Patrick Achi à Amadou Gon : « A nous désormais, dans le cadre de la vision Côte d’Ivoire 2030 que tu as impulsée, de faire vivre ton idéal »

Patrick Achi, Ministre-Secrétaire Général de la Présidence.
Patrick Achi, Ministre-Secrétaire Général de la Présidence.
Patrick Achi, Ministre-Secrétaire Général de la Présidence.

Patrick Achi à Amadou Gon : « A nous désormais, dans le cadre de la vision Côte d’Ivoire 2030 que tu as impulsée, de faire vivre ton idéal »

Le 14/07/20 à 17:13
modifié 14/07/20 à 17:13
Cérémonie d’hommage à SEM Amadou Gon Coulibaly, Premier Ministre, ce mardi 14 Juillet 2020, au palais de la présidence de la République
Discours de Monsieur Patrick Achi, Ministre, Secrétaire Général de la Présidence.

Excellence Monsieur le Président de la République,

De toute ma carrière, je n’avais jamais connu de tâche plus lourde que celle de lire votre Communiqué du Mercredi 8 Juillet 2020 annonçant à la Nation entière, la disparation du Premier Ministre, Ministre du Budget et du Portefeuille de l’Etat, Son Excellence Monsieur Amadou Gon Coulibaly.

Et il n'y aura jamais pour moi d’honneur plus cruel que celui qui me porte en cet instant à célébrer sa mémoire.

Ce Mercredi 8 Juillet 2020, comme une onde de choc, l’annonce du décès de cet homme qui conduisait notre gouvernement, a fait vaciller la patrie toute entière. Elle a ébranlé nos âmes et nos cœurs, ceux des jeunes et des moins jeunes. Elle a fait résonner, dans le plus profond de notre pays, un même sentiment d'affliction par-delà toutes les ethnies, toutes les religions, toutes les sensibilités politiques. Comme une vague, cette peine immense a traversé nos villes et franchi nos frontières.

Ce Mercredi 8 Juillet 2020, comment, Excellence Monsieur le Président de la République, oui, comment aurions-nous pu imaginer que l'homme qui avait surmonté avec courage les épreuves imposées par son corps, l’homme qui avait reçu l’avis favorable de ses médecins pour rentrer et reprendre ses activités, l'homme qui arrivait tout juste sur ce sol qu'il chérissait tant, comment aurions-nous pu imaginer un seul instant que cet homme-là allait nous laisser orphelins et désemparés face à sa disparition si soudaine ?

Ce mercredi 8 juillet 2020, SEM Amadou Gon Coulibaly fut tel qu'il a toujours été.

Au conseil présidentiel, gai, taquin et content de se retrouver parmi nous. Puis au Conseil des Ministres, alerte, vif, précis, parcourant les sujets avec la même connaissance méticuleuse des dossiers que chacun de nous pouvait constater et admirer, avec ce mélange constant d'exigence intellectuelle et de patriotisme enraciné.

Ce mercredi 8 juillet 2020, SEM Amadou Gon Coulibaly est parti comme il a vécu.

Avec le courage et l'humilité sans bornes de ceux qui servent et n'aspirent à rien, de ceux qui n'ont d'autre but que d'accomplir sans faillir le rôle que la patrie et le destin ont déterminé pour eux.

Comme peu d'hommes que j'ai pu croiser, Amadou Gon Coulibaly incarnait les mots magnifiques d'Albert Camus :

« Le héros est celui qui fait non toujours ce qu’il veut, mais jusqu'au bout ce qu’il peut ».

Et il a véritablement donné, pour nous et pour la Côte d'Ivoire, le meilleur de lui-même, jusqu'à son dernier souffle, dont nul autour de cette table du Conseil des Ministres n'a hélas senti les moindres prémices.

Nous retiendrons toujours cette dernière phrase qu’il a prononcée et qui clôt habituellement ses propos lors du Conseil : « Monsieur le Président de la République, avec ce point, nous avons épuisé l’ordre du jour du Conseil des Ministres de ce jour, et aucun point divers ne m’a été signalé ». Ce furent-là, Monsieur le Président de la République, les dernières paroles de votre collaborateur, à la tâche jusqu’au bout.

Comme si sa force intérieure avait choisi de jeter un voile de pudeur sur les derniers instants d'une vie d'engagement total, laissant à Dieu, et à Dieu seul, le choix douloureux de le rappeler à lui.

Excellence Monsieur le Président de la République, je sais la douleur qui vous étreint, je mesure l'immensité de l'affliction qui vous touche.

