Ouattara Karim (Dg du Burida) :« Les frais du Burida doivent désormais être un chapitre du budget de toutes les cérémonies »

Ouattara Karim, le nouveau Dg de la maison des artistes fait le grand déballage (DR)
Ouattara Karim, le nouveau Dg de la maison des artistes fait le grand déballage (DR)
Ouattara Karim, le nouveau Dg de la maison des artistes fait le grand déballage (DR)

Ouattara Karim (Dg du Burida) :« Les frais du Burida doivent désormais être un chapitre du budget de toutes les cérémonies »

Cela fait trois mois que vous avez pris fonction en qualité de Directeur général du Bureau ivoirien du droit d’auteur. Quel est l’état des lieux ?

Il faut dire que le Burida ne se portait pas bien, parce qu’il y avait une crise entre les artistes eux-mêmes, entre les artistes et l’ex-direction générale, entre les artistes et l’Etat et même entre les artistes et la population. Mais Dieu merci, je suis arrivé à un moment où l’accalmie commençait à venir et aujourd’hui elle est totale grâce aux actions de médiation que l’ex-ministre de la Culture et de la Francophonie, Maurice Bandaman, avait initiées. Je jouis donc des fruits de ce travail qui a été fait et je puis vous dire aujourd’hui qu’il fait bon vivre au Burida. Mieux, la nouvelle ministre de la Culture, madame Raymonde Goudou, qui est très disponible et soucieuse du bien-être des artistes, nous a accordé sa confiance afin que nous puissions travailler en toute transparence dans la droite ligne de notre vision que nous lui avons exposée.

Comment se décline cette vision ?

Cette vision est traduite dans notre plan d’action stratégique qui s’articule autour de trois grands axes majeurs, notamment la modernisation de nos outils et nos procédures, la gouvernance, l’élargissement de l’assiette de perception en vue d’accroître le niveau des revenus et enfin une stratégie pour le personnel du Burida qui va permettre de mettre en place des mécanismes de performance et de motivation afin d’amener les agents à atteindre nos objectifs qui sont fixés pour cette année 2020 à 6 milliards de perception prévue. Nous aurons certainement l’occasion de parler un peu plus en profondeur de cette stratégie à un prochain rendez-vous.

Des voix se sont élevées pour décrier une mauvaise gestion du don de l’Etat en soutien aux artistes dans cette période difficile de pandémie du coronavirus. Pouvez-vous nous éclairer sur la répartition de cette aide.

La ministre de la Culture et de la Francophonie l’a exprimé clairement, le jour où elle faisait le don de 70 millions de Fcfa en vivres et non vivres aux artistes. Elle a informé l’opinion qu’elle avait instruit le directeur général du Burida de procéder à une répartition anticipée des droits collectés par le Burida au cours de l’année 2019, à hauteur de 500 millions de Fcfa. Nous n’avons donc fait qu’appliquer l’instruction de madame la ministre. Ces droits collectés dans les espaces publics ont donc été répartis et reversés aux artistes qui, sur cette période (2019), ont régulièrement joué dans ces espaces. Malheureusement, il y a eu des incompréhensions, mais qui se sont très vite dissipées. Voilà ainsi résumé les faits tels qu’ils se sont passés.

La pandémie perdure, les artistes sont de plus en plus en difficulté du fait de l’arrêt de leurs activités. Que fait actuellement concrètement le Burida pour leur venir en aide ?

Nous avons initié un certain nombre d’actions auprès de nos partenaires. En premier, auprès de l’Etat à qui nous avons demandé de nous aider à limiter les effets collatéraux de la pandémie du coronavirus sur les artistes. L’Etat fait déjà énormément pour les Ivoiriens, mais nous avons demandé qu’il se penche tout particulièrement sur ceux-là mêmes qui sont les ambassadeurs de la culture ivoirienne à travers le monde.

