Phénomène des congés anticipés: Dabou, la ville épicentre des violences

Phénomène des congés anticipés: Dabou, la ville épicentre des violences

Le 07/06/20 à 14:33
modifié 07/06/20 à 14:33
Châteaubriand, l’un des collèges privés les plus prisés de Dabou, non loin d'Abidjan, la capitale économique ivoirienne, n’est pas en marge du phénomène des congés anticipés, malgré son paisible et beau cadre, ses bâtiments neufs aux couleurs joviales, sa belle pelouse, et son corps éducatif engagé.

Un élève de cette école a même été arrêté par la police puis incarcéré plusieurs jours à la prison civile de la ville. C’était à la suite des manifestations violentes organisées en collaboration avec des élèves d'autres établissements de la ville pour aller plus tôt en congés, en décembre 2017.

Trois ans après, il est exactement midi et le soleil est au zénith quand nous arrivons dans le collège, théâtre des évènements. Des élèves en uniforme, bleu-blanc pour les filles et le kaki pour les garçons, repartis en une vingtaine par classe s’empressent de copier les lignes du dernier cours de la matinée lorsque retentit la sirène marquant la fin des cours. Une fois sortis de classe, de petits attroupements se forment par affinité et se dirigent vers le portail principal, dans une atmosphère de cris, rigolades et éclats de rire. C'est dans ce contexte que plusieurs élèves de cette ont été interrogés pour comprendre les manifestations de ce phénomène.

« Les congés anticipés nous donnent du fil à retordre, durant toute l’année scolaire. Ce problème nous met en retard sur le programme normal des cours. Parfois, les sujets des examens de fin d’année n’ont pas été vus en classe à cause des perturbations dues aux congés anticipés. Et, cela dépeint sur les résultats de fin d’année et le taux de réussite aux examens », déplore Dja Victor, élève en classe de 3ème 4, sur un ton à la fois d’amertume et de colère. Comme lui, certains élèves évitent désormais d’être des acteurs de ce phénomène et se préoccupent de son impact négatif sur leur cursus scolaire, de même que sur leur vie en général.

C’est le cas d’Okobé Asy Bala Jeannette, élève en classe de 2ndeA1 : « Jamais je ne serai une actrice ou participante d’une manifestation de ce genre. Je ne veux pas risquer ou gâcher ma vie. Mes parents paient cher pour mes études », prévient-elle, en soutenant : « L’un des élèves de ce collège a fait la prison pour avoir participé à une manifestation des congés anticipés. Je ne veux pas finir comme lui !».

Ces évènements datent du vendredi 11 décembre 2017. Date à laquelle les acteurs de ce fléau ont pris d’assaut les établissements secondaires publics comme privés, à Dabou. Dans l’euphorie et l’incivisme, ces manifestants se sont mis à déloger les élèves des autres établissements de leurs salles de classe. Munis de gourdins, briques, cailloux et armes blanches, ils détruisaient des biens publics et privés sur leur passage.

« Ce jour-là, Dabou était sens dessus dessous, la population ne savait plus à quel saint se vouer à cause de la violence qui régnait sur la ville », se souviennent encore les élèves de Chateaubriand où, tout comme dans d’autres établissements, l’administration et certains élèves se sont farouchement opposés aux manifestants. « Etant dans un établissement privé, nous ne pouvons pas permettre une telle attitude chez nous. Et ce fameux 11 décembre, l’un des manifestants a eu l’audace de porter main à un professeur sans regret », se souvient Camille Lou Rydiouane.

En dépit de la mise en garde des autorités, de l’incarcération de certains acteurs et des pertes en vies humaines signalées dans d’autres localités gagnées par ce phénomène, d’autres élèves semblent prêts à tout pour récidiver. Généralement ce sont des élèves en classe intermédiaire qui donnent les premiers coups de sifflet marquant le début des perturbations.

« Je participe aux manifestations des congés anticipés à chaque fois que l’occasion se présente. C’est une manière pour moi de m’affirmer et m’exprimer en tant que femme. C’est l’occasion de nous faire entendre. Mais pas forcément par la voie de la violence. Nous sommes même encouragés par certains membres du corps enseignant qui veulent plus de temps à passer dans leurs familles se trouvant à des milliers de kilomètres d’ici », confie Ange en classe de 4ème.

Selon Isaac Makagnon, Educateur au Collège Châteaubriand, « l’encadrement de l’élève doit être ferme depuis la maison, pour que nous puissions le renforcer une fois à l’école. Pour mieux cerner ce fléau, afin de prétendre y mettre fin, il faudra une rencontre tripartite entre les parents, le corps éducatif et les élèves. Ces parties s’accusent mutuellement d’être le responsable du fléau. Chacun doit mettre balle à terre, pour, ensemble, trouver la solution idoine. C’est l’avenir des élèves, des parents, des enseignants et de toute la société qui en dépend ».

Pour le moment, Dabou continue de vivre tous les ans dans la hantise des violences pour les Congés anticipés.

Melaine MONDON


Le 07/06/20 à 14:33
modifié 07/06/20 à 14:33