaire mensuel de 150 000 FCfa, voire plus. Mon frère a accepté sans difficulté cette offre car cette dame qui venait au quartier paraissait aisée. Mieux, elle nous avait fait croire qu’en Côte d’Ivoire, la vie était rose. Je n’étais pas seule dans cette aventure. Nous étions quatre jeunes filles de 16 ans dans cette aventure ; que dis-je, mésaventure. Nous sommes venues par car en passant par le Bénin, le Togo. Hélas, arrivées à Abidjan, nous nous sommes rendu compte que c’était pour nous exploiter sexuellement à travers un réseau de prostitution.

Comment aviez-vous découvert que c’était un réseau de prostitution ?

Mes amies et moi ne nous attendions pas du tout à cela. Nous pensions que c’était une opportunité de gagner notre vie en venant en Côte d’Ivoire ; ce qu’elle avait, du reste, fait croire à nos parents. Mais sur place, ici, quand elle nous a dit que nous allions faire de la prostitution, nous avions difficilement avalé la pilule ; surtout moi qui n’avais jamais connu de relations sexuelles. Elle nous logeait dans un village à Port-Bouët situé sur la lagune derrière la commune, un endroit isolé donc pas connu du grand public.

Dans quelles conditions pratiquiez-vous ce plus vieux métier du monde ?

La première nuit en Côte d’Ivoire, nous nous sommes reposées. Le lendemain, nous avions quitté la maison à 17 heures pour aller dans un endroit appelé Guetho jusqu’à 4 heures du matin. Là, il y a des gens de toutes sortes, des fumoirs. C’est là que nous faisions la prostitution, très souvent à la belle étoile.

Avec combien de clients par jour ?

Cinq personnes par jour sans protection. Mais au fur à mesure que le nombre de clients augmentait, nous utilisions des préservatifs. Les clients l’exigeaient de plus en plus. En ce qui concerne le prix, ils discutent avec la dame qui nous a fait venir du Nigeria. Nous ne touchons pas l’argent, c’est la proxénète qui s’en sert.

En étiez-vous tombées malades, une fois ?

Le risque était tellement élevé car nous couchions avec des gens de toute sorte, tout âge (vieux, jeunes). Quand nous avons la fièvre, notre bourreau nous donnait du paracétamol et un remontant. Mais pour ne pas sentir ou nous aider à supporter les douleurs des rapports sexuels ainsi que des hormones, elle nous faisait prendre de la drogue dans du tonic. Ce qui nous rendait tellement inconscientes que nous ne sentions plus ce qui se passait autour et sur nous.

Comment êtes-vous arrivée à Abobo ?

Arrivées en Côte d’Ivoire, nous avons échangé avec quelqu’un qui nous a dit habiter Abobo. Heureusement que nous avions gardé son numéro. Lorsque cette femme a voulu faire de nous un fonds de commerce en nous introduisant dans cet univers de prostitution, nous avions décidé de fuir. Ainsi, un soir nous avons appelé ce monsieur et lui dire les conditions d’exploitation sexuelles que nous subissons. Aussitôt, il nous a conseillées de quitter les lieux. C’est ce que nous avions fait. Mais, en quittant précipitamment les lieux, une de nos amies avait oublié son portable. Nous l’avions attendue pour qu’elle retourne le chercher. Mais le temps de revenir, la pinasse à bord de laquelle on avait pris place était remplie et nous sommes parties. Nous ne l’avions plus vue. Arrivées à Abobo, « notre sauveur » nous a confiées à la communauté nigériane de cette commune. Le président de cette association a informé notre Ambassade et le ministère de l’Enfant et de la Famille pour nous faire admettre dans un centre d’accueil. Des dispositions ont été prises par les autorités pour mettre la main sur la proxénète. Elle et son mari croupissent depuis lors à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca).


Le 08/10/20 à 17:51
modifié 08/10/20 à 17:51