Daoukro, Bonoua, Divo, Gagnoa : L’État et la population payent la facture des dégâts

Une vue de ce qui reste du commissariat de la ville de Bonoua saccagé et incendié par des manifestants. (Photo: Poro Dagnogo)
Une vue de ce qui reste du commissariat de la ville de Bonoua saccagé et incendié par des manifestants. (Photo: Poro Dagnogo)
Une vue de ce qui reste du commissariat de la ville de Bonoua saccagé et incendié par des manifestants. (Photo: Poro Dagnogo)

Daoukro, Bonoua, Divo, Gagnoa : L’État et la population payent la facture des dégâts

Le 01/09/20 à 11:35
modifié 01/09/20 à 11:35
La tournée du Premier ministre lui a permis de toucher du doigt la face hideuse des récents mouvements d’humeur de l’opposition.
La rançon des manifestions. Ainsi pourrait-on qualifier les dégâts causés par les appels à manifester lancés le 10 août dernier par l’opposition contre la candidature du Chef de l’État sortant Alassane Ouattara à la présidentielle du 31 octobre prochain. Divo, Gagnoa, Daoukro, Bonoua se sont réveillées avec la gueule de bois. Après la pluie, le mauvais temps !

La tournée effectuée du 27 au 29 août dernier par le Premier ministre Hamed Bakayoko dans ces quatre localités a ainsi permis aux autorités locales de dresser le triste bilan matériel et moral de ces marches dites pacifiques mais qui ont dérapé par endroits en conflits intercommunautaires. Les maires, les préfets, les chefs traditionnels et les leaders de jeunesse ont unanimement requis l’aide de l’État. Ce n’est pas assez que l’État se soit déplacé au chevet de ces villes. Le voilà sollicité pour reconstruire des voiries abimées, pour aider des opérateurs économiques à reprendre du service, pour prendre en charge les blessés, et même assister les familles éplorées !

« Après les destructions, il faut penser à la construction. La ville de Bonoua souhaiterait bénéficier d’un plan Marshall, un appui budgétaire d’urgence pour la reconstruction d’infrastructures de sécurité, de voirie, de drainage d’eau pluviale et de santé. Par ailleurs, les opérateurs économiques sinistrés me chargent de solliciter auprès de vous un plan d’aide spéciale, afin de reprendre leurs activités. Nous sollicitons également un soutien aux blessés », a plaidé auprès du chef du gouvernement le maire de Bonoua, Jean-Paul Amétier, le 27 août.

La Sotra a encore payé un lourd tribut lors des dernières manifestations. (DR)
La Sotra a encore payé un lourd tribut lors des dernières manifestations. (DR)



« Pendant cette crise, des personnes ont perdu des parents et d’autres beaucoup de biens. Les dégâts et les pertes sont très importants. Pardonner dans la souffrance et la douleur est extrêmement difficile. C’est pourquoi la jeunesse de Daoukro souhaite vivement que l’État de Côte d’Ivoire prenne en charge le remboursement des pertes matérielles et des obsèques », réclamait de son côté, le 29 août, le président de la jeunesse baoulé de Daoukro, Brou Romuald.

Est-ce là la cruelle rançon de l’autorité ? L’État qui avait fait savoir, à travers le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, que ces marches brutales et de l’opposition sur toute l’étendue du territoire n’étaient pas autorisées, s’était entendu répondre, par les initiateurs, que les manifestations publiques bénéficient d’un régime de simple déclaration et n’ont pas à être autorisées.

« Le droit de manifester est un droit constitutionnel », déclaraient le 19 août sur les antennes de la Rti1 Maurice Kacou Guikahué du Pdci-Rda et Assoa Adou du mouvement pro-Gbagbo.

Bien sûr, les libertés individuelles sont au premier rang des droits de l’Homme. Garanties par la Constitution, elles impliquent la liberté de s’exprimer sans être brimé et celle de marcher sans être empêché.

Et la Constitution du 8 novembre 2016 ne dit pas autre chose, lorsqu’elle dispose en son article 20 que « les libertés d’association, de réunion et de manifestation pacifique sont garanties par la loi ». « Les partis et groupements politiques se forment et exercent leurs activités librement sous la condition de respecter les lois de la République, les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie. Ils sont égaux en droit et soumis aux mêmes obligations », ajoute l’article 25.

Mais l’exercice de la liberté va de pair avec le devoir qui commande que « les biens publics sont inviolables » et que « toute personne est tenue de les respecter et de les protéger », ainsi que le prévoit l’article 44 de la même loi fondamentale.

D’ailleurs, si l’État a le devoir de garantir l’expression de la démocratie, il doit également protéger les citoyens, assurer la sécurité de tous, la libre circulation des personnes et des biens.

D’aucuns diraient même que le droit d’être en sécurité est la première des libertés des citoyens. Car si l’on n’est pas sécurisé, on ne peut rien entreprendre.

Plusieurs maisons de particuliers ont subi les effets collatéraux des marches. (DR)
Plusieurs maisons de particuliers ont subi les effets collatéraux des marches. (DR)



Pauvre Etat, qui apparaît comme le dernier recours, après les dégâts ! Comme en témoignent les sollicitations des autorités des villes récemment secouées par des velléités de protestations éclatées.

C’est l’image même du père de famille dont les conseils avisés sont souvent ignorés et qui doit voler au secours des récalcitrants et payer pour les dégâts qu’ils ont causés.

La tournée de trois jours d’Hamed Bakayoko aura ainsi permis de toucher du doigt les torts causés par les manifestations. Le gouvernement a surtout pris sa part de deuil, en promettant la prise en charge des blessés et en assurant qu’il va étudier la meilleure façon d’aider les opérateurs économiques sinistrés pour une reprise des activités économiques. Promesse est même faite par le chef du gouvernement d’étudier la possibilité de libérer les manifestants pris en flagrant délit de violence ou de destruction de services publics.

Outre le gouvernement, les partis politiques d’opposition qui bénéficient du financement public, devraient-ils, à leur tour, prendre leur part de deuil? Notamment, en veillant à réduire au minimum les risques de dérapage lors des manifestations chaque fois que de besoin. Ce qui suppose de prendre en compte les limites des forces de sécurité, dont l’effectif et les moyens sont limités et qui ne peuvent pas être partout à la fois, surtout quand il s’agit de manifestations éclatées. La démocratie s’en trouverait plus renforcée, loin d’être bridée.



Le 01/09/20 à 11:35
modifié 01/09/20 à 11:35