Nous savons à quel point est terrible la perte de celui qui, tout au long de ces trois dernières décennies, par sa détermination et sa loyauté, est devenu plus qu’un collaborateur, plus qu’un proche, plus qu'un confident, un véritable fils, aimé, choyé et respecté comme tel, mis à l'épreuve et encouragé comme il se doit. Oui, nous savons à quel point cette perte vous bouleverse, car nul ni rien ne pourra jamais le remplacer.

Comment en effet oublier qu'Amadou eut le bonheur de croiser le chemin de votre vie, au moment même où son propre père, avant de s’éteindre, vous disait « Voici mon fils, je ne vous le confie pas, je vous le donne » ?

Comment oublier qu'Amadou y voyait une bénédiction infinie, de celles que la fortune choisit de placer sur le chemin des hommes voués à de grands desseins ?

Comment oublier que, le jour même de son retour quand il prit le temps de remercier chacun pour l’attention qu’il avait reçue pendant son séjour médical en France, Amadou Gon Coulibaly osa vaincre la pudeur d'une éducation qui lui interdisait d’exprimer publiquement ses sentiments, pour dire, se tournant vers vous, avec des mots si simples mais si poignants : « Monsieur le Président, je vous aime ».

Comme si c’était plus fort que lui, et qu’il lui fallait témoigner coûte que coûte, sans équivoque, pour une raison qu’il ignorait lui-même de cette relation d'une vie, à l’homme auquel il devait tout, à l’homme qui avait façonné son destin.

Nous tous qui le connaissions demeurions médusés face cette déclaration, qui rompait avec tous les codes de sa personnalité, sans saisir qu'à cet instant-là, son cœur venait de livrer un dernier secret, avant un départ que les mystères de son âme savaient proche.

C'était les mots d'un homme qui voyait en vous, Excellence Monsieur le Président de la République, un guide, un père, un repère, pour lequel il était prêt à tout endurer. Tout, y compris les critiques les plus infondées, à la seule condition qu'elles ne mettent jamais en cause la fonction, l'Etat et l'Homme que vous êtes, qui tous trois incarnaient ce qu'il y avait de plus noble et de plus sacré dans sa vie.

Madame la Première Dame, il était pour vous comme un fils. Très tôt, vous aviez perçu sa force intérieure et sa vive intelligence. Et au-delà, dans ce garçon pudique et discret, votre intuition maternelle naturelle a su déceler une sensibilité extrême, qui vous a rapprochés pour toujours. Il vous appelait "Grande Sœur" et osait confier à votre oreille attentive les carrefours déterminants de sa vie. Il vous manquera tant, il manquera tant à votre époux, il manquera tant à notre Nation.

Excellence, Mesdames, Messieurs,

Je souhaite, avec vous, me souvenir d'Amadou Gon Coulibaly.

De ses fulgurances intellectuelles, de l’autorité rayonnante avec laquelle il orchestrait nos débats, de sa gravité perfectionniste et de ses éclats légitimes pour nous pousser à nous dépasser.

Je veux me souvenir de l'extraordinaire intransigeance dont Amadou avait fait la règle de son comportement et de son travail. Conscient qu'il était, de l'impossibilité pour lui de faillir dans son auguste mission.

Comme le lion qu'il fut, Amadou était un homme à la noble fierté, orgueilleux pour son pays, incarnant une idée haute de la Politique, faite d’intégrité, de labeur, d'esprit de conquête et de passion patriotique.

Je veux me souvenir, Amadou, de ton rire. Ce rire si haut, si franc, qui ponctuait de façon permanente nos échanges, même sur les dossiers les plus techniques. De ces fous rires que nous avions lorsque affectueusement tu m’appelais par ce sobriquet, Achpat et auquel je répondais PM. Et j’ai souvent demandé à certains esprits qui voulaient à tout prix faire croire que tu étais froid, si nous parlions bien de la même personne, de mon Amadou, de mon PM. J’ai compris alors que ceux-ci ignoraient que chez toi, il y avait une différence sacrée à faire entre les nécessaires réserves que t’imposaient ta fonction et ta nature profonde.

Amadou, je veux enfin me souvenir d'un moment secret, me revoyant dans ton bureau, après une rencontre avec les Ministres Hamed BAKAYOKO et Adama BICTOGO, seuls à deux, quelques jours après la cérémonie de confirmation de ta candidature du 12 mars 2020, lorsque nous sommes tombés dans les bras l’un de l’autre, dans une longue étreinte, dans un temps suspendu, sans pouvoir nous détacher, partageant dans un silence éloquent et profond le même rêve d’une Côte d’Ivoire rayonnante, ce rêve que nous avions tant chéri, ce rêve que nous devions vivre ensemble... dans seulement quatre mois, et que le cruel destin dans une lâcheté incompréhensible a brisé.

