Anna-Alix Koffi (Éditrice indépendante): «Je veux donner à voir une Afrique vivante, audacieuse, courageuse et puissante»

La revue Something We Africans Got de Anna-Alix. (DR)
La revue Something We Africans Got de Anna-Alix. (DR)
La revue Something We Africans Got de Anna-Alix. (DR)

Anna-Alix Koffi (Éditrice indépendante): «Je veux donner à voir une Afrique vivante, audacieuse, courageuse et puissante»

Directrice de création et Rédactrice en chef de la revue Something we Africans Got et du magazine Swag High Profiles, elle milite pour la promotion de l’Afrique et des femmes artistes noires avec une place de choix offerte aux africaines.
Vous êtes l’éditrice de la revue Off The Wall (2013) de l’édition spéciale Woman Paper (2016) et, depuis 2017, de la revue Something We Africans Got, et du magazine Swag High Profiles. Qu’est-ce qui fait courir Anna-Alix Koffi ?

Je dirai tout simplement l’envie de me surpasser, de chaque fois montrer quelque chose de nouveau et surtout l’envie de faire ce que je ressens vraiment. Après mes études en histoire, puis en journalisme et en publicité, j’ai travaillé pour beaucoup de journaux dont la revue photo More, les journaux Le Monde et Marianne. Après, j’ai voulu avoir ma revue pour mieux exprimer ma vision des choses. C’est ainsi qu’est née la revue photo trimestrielle Off The Wall. C’est une revue en 10 volumes (2013-2016) consacrée à la photographie. Mon objectif était de présenter des archives inédites d’éminents photographes pour les confronter à la nouvelle génération de photographes au niveau international, sans attendre une quelconque validation de leurs travaux de la part du marché et des critiques.

Vous vous retrouvez ensuite sur le chemin du combat pour la cause des femmes. Comment vous définissez-vous ?

Je suis une femme d’origine ivoirienne avec une culture parisienne qui défend l’art et les femmes artistes. Je milite pour la promotion de l’Afrique et des artistes femmes. Il faut dire que des dix volumes de Off The Wall à Something We Africans Got, je me suis consacrée à l’Afrique et la cause des femmes. J’ai créé Woman Paper, pour les Rencontres d’Arles en 2016. Le journal a aussi été associé aux foires, festivals et biennales internationales (Paris Photo, 1/54, Fiac!, Biennale de Dakar...). Le propos est de donner voix aux femmes du monde de l’art. Publié lors des différents festivals, Woman Paper rassemble les meilleurs artistes femmes avec une place de choix offerte aux artistes africaines. En définitif, mon combat est de changer la perception de l’Afrique, celle de la femme artiste aussi.

Aujourd’hui, vous dirigez Something We Africans Got. Présentez-nous cette revue que vous avez lancée en 2017

C’est une revue qui se situe entre revue mainstream et trimestriel académique. Je dirai que c’est un dialogue universel mêlant Africains et non Africains avec une ambition forte : placer l’Afrique au centre du débat culturel international. Tous les langages de l’art y sont déclinés. Comme pour toutes mes publications, le design est très élégant et innovant. Bilingue, la revue pose un regard précis sur les arts et la pensée critique. Pour chaque numéro, un thème est exploité dans une première partie, focus sur la scène artistique et intellectuelle d’un pays d’Afrique dans une seconde partie. Enfin dans une troisième partie, un pays est invité à dialoguer avec l’Afrique à travers l’interview d’une personnalité africaine exerçant dans un domaine donné. C’est pour vous dire que notre ambition est de montrer le meilleur de l’Afrique. Depuis 2019, la revue est aussi déclinée en magazine avec la version Swag High Profiles qui montre les personnalités et les créatifs d’Afrique et du monde noir. Les acteurs au sommet des Arts, de la mode, des affaires, se laissent découvrir.

Née à Abidjan que vous avez quitté à 4 ans, vous avez grandi en France et pourtant vous ne semblez pas avoir été complètement déracinée ?

