Acquittement de Gbagbo et Blé Goudé à la Cpi: Les trois grands griefs que fait Fatou Bensouda aux juges

La procureure de la Cpi Fatou Bensouda
La procureure de la Cpi Fatou Bensouda
La procureure de la Cpi Fatou Bensouda

Acquittement de Gbagbo et Blé Goudé à la Cpi: Les trois grands griefs que fait Fatou Bensouda aux juges

Le 22/06/20 à 18:14
modifié 22/06/20 à 18:14
La Cpi poursuit aujourd’hui l’examen des observations orales dans l’appel contre l’acquittement de l’ex-président Laurent Gbagbo et de l’ex-leader des jeunes « patriotes » Charles Blé Goudé. Cette reprise du procès est prévue pour s’achever demain.
Rendu le 15 janvier 2019 par la chambre de première instance I, l'acquittement a fait l’objet d’un appel de la part de la procureure Fatou Bensouda qui dénonce un jugement entaché « d’erreurs de droit ».
Les juges de première instance ont-t-ils commis une erreur de droit en acquittant MM Gbagbo et Blé Goudé ? Pour l’accusation, c’est oui. D’abord, elle reproche aux juges d’avoir examiné les preuves de l’accusation avec des procédés différents.
« Il semble que les juges de la majorité ont utilisé des normes de la preuve différente (...) C’est comme si quelqu’un souhaite vous conduire sur une autoroute où il y a beaucoup de circulation. Cette personne ne peut pas voir bien. Donc elle utilise une pair de lunette avec le côté droit adapté à la myopie et le côté gauche adapté à la presbytie. C’est là que réside l’impact des erreurs des juges de la majorité », a tancé l’accusation.
« C’est une façon de mettre la charrue avant les bœufs. Car, on ne peut pas déterminer qu’il n’y a pas de preuves à la fin de la présentation des moyens à charges, sans d’abord préciser quelle norme de la preuve s’applique », a-t-elle poursuivi.
Ensuite, il est reproché à cette décision d’acquittement de violer l’article 74-5 des statuts de Rome. Cet article oblige la chambre de première instance à « fonder sa décision sur son appréciation des preuves et sur l'ensemble des procédures ». Dans cet esprit, l’acquittement doit consacrer un verdict final. Ce qui ne serait pas le cas.
Enfin, la chambre de première Instance de la Cpi est accusée de n’avoir pas produit de « motivation complète » pour justifier l’acquittement du 15 janvier 2019.
« Des larges pans du raisonnement n’ont été rédigés qu’après l’acquittement des accusés », dénonce le conseil de la procureure Fatou Bensouda. En effet, c’est seulement en juillet 2019, soit six mois plus tard après l’acquittement, que les juges ont déposé un exposé détaillé écrit des motivations de leur jugement.
Un jugement qui, pour la représentante des victimes Massida Paolina, est d’ailleurs un « déni des souffrances des victimes » parce qu’il « n’est pas cohérent avec les droits humains internationalement reconnus ».

Sans surprise, la défense a hardiment tenté d’invalider les arguments de l’accusation. « La procureure n’a pas été à mesure de démontrer l’existence des charges alléguées (...) Elle a eu la plus grande marge de manœuvre et la plus grande liberté pour présenter son dossier comme elle l’entendait », a estimé Dov Jacob’s, l’un des avocats de Gbagbo.

Dov Jacob’s réfute l’argument de la représentante des victimes disant qu’elle n’a pas eu le temps d’interroger les victimes. Pour lui, Me Massida Paolina a plutôt renoncé à interroger les victimes.
Si la défense semble reconnaître qu’il n’y a pas de disposition des statuts de Rome applicable de manière claire et automatique à la situation d’un accusé acquitté et dont le procès se poursuit, elle trouve « logique » néanmoins qu’une personne acquittée soit mise hors de cause et libérée définitivement.
Deux hypothèses s'affrontent. Soit l’acquittement est confirmé en appel. Alors les deux accusés sont définitivement libérés et les charges abandonnées. Soit, les griefs de Fatou Bensouda aboutissent. Et alors, une reprise du procès est passible contre MM Gbagbo et Blé Goudé. Ceux-ci sont accusés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité dans ce procès ouvert en 2014, après la crise post-électorale de 2010-2011 qui a causé plus de 3000 morts en Côte d’Ivoire.
Blé Goudé était présent à l’audience d’hier. Laurent Gbagbo y a pris part par visioconférence.L’ audience s’est ainsi déroulée, en partie, virtuellement, en raison de la situation de crise sanitaire causée par la pandémie du Coronavirus.


Le 22/06/20 à 18:14
modifié 22/06/20 à 18:14