Le rêve de cette Côte d'Ivoire rayonnante fut en effet le fil de sa vie.

Lui, le jeune et brillant élève des prestigieuses classes préparatoires du lycée Jean-Baptiste Say à Paris puis de l'Ecole des Travaux Publics de Paris, qui fit le choix de ne pas céder aux sirènes de l'Europe qui s'offraient à lui alors qu'il sortait du creuset même de l'élite française, pour préférer un retour dans sa Terre Natale, afin de contribuer à son développement. Il intègrera ainsi, en tant qu’ingénieur, le fleuron des Bureaux d’Etudes ivoiriens, la Direction Générale des Grands Travaux, avant de rejoindre en 1990 le Cabinet de Monsieur Alassane Ouattara, alors Premier Ministre de Côte d’ivoire.

Et déjà là, pointait sous l'armure du jeune haut-fonctionnaire brillant, la passion du développement de la Côte d'Ivoire, qu'il poursuivit comme Ministre de l’Agriculture de 2003 à 2010.

Cette passion de servir l’Etat l'habitait, le définissait mieux que toute autre. Il était en effet de cette espèce d'êtres devenue rare, qui par une morale altière, se comportent non en hommes de pouvoir, mais d'abord en hommes de devoir.

Car oui, le devoir d’agir pour son pays, là était l’obsession d'Amadou Gon Coulibaly. Partout où il fut en responsabilité, il entreprit, transforma et réforma avec succès.

Concepteur à ses côtés du Programme Présidentiel d'Urgence à l'Hôtel du Golf, je peux témoigner de sa nature exceptionnelle de développeur, tout à la fois analytique, rigoureux, extrêmement structuré, qui permit sous le leadership présidentiel de remettre debout une Nation qui sortait de crise, dans un calendrier que nul n'imaginait possible.

Comme Secrétaire Général de la Présidence de la République, il fut le chef d'orchestre intransigeant de votre vision, Excellence Monsieur le Président de la République, pour la reconstruction et l'émergence de notre pays.

Nommé Premier ministre en janvier 2017, il fit face avec stoïcisme, méthode et diplomatie aux divers mouvements de tensions qui traversaient alors le pays. Immédiatement, sa crédibilité et son écoute sincère des hommes et des situations, permirent aux équilibres de se renouer et à la paix sociale de revenir. Ce sont ces mêmes talents qui lui permirent quelques mois plus tard d’obtenir la reconnaissance des marchés internationaux, alors qu’il négociait avec des résultats exceptionnels l’émission du troisième Eurobond de la République de Côte d’Ivoire.

A toutes les rencontres que nous avons eues avec les investisseurs, à Londres, à New York, à Washington, il a émerveillé par son intelligence vive et sa combativité. Jusqu’au bout, pour son pays, il ne lâchait rien !!

Artisan des progrès de la Nation, Amadou Gon Coulibaly le fut encore avec le 1er puis le 2ème Plan National de Développement, qui posèrent les bases quasiment uniques au monde de la croissance de moyenne, de 8% par an pendant 8 ans que notre pays a connu.

L'ingénieur qu'il était savait à quel point l'énergie d'une Nation dépend de la vitalité des forces productives de son économie. C'est donc à lui que nous devons cette réforme majeure du Code des Investissements, qui a permis de démultiplier les flux de financement de notre secteur privé et d’accroitre l’offre d’emploi pour nos jeunes. Ces performances extraordinaires que le pays a réalisées ces dix dernières années avec le Président de la République, il en a pris une part déterminante.

Et si Amadou était un homme qui voulait porter la Côte d'Ivoire toujours plus haut, il sut aussi grâce à vous, Excellence Monsieur le Président de la République, que le cœur de sa mission était d'agir pour la protection et le progrès de nos populations, rendant toujours plus concret pour elles l'impact d'une croissance gagnée par le dur labeur de tout un pays.

C'est pour ces populations qu'il mit donc sur pied, après votre adresse à la Nation d'avril 2018, les 156 actions du Programme Social du Gouvernement, à l'utilité quotidienne si forte dans la santé, l'école, le logement, l’énergie, l’eau ou les transports.

Et c'est pour elles toujours, face à la pandémie de la COVID-19, qu'il bâtit avec sa rigueur habituelle le Plan de Riposte Sanitaire et de Soutien Economique, Social et Humanitaire, permettant à notre Nation de demeurer debout, soudée et résiliente.

AMADOU, à pas lents, ton altière silhouette s'éloigne désormais de nous.

