Michel Russel Lohoré : ‘‘La promotion de l’excellence est un atout de compétitivité’’

Michel Russel Lohoré, auteur du Who’s Who in Côte d’Ivoire. (DR)
Michel Russel Lohoré, auteur du Who’s Who in Côte d’Ivoire. (DR)
Michel Russel Lohoré, auteur du Who’s Who in Côte d’Ivoire. (DR)

Michel Russel Lohoré : ‘‘La promotion de l’excellence est un atout de compétitivité’’

Pouvez-vous nous expliquer le concept Who’s Who ?

Le concept a vu le jour en Angleterre, il y a plus d’un siècle et demi. C’est un annuaire qui, chaque année, publie des biographies de dizaines de milliers de personnes choisies pour leur performance. S’agissant du Who’s Who in Côte d’Ivoire, l’idée a germé au dernier trimestre 1993. Je dois rappeler que j’ai, pour mentor, Yao Noël, le fondateur de l’Union nationale des journalistes de Côte d’Ivoire (UNJCI), qui m’a fait entrer très jeune dans le journalisme. C’est en 1985 qu’il a fait publier mes premiers articles dans le journal Fraternité Matin, le seul quotidien ivoirien de l’époque. Devenu le patron du groupe de presse ‘’ Le Réveil ’’, en 1993, il m’a appelé à ses côtés pour me confier, entre autres, la rubrique ‘’ Côté jardin ‘’ du Réveil Hebdo, une page où je livrais tous les jeudis les portraits intimes des personnalités ivoiriennes. Ces patrons me recevaient à domicile, entourés de leur femme. Aucune question n’était tabou. Je l’ai fait pendant six ans, avec plus de trois cents portraits au compteur. Mais dès 1994, fort de cette immersion au cœur des élites qui m’a permis de faire la connaissance de gens aux parcours remarquables, je rêvais déjà de créer un événement à même de magnifier l’excellence. J’avais bouclé ma sélection et les textes de la toute première édition qui devait paraître fin 1999. C’était sans compter avec le ‘’ putsch des jeunes gens ‘’. Un rêve venait de s’évanouir. Puis, il y a trois ans, une amie m’a fortement exhorté à concrétiser ce projet. Je l’ai donc repensé en France et je suis revenu ici pour rencontrer les personnes cibles. Dieu merci, cette fois, j’ai eu plus de chance car la 1ère édition du Who’s Who in Côte d’Ivoire a été effectivement présentée au premier trimestre 2019.

Quel bilan établissez-vous après la première édition ?

Réaliser un quart de siècle plus tard mon rêve de doter la Côte d’Ivoire d’un Who’s Who a été un réel soulagement. J’ai aussi ressenti de la fierté pour n’avoir rien lâché. Mais, c’est surtout le bel accueil réservé à l’œuvre qui m’a un peu surpris et conforté dans mon ambition de voir grand pour la promotion des talents. J’ai reçu des lettres de félicitations et d’encouragements de plusieurs personnalités. Et les jeunes à qui j’ai pu offrir des exemplaires ont beaucoup aimé. Le Who’s Who in Côte d’Ivoire est déjà présent dans des ambassades et institutions internationales. Cela fait partie des objectifs prioritaires et c’est vraiment encourageant. L’élection présidentielle est prévue le 31 octobre prochain et occupe pleinement l’actualité ivoirienne. N’avez-vous pas le sentiment de ramer à contre-courant ? Contrairement à ce que d’aucuns pourraient penser, je trouve ce moment idéal pour passer des messages dédiés à l’excellence. La politique est un domaine tellement important pour la vie d’une nation qu’on ne devrait la laisser aux mains des seuls hommes politiques. J’ai étudié le journalisme de développement et la communication à New Delhi, en Inde. Toutes ces initiatives que je déploie pour mettre à l’honneur les talents ivoiriens et africains, c’est à mon sens faire la politique de développement. C’est, je crois, être utile à mon pays.

Que gagne la Côte d’Ivoire à disposer d’un Who’s Who ?

La promotion de l’excellence est un atout de compétitivité et une lueur d’espoir. Le Who’s Who est un outil fédérateur, indépendant, sans coloration ni influence politique. Nous ne misons que sur les meilleures cartes, peu importe la sensibilité politique. De notre point de vue, dans un pays comme le nôtre qui aspire à l’émergence, il est nécessaire de multiplier ce genre d’initiatives pour inciter davantage nos compatriotes à la culture du mérite et mettre sous les feux des projecteurs les principaux acteurs qui ont la notoriété en Côte d’Ivoire. Nous avons des ressources humaines de qualité. Les autorités ont eu la magnifique idée de créer le Prix national d’excellence pour honorer chaque année les personnes et les structures qui s’illustrent par la qualité de leur travail. J’en suis moi-même un lauréat. Et c’est pour moi un devoir de contribuer fortement à la reconnaissance des meilleurs talents.

Sur quels critères vous basez-vous pour sélectionner ces personnalités qui, selon vous, incarnent l’excellence ivoirienne ?

