Après les obsèques d’Amadou Gon Coulibaly : L’appel d’Henriette Dagri Diabaté sera-t-il entendu ?

La Grande chancelière, Henriette Dagri Diabaté. (DR)
La Grande chancelière, Henriette Dagri Diabaté. (DR)
La Grande chancelière, Henriette Dagri Diabaté. (DR)

Après les obsèques d’Amadou Gon Coulibaly : L’appel d’Henriette Dagri Diabaté sera-t-il entendu ?

Le 20/07/20 à 10:56
modifié 20/07/20 à 10:56
La Grande chancelière a appelé, mardi dernier, lors de l’hommage de la nation à Amadou Gon Coulibaly, les hommes politiques à œuvrer pour la paix en cette année électorale.

A quelques mois d’une échéance électorale importante, l’unanimité que nous observons autour d’Amadou n’est-elle pas un signe pour rappeler à nos compatriotes et à nos leaders politiques de tous horizons que la paix dans laquelle nous vivons doit être considérée comme un bien commun à préserver ? Je saisis cette triste occasion, pour dire : que vous soyez jeunes ou vieux, hommes ou femmes, du nord ou du sud, puisse la sagesse qui a permis aux ancêtres d’Amadou Gon Coulibaly, à l’époque de l’Almamy Samory Touré, de faire l’économie d’un affrontement, nous inspirer tous ». Ainsi, plaidait la Grande chancelière. C’était le 14 juillet dernier, à l’occasion de la vibrante oraison qu’elle rendait au Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly. Inattendu, ce plaidoyer sera-t-il entendu ?

Enterrera-t-on ce charitable appel au sursaut patriotique, alors même que l’inhumation du défunt Premier ministre, le 17 juillet à Korhogo, a merveilleusement célébré la réconciliation des 31 régions arrivées des quatre coins du pays ?

Henriette Dagri Diabaté, 85 ans, mériterait d’être entendue. Sa voix a quelque chose de légitime. Elle connaît bien les acteurs. Et les acteurs la connaissent. A commencer par les trois grands sages de l’arène, les anciens Présidents Henri Konan Bédié (86 ans), Laurent Gbagbo (75 ans) et l’actuel Président Alassane Ouattara (78 ans). Entre « anciens, » on devrait se comprendre.

Ministre de la Culture en 1990 sous le régime de Félix Houphouët-Boigny, la Grande chancelière a été secrétaire générale du Rdr, le parti d’Alassane Ouattara.

La Tantie, comme tous l’appellent affectueusement, est l’une des doyennes de l’élite intellectuelle et du marigot politique. De surcroît, elle n’est en course à aucun poste électif.

Entre Bédié en lice pour la présidentielle d’octobre prochain au nom du Pdci, Gbagbo annoncé candidat par ses partisans et le Président Ouattara qui vient de perdre son poulain pour le scrutin d’octobre, Henriette Dagri Diabaté arrive comme l’interface idéale. Et l’élite politique serait peu excusable de refuser de s’asseoir pour discuter.

D’autant moins qu’un casus belli pointe déjà sous la forme d’un nouveau débat sur la composition de la Commission électorale indépendante (Cei). Dans la forme, le délai serait bien court, si l’on doit remettre le compteur à zéro, comme semble le souhaiter l’arrêt de Cour africaine des droits de l’homme et des peuples du 13 juillet dernier.

Dans le fond, les juges africains ouvrent une boîte de Pandore quand ils demandent aux Ivoiriens de revoir les critères qui ont prévalu à la désignation des membres de la société civile au sein de la Cei. Emprunter ce chemin serait prendre le risque d’un nouveau dialogue de sourds entre les parties, quand on sait que beaucoup de dirigeants dans la classe politique ne croient même pas à l’existence d’une société civile ivoirienne qu’ils jugent partisane.

Résultat : l’évangile de l’ancien président de l’Assemblée nationale, Mamadou Koulibaly, qui prêchait pour une Cei entièrement aux mains de la société civile n’a jamais trouvé d’adeptes dans les chapelles politiques.

La trop forte prégnance du politique sur la société ivoirienne engendre une attente équivalente de la part des populations vis-à-vis de leur élite politique. Attentes, qui, hélas, sont souvent déçues, si l’on en juge par la dernière crise post-électorale de 2010.

Tout cela donne une légitimité supplémentaire à la voix de la Grande chancelière quand elle appelle les protagonistes à « faire l’économie d’un affrontement ». Pourvu seulement que cette bonne parole tombe dans la bonne terre.


Le 20/07/20 à 10:56
modifié 20/07/20 à 10:56