Amadou, Notre compagnon de toujours, Notre frère, ton corps sera bientôt accompagné sur tes terres natales de Korhogo, ces terres de tes ancêtres que tu as tant chéries, ces terres où tu allais régulièrement puiser cette énergie lumineuse et cette inspiration féconde dans les sonorités mystiques de ton instrument préféré, le balafon, au son duquel tu aimais te laisser bercer et quelques rares fois esquisser même quelques pas.

Amadou, Notre compagnon de toujours, Notre frère, puisse le goût cruel d'inachevé que ton départ laisse aujourd'hui dans nos âmes se transformer demain, pour l'équipe dont tu étais le chef, le leader naturel et dont tu étais si fier, en une force inébranlable distillée en chacun de nous, avec pour objectif de pour poursuivre ton combat pour le développement de la Nation et pour le bien-être de chaque Ivoirien et de chaque Ivoirienne.

A nous désormais, dans le cadre de la vision Côte d’Ivoire 2030 que tu as impulsée, de faire vivre ton idéal : permettre aux Ivoiriens de rêver toujours plus grand, toujours plus beau, toujours plus haut, toujours plus loin !

Amadou, Notre compagnon de toujours, Notre frère, cette Côte d'Ivoire à laquelle tu as dédié ta vie, cette Côte d'Ivoire qui coulait dans tes veines avec la puissance d'un océan en tempête, cette Côte d'Ivoire nous oblige. Oui, elle nous oblige à regarder cette jeunesse ivoirienne que tu aimais tant et dont tu as su, en si peu de temps, mobiliser l’énergie vers un futur plein d’espérance et à prendre aujourd’hui, devant toi, cet engagement fort de lui dire: "Amadou nous observe, ne le décevons pas".

Amadou, Notre compagnon de toujours, Notre frère, aujourd'hui, sur cette esplanade et ce parvis du palais sur le perron duquel tu as été l’image visible de toutes les grandes décisions qui ont conduit à la renaissance prodigieuse de ce pays au cours des dix dernières années, dans ce cadre solennel où tu aimais tant ressentir tous les possibles de la Côte d'Ivoire, je veux te rendre l'hommage unanime de la Nation que tu as servie avec tant de noblesse et tant de dévouement.

A ta maman Hadja Fatoumata Gon Coulibaly, je voudrais dire « Sèche tes larmes maman, tu as donné à la Côte d’Ivoire un Grand Homme ».

A ton épouse Assétou, à tes enfants Feti, Petit Papa, Nabou, Noura, Ibou qui te pleurent ; A tes frères et sœurs et à la grande famille Gon Coulibaly dont la peine est infinie, je veux leur dire « séchez vos larmes » car après son arrière-grand-père, son grand-père et son père, Amadou a accompli sa mission. Il a porté encore plus haut sur cette terre des hommes le nom de votre illustre famille. Il mérite votre fierté perpétuelle.

Aux hautes personnalités venues de l’étranger, en particulier Son Excellence Monsieur Macky SALL, Président du Sénégal, Messieurs les Premiers Ministres des pays frères du Burkina Faso et du Niger, Son Excellence Monsieur Jean-Yves LE DRIAN représentant le Président Macron, Je voudrais au nom de Son Excellence Monsieur le Président de la République et de toute la nation entière vous traduire leur gratitude infinie pour votre présence.

A Ibrahim OUATTARA, Fidèle SARASSORO et Masséré TOURE-KONE, ta sœur MAS, tes complices et compagnons du palais, je veux vous dire que votre douleur est la nôtre. Amadou part, mais son aventure continue

Qu'il me soit ici permis enfin, au nom de l'ensemble des collaborateurs de la Présidence de la République et de tous ceux qui sont venus de si loin pour célébrer la mémoire de notre frère Amadou, de vous dire à toutes et tous notre affection éternelle, notre gratitude infinie et notre Yako le plus sincère.

Amadou, Notre compagnon de toujours, Notre frère, l’équipe que tu as laissé ici derrière toi, par ma voix, poursuivra unie et soudée ton œuvre, afin que tous ces efforts et tous ces sacrifices auxquels tu as consenti ne soient jamais vains.
  • Excellence Monsieur le Président de la République, Madame la Première Dame,
  • Mesdames, Messieurs,
Comme le disait si joliment Victor Hugo, nous dirons également pour Amadou : « Tu n’es plus la où tu étais, mais tu es désormais partout ou nous sommes. »

Oui Amadou n’est plus, mais son esprit en nous vivra et son sourire à jamais restera dans nos cœurs.

Pars Amadou, pars PM, pars en paix et que la Terre de tes ancêtres te soit légère.

Vive la République ! Vive la Côte d’Ivoire ! Je vous remercie.


Le 14/07/20 à 17:13
modifié 14/07/20 à 17:13