Interview / Djo Bi Franck (emprisonné pour Congés anticipés) : « Je suis toujours indexé comme un mauvais enfant »

Djo Bi Franck Iré, élève emprisonné pour Congés anticipés . (Photo: Groupe 1)
Djo Bi Franck Iré, élève emprisonné pour Congés anticipés . (Photo: Groupe 1)
Djo Bi Franck Iré, élève emprisonné pour Congés anticipés . (Photo: Groupe 1)

Interview / Djo Bi Franck (emprisonné pour Congés anticipés) : « Je suis toujours indexé comme un mauvais enfant »

Djo Bi Irié Franck est élève en classe de Terminale A au Collège Chateaubriand de Dabou. En décembre 2017, participant à des manifestations orchestrées avec ces camarades pour perturber les cours et partir plus tôt en congés de Noël et du Nouvel an, Djo Bi Irié a été emprisonné. Après une dizaine de jours en prison pour destruction de biens et troubles à l’ordre public, il a été reconnu non-coupable dans un procès atypique. Il a accepté de nous parler des événements qui ont conduit à son arrestation.
  • Monsieur Djo Bi Irié Franck, chaque année, début décembre, les élèves entreprennent des mouvements de foule pour aller plus tôt en congés de Noël et du Nouvel an. Qui en sont, selon vous, les véritables acteurs de ce fléau ?


Djo Bi Franck : Ce sont principalement les élèves des Ecoles publiques qui sont la base du mouvement. Et par la suite ceux du privé s’en mêlent.
  • Comment sont-ils organisés ?
Ces groupes sont formés et constitués de leaders des précédentes manifestations.
  • Quelles ont été vos motivations ?


DBF: L’effet de groupe et l’envie d’être au centre de l’action.
  • Comment procédiez-vous ?
DBF: Avant le jour de la manifestation, une réunion se tient avec les leaders de chaque école. Lors de cette réunion, on établit les stratégies, l’heure, et le mode opératoire, ainsi que le mot d’ordre. Le jour-j, et à l’heure prévue, chaque leader et son groupe commencent à manifester par des coups de sifflet. Si l’administration et les élèves ne cèdent pas, le leader appelle ou envoie des SMS à d’autres leaders qui le rejoignent afin d’atteindre l’objectif fixé.
  • Vous avez été arrêté et emprisonné...
DBF: Oui, j'ai été enfermé pendant neuf (9) jours dont un jour en boîte et huit autres à la grande prison de Dabou, en décembre 2017. Les congés étaient prévus pour le 21 décembre, et nous avons décidé d’y aller plus tôt, soit le 11. Le 21, c’était trop loin pour nous, car on voulait plus de temps pour les congés. Ce jour-là, c’était la violence dans toutes les écoles de la ville, publiques comme privées. On délogeait les élèves de gré ou de force, malgré la police à nos trousses. L’ambiance était très tendue. Il y a eu des destructions de biens publics et des blessés.
  • Vous avez été jugé et acquitté. Quelle était l’ambiance lors du procès et après votre libération ?
DBF: D'abord, je suis arrivé à la grande prison un jour après mon arrestation. La juge vient me trouver et m'informe que mon procès aura lieu le jeudi. Au jour fixé, le garde pénitencier fait l'appel des détenus et je n’entends pas mon nom. C'était comme si le ciel me tombait dessus. L’angoisse et le stress s’installèrent, et je pris conscience de mon acte et de ma situation. Pendant ce temps, mes amis et élèves de la ville plaidaient auprès du procureur pour ma libération. Une semaine après, mon nom figurait sur liste des détenus à juger.

Le jour du procès, les policiers m’ont escorté jusqu’à la salle d’audience. Pendant que j'attendais mon tour à la barre, j'entendis des cris de manifestation, des coups de cailloux sur le toit de la salle d'audience, des coups de sifflet. C'est à ce moment que le procureur m'appelle à la barre des accusés et proclame mon verdict qui stipule que j'étais libre. Ouf ! Mon soulagement fut total. A ma sortie de la salle d'audience, je fus accueilli par les élèves comme un héros...
  • Vous considérez-vous vraiment comme un héros ? DBF: (Il soupire et baisse la tête). Je suis toujours indexé comme un mauvais enfant ayant un impact négatif sur les jeunes.
  • Quelles ont été les conséquences sur votre vie scolaire et sociale ?
Je suis stigmatisé et ce n’est pas facile de vivre ainsi au sein d’une société. Outre cela, j’ai un casier judiciaire qui est taché par cet acte et cela me suivra toute ma vie, où que j’aille, quoi que je fasse.
  • Etes-vous prêt à recommencer ?
DBF : Non, plus jamais de la vie ! J’ai pris conscience que ce sont des mouvements et réactions de foule. Une grave erreur ! La prison m’a ouvert les yeux et lorsque j'ai vu ma maman couler des larmes à mon procès, j'ai juré de ne plus la mettre dans une telle situation. Je regrette mon acte et d’avoir sali l’image de ma famille et agi comme si ma mère ne m’avait pas donné d’éducation. Je n’avais pas pensé aux sacrifices qu’elle faisait pour moi, et à la peine qu’elle pouvait ressentir en voyant son fils que je suis, là où j’étais.
  • Quels messages pouvez-vous donner aux élèves qui continuent d’agir comme vous à l’époque ?
DBF : Le seul conseil que je peux donner aux élèves, aux générations actuelles et à venir, c'est de ne jamais céder à l'effet de groupe. Chacun est responsable de son destin et de ses actes. Si tu commets une faute, tu seras le seul à faire face à la justice. Les élèves doivent se servir de mon cas pour ne pas reproduire les mêmes erreurs. Ils doivent penser aux sacrifices de leurs parents.

Interview réalisée par

La rédaction 1