Energies : Bactéries et eaux présentes dans les carburants

Le carburant. (DR)
Le carburant. (DR)
Le carburant. (DR)

Energies : Bactéries et eaux présentes dans les carburants

Les bactéries sont des micro-organismes invisibles à l’œil nu en raison de leurs petites tailles. Elles vivent dans divers milieux physiques souterrains, aériens, aquatiques ainsi qu’en environnements biologiques ou chimiques.

Leur présence avérée dans les produits pétroliers, et notamment dans les carburants servis en stations-services, requiert d’en savoir davantage vu que certains d’entre nous sommes loin d’imaginer que des colonies bactériennes entières sont susceptibles de squatter nos réservoirs à carburants. Elles ne sont pas nécessairement toutes pathogènes. Sont-elles pour autant sans effet pour l’intégrité mécano-dynamique et la longévité de nos véhicules ? Quelles solutions sinon ?

La méconnaissance du mode d’apparition des « boues biologiques » d’origine bactérienne rencontrées dans les carburants donne souvent lieu hélas à la mise en cause des convoyeurs de camions citernes dont beaucoup ne comprennent d’ailleurs pas eux-mêmes pourquoi ni comment lesdites boues se retrouvent dans leur chargement soit de façon récurrente soit en des saisons bien précises de l’année.

Des consommateurs en pâtissent au final. Cela s’explique et des solutions existent fort heureusement. Conformément aux procédures de contrôle-qualité en vigueur, tout carburant routier (pour voitures, motos, etc.) ou non routier (pour tracteurs agricoles, grues, tondeuses, etc.) fait l’objet d’une série d’analyses et contre-contrôles certifiant qu’il est bien conforme pour la vente exclusive aux opérateurs agrémentés des diverses filières de distribution et commercialisation des produits pétroliers.

Il s’agit en effet de garantir qu’aux date et heure de sortie des dépôts pétroliers, lesdits produits hydrocarbonés satisfont à l’entièreté des spécifications physico-chimiques promulguées par décret et rendues publiques par nécessité de transparence à toutes fins utiles.

Pour le transport aérien par exemple, les consignes sont entre autres de disposer de carburéacteurs (carburants pour transport aérien) entièrement dépourvu d’eau libre. En cas de non-conformité toutefois, le kérosène jugé hors-spécification est soit retraité pour en améliorer la qualité soit déclassé en sous-produits vendus comme pétrole lampant, pétrole pour feu de cuisine, combustible de chauffage, etc.

Les raffineries pétrolières s’y tiennent scrupuleusement. La raison est qu’en haute altitude où règnent donc de très basses températures ambiantes, le froid provoque la démixtion de l’eau dissoute dans le carburéacteur. L’eau libre ainsi séparée se solidifie et se transforme en cristaux de glaces obstruant le système d’alimentation en carburant de l’avion en vol. Nous sommes donc rassurés par la nécessité sécuritaire d’absence d’eau dans les carburéacteurs.

En ce qui concerne le gasoil et l’essence à usages terrestres, la tenue au froid n’est pas problématique. Ainsi pourrions-nous relever quelques infimes traces d’eau dans ces carburants. Elles seront à des teneurs rigoureusement inférieures au taux maximal admissible garantissant qu’elles demeurent sans conséquences dommageables pour les circuits des pompes et les injecteurs de nos véhicules.

En présence d’eau toutefois, et sous certaines conditions particulières par ailleurs, des colonies bactériennes naissent et pullulent effectivement dans les cuves de stockage des stations-services ainsi que dans les réservoirs des engins à motorisations thermiques qui s’y approvisionnent en carburant. Ces micro-organismes se nourrissent essentiellement d’oxygène (O) et de carbone (C) : ils recueillent l’oxygène depuis les molécules d’eau (H2O) ; le carbone consommé provient quant à lui du carburant qui est en fait substantiellement constitué d’hydrocarbures riches en atomes carbone par définition.

Notons que lorsqu’un mélange d’eau et de carburant est laissé au repos, l’eau finit par se décanter par gravité et occuper, au bout d’un certain temps de séjour, la partie basse en fond de cuve. En effet, elle est beaucoup plus lourde qu’un carburant et de surcroît non miscible dans les hydrocarbures. De la séparation de l’eau et du carburant donc se crée une zone intermédiaire entre ces deux strates.

Pour alors accéder à la fois aux deux ressources essentielles pour leur survie (accès à l’oxygène (O) de l’eau et accès au carbone (C) du carburant), les bactéries se positionneront de préférence au niveau de cette région intermédiaire : entre donc la couche d’eau en-dessous et celle du carburant au-dessus. Elles y trouveront de bonnes conditions favorables à la prolifération rapide de leurs colonies.

En termes de pathogénicité néanmoins, la grande majorité des espèces bactériennes colonisant les carburants est peu encline à provoquer des contaminations donnant lieu à des maladies infectieuses. Mais en tant qu’êtres vivants à part entière, elles se nourrissent et émettent des germes fécaux et toutes sortes d’excréments et toxines qui se mêlent aux cadavres bactériens pour constituer des déchets corrosifs ainsi que des filaments d’apparence noirâtre s’associant aux cohortes de moisissures et de levures pour former des amas agglutineux visibles cette fois à l’œil nu : les fameuses « boues ».

Pour un avion, le bouchage des circuits d’alimentation en carburant par des boues de bactéries présentes dans le carburéacteur est inacceptable. Inacceptable non plus pour nos véhicules terrestres. Les additifs antibactériens injectés donc dans les cuves et réservoirs pour les détruire devront être capables de traverser toute la couche supérieure de carburant pour atteindre en profondeur la zone dite « interface eau-carburant » car c’est bien là que la concentration bactérienne est la plus dense.