Quand on sait la richesse de là d’où on vient, on ne peut que revenir aux sources pour la promouvoir. L’Afrique cumule plusieurs avantages. Continent de la jeunesse, de l’innovation, de l’imaginaire, du savoir, de la contestation, de tous les possibles et riche de ses ressources naturelles. C’est cette richesse multiple et foisonnante que je m’emploie à faire connaître. Je veux pousser les murs de la créativité pour donner à voir une Afrique vivante, audacieuse, courageuse et puissante. C’est cette ambition que je traduis d’ailleurs dans mes revues. C’est cette autre Afrique que je veux promouvoir.

Pensez-vous avoir reçu le soutien nécessaire de vos congénères dans votre combat pour la promotion de l’Afrique ?

Certains, très peu d’ailleurs, nous soutiennent. Malheureusement, la grande majorité non. C’est difficile mais ce qui nous pousse à continuer ce sont les belles rencontres que nous faisons. Nous sommes riches de nos contacts. Cela compense un tant soit peu les frustrations et les incompréhensions. Beaucoup ne comprennent pas que nous n’avons pas les moyens mais nous y arrivons. Pour eux, si elle ne gagne rien pourquoi continue-t-elle ? La réponse est toute simple : c’est un combat et c’est ce que je dois faire, c’est un choix et je n’ai pas d’autre alternative que de continuer. C’est pourquoi je voudrais profiter de cette occasion pour dire un grand merci à toutes ces belles âmes qui nous apportent leur soutien et nous font l’amitié de leurs conseils et admiration.

Vous semblez être une Self made woman qui n’a pas peur d’affronter l’adversité

Comme on le dit chez nous : « C’est pas quelqu’un qui t’a envoyé ». Je ne suis donc pas là parce que c’est la mode. Vous verrez, ma photo n’apparaît dans aucune publication. Ce n’est pas moi le centre d’intérêt de mes revues. Moi je montre des personnalités qui ont des choses intéressantes et utiles à dire. Les jeunes doivent comprendre que quand on entreprend ce n’est pas un like qui définit le succès. Ce qui compte, c’est la durée de l’œuvre et pour qui vous la faites. Pour vous-même vous faire voir ou pour faire voir les autres ? C’est vrai que chaque acte révèle un caractère un peu égoïste car on ne fait pas une chose si ça ne nous apporte pas satisfaction nous-même, mais l’essentiel c’est la portée sociale et l’intérêt général qui compte. C’est pourquoi il faut s’armer de courage et toujours aller de l’avant malgré les difficultés et les échecs.

Avec le numérique, beaucoup pensent que le papier va disparaître. Or vous vous accrochez au print.

C’est une impression tout simplement car en réalité, les gens ont toujours envie de se voir publier, de toucher le papier, d’avoir pour soit le journal physique, avec du bon papier. Moi, quand je me lançais en 2012, je préparais le lancement de Off The Wall Off, le grand journal américain NewsWeek arrêtait de faire du papier, mais je me suis lancée et aujourd’hui je suis toujours là. Et cela est très apprécié d’ailleurs. Quand la chaîne Radio France Internationale (Rfi) qualifie ta revue de “la meilleure revue d’Art contemporain africain en France”, il y a de quoi être fier.

Votre présence actuelle à Abidjan marquerait-elle votre retour définitif en Côte d’Ivoire ?

J’avoue que j’y pensais déjà depuis 2015 où j’ai été très régulier au pays. Je suis arrivée en début d’année et cela a coïncidé avec la pandémie du coronavirus. J’ai eu plusieurs possibilités de retour mais j’ai préféré attendre et cela m’a permis de faire des projections sur mon travail. J’ai découvert qu’il y a énormément de choses à faire sur place et c’est ce à quoi je m’attelle. Cette situation m’a permis donc de m’installer à Abidjan, de créer un site Internet que je n’avais pas depuis près de 10 ans. J’ai compris l’importance d’avoir une présence digitale pour passer mes messages et promouvoir mes revus. Mon site qui s’appelle ‘’avril27.com’’ regroupe mes trois publications. Sur ce site je vais aussi exploiter la vidéo qui va mettre en valeur les grands artistes africains et noirs à travers la création de films d’art. Dans 10 secondes de vidéo, vous passer beaucoup plus de messages que dans une image simple ; ensuite, la vidéo est très attractif pour les parents et pour les enfants, c’est engageant et ça donne envie d’aller plus loin dans la curiosité. Moi, mon futur c’est la vidéo et l’éducation.

Interview réalisée par SERGES N’GUESSANT