L'Editorial de Venance Konan: Pour qui sonne le glas

Djihad
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L'Editorial de Venance Konan: Pour qui sonne le glas

Le 21/08/20 à 11:43
modifié 21/08/20 à 11:43
"Le rêve des djihadistes est de contrôler un port. Dieu n’a rien à voir avec leurs affaires."
« N’envoie jamais demander pour qui sonne le glas ; il sonne pour toi » John Donne (poète et prédicateur anglais,1572-1631).

Un mort, deux morts, trois morts... Ainsi avions-nous commencé notre décompte macabre en 2010. Chacun s’arc-boutait alors sur sa raison. A la fin d’avril 2011, nous en étions à 3000 morts. Eux n’avaient eu raison sur personne. A la fin de la crise, nous avions donc mis une parenthèse sur nos haines et sur nos rancœurs, nous nous sommes réfugiés dans nos identités meurtrières, dans notre rejet de l’autre parce qu’il est justement autre, et nous avons attendu la bonne occasion pour ressortir nos mots et instruments de meurtres. Et cette occasion, ce moment propice, pensons-nous, c’est maintenant. Pourquoi maintenant ? Peut-être parce que nos haines sont désormais cuites à point. Peut-être aussi est-ce une malédiction qui frappe ce pays pour des sacrifices que nous aurions omis de faire, pour des actes manqués, pour des hommages non rendus à qui y avait droit.

Un mort, deux morts, trois morts... Ainsi avons-nous recommencé à compter. Où nous arrêterons-nous ? Je l’ignore. Peut-être jusqu’à ce que nos sols soient bien gorgés de sang, peut-être jusqu’à ce que nous aurions demandé pardon à qui il faut. A qui la faute de cette tragédie qui semble s’annoncer ? Ça, je le sais : c’est l’autre qui est responsable. Mais, « n’envoie jamais demander pour qui sonne le glas ; il sonne pour toi. »

Mali, 22 mars 2012. Un groupe de soldats partis du camp militaire de Kati renverse le président Amadou Toumani Touré, au moment où les djihadistes, accompagnés ou précédés par les indépendantistes touareg, foncent sur Bamako. Les putschistes justifient leur action par « l’incapacité du gouvernement à donner aux forces armées les moyens de défendre l’intégrité du territoire national. » Mais une fois le pouvoir pris, ils se contenteront d’en jouir et de commettre des exactions sur les populations, en laissant ces dernières seules, face aux barbus. Il faudra la France pour stopper la chevauchée fantastique des « fous de Dieu » sur Bamako. Alors, plutôt que de chercher à conquérir la capitale du Mali, les djihadistes se répandront dans tout le pays, y semant la mort et la désolation.

Mali, 18 août 2020. Un groupe de soldats partis du camp militaire de Kati renverse le président Ibrahim Boubacar Keïta, au moment où les djihadistes sévissent désormais dans tout le pays, au point qu'il est entièrement marqué en rouge par divers pays européens, ce qui veut dire qu’il est recommandé aux ressortissants de ces pays de ne plus s’y rendre. Le pays est devenu si dangereux que le leader de l’opposition qui était en campagne dans sa région électorale a été enlevé, et jusqu’à présent personne n’a de nouvelles de lui. Le Burkina Faso et le Niger voisins sont aussi presque entièrement décommandés aux ressortissants européens, parce que les djihadistes y massacrent qui ils veulent.

Les militaires qui ont pris le pouvoir à Bamako ont reproché beaucoup de choses au pouvoir du président Ibrahim Boubacar Keïta. Le problème le plus grave auquel fait face le Mali est certainement celui de la sécurité mise à mal par le terrorisme. Les nouveaux hommes forts du pays réussiront-ils à faire reculer les islamistes assassins ? On peut en douter. On peut même imaginer que les djihadistes de tous poils sont en ce moment en train de se pourlécher les babines en lissant leurs longues barbes, heureux de la bonne opportunité que les soldats maliens viennent de leur offrir. Une fois le Mali, le Burkina Faso, le Niger totalement sous leur contrôle, quelle sera leur prochaine cible ? « N’envoie jamais demander pour qui sonne le glas ; il sonne pour toi. »

Le rêve des djihadistes est de contrôler un port. Dieu n’a rien à voir avec leurs affaires. Leur ambition est de s’assurer des couloirs pour écouler leurs drogues et autres marchandises de trafic venus d’Amérique vers l’Europe et l’Asie. Chez nous, ils ont déjà attaqué Grand-Bassam au bord de la mer et récemment Kafolo dans l’extrême nord, le septentrion du Bénin et la frontière burkinabé-togolaise. Ils cherchent comment arriver jusqu’à la mer et avoir une route sûre jusqu’à la sortie du désert du Sahara. Ce qui arrange le mieux leurs affaires est la faiblesse d’un État et le désordre qui y règne. Généralement l’un entraîne l’autre. Si nous n’y prenons pas garde, nous pourrions avoir en Côte d’Ivoire les deux, à savoir le désordre qui entraîne l’affaiblissement de l’État. Et les djihadistes qui sont déjà à nos frontières, ou peut-être même déjà dans notre pays, viendront peigner leurs sales barbes sur nos corps déchiquetés par leurs bombes.

Les survivants n’auront pas le temps de se demander qui aura été le principal responsable de ce désastre. Réfléchissons-y tous, et que les vrais Houphouétistes se préparent à aller supplier le Saint-Père de notre pays, Félix Houphouët-Boigny, afin qu’il éloigne de son œuvre, c’est-à-dire ce pays, tous les mauvais augures. La date anniversaire de sa naissance est le 18 octobre.

Venance Konan


Le 21/08/20 à 11:43
modifié 21/08/20 à 11:43