Les stations-services sont autorisées à les utiliser en y rajoutant au besoin certains autres additifs homologués afin de marquer les spécificités de leurs produits vendus à la pompe. Mais en aucun cas, ces additivations ne donneront lieu à des effets synergiques dégradant les spécifications en vigueur. Il existe également des carburants spéciaux intrinsèquement bactéricides.

De par la nature même de leur composition chimique, ils le sont naturellement : cas par exemple des carburants dopés au MTBE (Méthyl Tert Butyl Ether), cas des bio-carburants riches en Ethanol, etc. L’alcool qu’ils contiennent détruit intégralement les bactéries tout comme le ferait une solution ou un gel hydro-alcoolique. C’est mêmement le cas pour certaines coupes de pétro-carburants à forte teneur en soufre (S).

Cet élément chimique a certes des propriétés bactéricides avérées. Paradoxalement, la tendance écoresponsable prônée de nos jours est plutôt en faveur d’une réduction significative de sa teneur et ce, en raison de son caractère polluant, toxique, corrosif et promoteur de particules fines. Il ne viendrait à l’esprit d’aucun raffineur de ramer en consigne inverse vers un retour à plus de soufre dans le gasoil par exemple, pour ne citer que ce cas, au moment où d’importants investissements sont déjà consentis en projets de modernisation pour au moins être à moins de 50 ppm de soufre au diesel. Et si l’on essayait alors de comprendre d’où vient cette eau nourricière de bactéries afin de la réduire ?

Conformément aux spécifications requises par décret, la teneur maximale en eau pour le gasoil moteur est de 0,05% en volume mesurable selon l’une ou l’autre des Normes T60-113 ou ISO 9029 contre 0,01% en volume pour le fuel oil 180 par exemple. Des laboratoires d’analyse étatiques ou privés commis aux contrôles de qualité et à la métrologie y veillent dans tous les cas. Il va sans dire que le consommateur final s’approvisionnant en station-service est donc logiquement en droit de s’attendre à un produit de qualité et surtout exempté d’eau au-delà des teneurs admises.

Sachant en outre que le « gavage des cuves de stockage », c’est-à-dire le rajout volontaire d’eau pour « couper » le carburant, est une fraude répréhensible à laquelle aucune station-service ne s’y prête, à l’exception de certains revendeurs ambulants de carburants frelatés jonchant les bordures de routes, limitons-nous à présent décrire sommairement deux scénarii d’infiltration d’eau possibles.

Lorsqu’il fait chaud, les enceintes closes exposées au soleil ont tendance à entrer en surpression du fait de la « tension de vapeur » des produits stockés. A travers donc les conduits de leurs évents d’aération débouchant à l’atmosphère, elles rejettent des vapeurs d’hydrocarbures légers dans l’air environnant : elles sont dites « en phase d’expiration », une situation à risque susceptible de constituer une atmosphère explosible si ledit évent n’est pas orienté en un lieu sûr éloigné de tout point chaud.

En revanche, lorsque l’air extérieur se refroidit, les enceintes basculent en « phase d’inspiration ». Dans ce cas inverse, l’air ambiant est aspiré de l’extérieur vers l’intérieur des cuves entrées en dépression atmosphérique. Cela s’observe quelques fois la nuit et lors des chutes de températures occasionnant de la brume, des embruns humides ou la présence d’air ambiant est de plus en plus frais. En second exemple, voyons le cas des cuves souterraines enterrées à l’abri du soleil dans les stations-services.

Les deux phénomènes d’expiration et d’inspiration ci-dessus constatés s’y produisent. Sauf qu’en plus, une intrusion d’air humide supplémentaire a lieu chaque fois qu’un usager est servi. En pratique, quand la pompe en service aspire du carburant pour le servir au client, cette succion se traduit par une mise en dépression de la cuve de stockage. Celle-ci aspire à son tour l’air extérieur par « tirage induit » à travers son évent d’aération disposé à l’atmosphérique.

Pour des questions de sécurité, certaines stations-services s’interdisent l’admission d’air dans leurs enceintes enterrées car nous savons bien que tout mélange d’air et de vapeur de carburant est potentiellement explosible. Les plus modernes sont dotées d’un système de « Blanketing à l’Azote (N) », un gaz inerte empêchant la constitution d’atmosphères explosibles susceptibles de donner lieu à un départ de feu. Dans cette configuration, les cuves souterraines sont isolées de l’air ambiant. D’autres stations-services optent pour l’installation de « Packs déshumidifiant au Silicagel » montés au nez des évents reniflards.

En saison des pluies, l’abondance des précipitations favorise une atmosphère ambiante dont « l’Humidité Relative (HR) » est à des taux élevés pouvant atteindre 100% d’humidité dans l’air. Cela n’est pas systématiquement synonyme d’entrainement d’eau dans les cuves enterrées de nos stations-services. Il suffit pour ce faire que les mesures barrières idoines y soient efficacement implémentées. Quelques conseils d’usages tout de même ? Voyons-en d’eux parmi la pléthore de conseils possibles. Lorsque vous devez vous absenter pour une longue période et que votre véhicule immobilisé contient du carburant resté dans le réservoir, pensez à votre retour à y injecter un bactéricide pour dissoudre les boues avant la remise en circulation de votre voiture.

N’oubliez pas cependant que certains carburants additivés « n’aiment pas » les longues périodes de stockage car en s’oxydant ils s’acidifient. Enfin en saison des pluies, ayons en esprit de purger de temps en temps notre filtre décanteur pour évacuer toute présence d’eau et ménager notre système de filtration. Certains moteurs diesel, même d’occasion, en sont équipés d’origine. Prière contrôler leur fonctionnalité et les remplacer au besoin.

SERGE PARFAIT DIOMAN

Expert International en Industries Oil & Gas et Energies