C’est vrai que nous recevons maintenant beaucoup d’appels. Cependant, on ne soumet pas un CV, on ne paye pas non plus pour intégrer le Who’s Who. C’est plutôt nous qui allons à la pêche aux profils. Les critères de choix reposent sur le mérite, le parcours, le talent, les faits d’armes, la contribution au développement et au rayonnement de la Côte d’Ivoire. Nous les répertorions dans un large éventail de domaines (entrepreneuriat, administration, digital, social, culture, artisanat, finance, médias, politique, arts, sport, sciences, éducation...). Mais avec toujours à cœur un nombre assez limité d’élus. Il y a aussi des gens dont le positionnement est plutôt rare. Cela nous intéresse également. Nous avons fixé un seuil. Il existe certes de nombreuses personnes méritantes. Toutefois, on ne peut pas sélectionner tout le monde pour la simple raison qu’il ne s’agit pas d’une encyclopédie de biographies. Je dois aussi ajouter que ce n’est pas parce que tel est chef d’entreprise, ministre, ou fortuné qu’il doit figurer dans cette sélection opérée avec l’aide de personnes suffisamment outillées, anonymes et bénévoles. Comme nous ne prétendons pas avoir la science infuse, nos choix peuvent être discutables. Néanmoins, quand vous parcourez l’ouvrage, les états de service des hommes et des femmes retenus parlent d’eux-mêmes. Cela dit, je dois aussi avouer que certaines personnes contactées nous ont, au mieux, opposé un refus poli, sinon un silence méprisant. C’est leur droit et nous le respectons. Le Who’s Who 2020 contient 82 biographies. En dehors des plus hautes autorités et de quelques figures incontournables dont l’agenda ne le permettait pas, nous avons, en plus des questionnaires, rencontré la quasi-majorité des personnes retenues. Nous avons échangé avec les 4/5 des sélectionnés. C’est très important. Nous estimons que pour entrer dans le Who’s Who, la moindre des choses est de répondre à notre questionnaire. Ceux qui n’acceptent pas de le faire ne peuvent pas y figurer, quelle que soit leur étoffe.

Quelle est la particularité de cette deuxième édition ?

Tout comme la 1ère édition, le cru 2020 se présente comme le reflet du bouillonnement de la Côte d’Ivoire. Le Who’s Who in Côte d’Ivoire est plus qu’un livre. C’est un événement, la marque de l’excellence ivoirienne, le plus grand réseau de la Côte d’Ivoire qui ose. Aux côtés de quelques poids lourds emblématiques, il renferme des expertises variées et surtout beaucoup de gens peu connus du grand public. Les jeunes, les femmes et les talents de la diaspora y tiennent une place prépondérante. Le Who’s Who in Côte d’Ivoire est un outil de travail pour les institutions, les ambassades, les entreprises, les ministères, les investisseurs, les professions libérales qui y trouvent des informations importantes sur de potentiels interlocuteurs, partenaires et clients. Il marque sa différence par la proximité, les révélations, les photos inédites. Nous avons opté pour un mélange d’interviews, de reportages, de récits afin de mettre amplement en exergue les faits d’armes. Nous pensons qu’en matière de sélection et de promotion de l’excellence, il est primordial de savoir et de dire qui a fait quoi.

Une séquence particulière a-t-elle marqué la réalisation de l’œuvre ?

Du fait de la pandémie à coronavirus, le contexte était déjà inédit, difficile. Et puis, l’actualité nationale a enregistré des développements notables ces derniers mois. Fin juillet, l’impression de cet ouvrage était quasiment achevée. Mais nous avons demandé à l’imprimeur de suspendre le processus de fabrication. Il était hors de question de ne pas tenir compte de cette actualité mouvante. Nous avons donc repris plusieurs textes impactés par le cours des événements. Évidemment, cela fait d’énormes frais supplémentaires. Mais compte tenu de l’importance que nous attachons à cette initiative, c’était le prix à payer. Dieu merci, nous sommes heureux de l’avoir finalisé dans des délais raisonnables. Il est bon de souligner que nous sommes passés de 420 pages en 2019 à 562 pages en 2020. En définitive, c’est une œuvre qui véhicule à la fois le mérite, la résilience et l’ambition.

Beaucoup de personnalités de valeur préfèrent évoluer dans l’anonymat. Cela ne constitue-t-il pas un facteur de fragilisation pour votre projet ? Que gagne concrètement une personnalité sélectionnée ?

Nous ne sommes qu’à deux éditions, nous devons continuer de faire de la pédagogie et avoir le sens de la persuasion. Humblement, nous pouvons dire que nous avançons bien. Nous avons une base de données fournie et un réseau qui nous honore de sa confiance. Aujourd’hui, l’on parle de plus en plus de renouvellement générationnel donc le sens de la transmission compte beaucoup. Le Who’s Who est un ambitieux projet que nous allons amplifier avec un dispositif numérique, une version anglaise et une émission télé. Outre la promotion du savoir-faire ivoirien à l’international, enseigner des trajectoires inspirantes à la jeunesse suscite un intérêt croissant. Nous sommes heureux de sortir de l’ombre des modèles de réussite aussi bien académiques que professionnels. Les entrants du Who’s Who in Côte d’Ivoire participent à un idéal noble. Être membre de ce réseau d’excellence procure de la fierté. C’est une preuve de respectabilité.

Interview réalisée par SERGES N’GUESSANT