Quel est le contenu de cette démarche auprès de l’Etat

Dans la dynamique de la solidarité de l’Etat, caractérisée par la mise en place des fonds d’aide aux Grandes entreprises (Ge), aux Petites et moyennes entreprises (Pme), au secteur informel et le Fonds d’action humanitaire, nous avons saisi ces différents fonds aux fins de permettre aux artistes qui rentreraient dans les critères d’être pris en compte et de bénéficier d’une aide afin de juguler cette crise sanitaire qui impose que chacun de nous s’implique dans la lutte. Et pour jouer notre partition, nous avons demandé au Conseil de gestion de s’impliquer dans la communication pour aider l’Etat dans la lutte contre la propagation de la Covid-19. Je pense que les artistes jouent bien leur rôle dans la sensibilisation. Il n’y a donc pas de raison que l’Etat n’entende pas leur cri de détresse. D’ailleurs, madame la ministre est à pied d’œuvre auprès de ces homologues et collègues pour que la cause des artistes soit défendue.

Avez-vous déjà partagé cette vision avec les artistes qui pour l’instant ont l’impression que rien ne bouge en leur faveur ?

Effectivement, nous avons sensibilisé les artistes à notre plan stratégique. La survenue de la pandémie nous a même amené à mettre en place un plan d’action stratégique de maîtrise des risques liés à la Covid-19 que nous avons communiqué aux artistes. Dans le mois de juillet, nous allons investir la Côte d’Ivoire entière pour contractualiser tous les utilisateurs des œuvres de l’esprit afin d’accroître l’assiette, donc le revenu, pour permettre aux artistes de mieux vivre de leur art. Pour toujours soutenir les artistes, nous allons procéder en ce mois de juin à une répartition des droits déjà recouvrés en 2020. C’est dire que nous travaillons pour soutenir les artistes, sans compter les aides sociales en cours pour aider ceux qui sont dans le dénuement total et déjà, des enveloppes ont été consenties à cela.

Pour parler justement de l’élargissement des assiettes, vous avez demandé désormais que l’organisation d’un baptême, un anniversaire ou un mariage soit soumise au payement d’un droit au Burida.

Effectivement. Ce sont des droits d’auteur qui existent depuis toujours. Les populations savent qu’il est déjà arrivé que des agents du Burida arrêtent un mariage pour non payement de droit. Nous n’avons fait que rendre publique l’information et certaines personnes qui n’ont certainement pas compris le fondement juridique de notre action pensent que c’est un droit de trop. Or, il n’en est rien. La loi 2016-555 du 26 juin 2016 indique clairement dans ses articles 13 à 19 que l’artiste, lorsqu’il créé, a le droit d’autoriser qui il veut d’utiliser son œuvre. Avant donc d’utiliser une œuvre, il faut en avoir le droit consenti par l’auteur. Et ces auteurs, dans l’impossibilité d’octroyer des autorisations individuelles, confient à la société de gestion collective qu’ils ont créée, la mission d’autoriser l’exploitation publique de leurs œuvres et de collecter et de percevoir la contrepartie financière de cette exploitation. Nous ne faisons donc que faire respecter un droit inaliénable pour l’artiste.

Pourquoi maintenant, alors que vous dites que la loi existe depuis toujours ?

Nous avons estimé qu’il fallait sensibiliser l’opinion à la situation économique et financière des artistes, en prenant à témoin la loi qui demande aux populations de venir aider les artistes qui sont de plus en plus nombreux dans le mouroir où ils sont relégués. Du 01 janvier au 30 mai 2020, nous avons perdu 12 artistes. C’est énorme en 5 mois. Ceux qui sont dans des situations de santé lamentables sont nombreux et connus. Doit-on les regarder mourir, alors que chaque jour nous utilisons leurs œuvres pour des fêtes, baptêmes, mariages, anniversaires et autres, sans payer ce qui va de droit à l’artiste ? C’est donc pour amener les populations à soutenir leurs artistes que nous avons rendu publique cette information afin de sensibiliser les populations à la nécessité de s’acquitter de leurs obligations pour la survie de leurs artistes préférés.

Qu’en est-il des tarifs indiqués ?

Le règlement des répartitions indique que pour les activités où la musique joue un rôle prépondérant, la redevance est de 8 à 10% du chiffre d’affaires. Donc, pour un baptême, un anniversaire ou un mariage, la redevance s’élève de 8 à 10% du budget alloué à la cérémonie. Nous avons fait fi de cette réglementation pour apporter une réponse forfaitaire afin d’amener les populations à prendre conscience que quand on utilise de manière publique une œuvre de l’esprit, on doit s’acquitter d’une redevance. Pour le mariage, on loue une salle, des voitures. On achète un gâteau, des robes et des costumes. On loue une voiture, une sono. Quand vous avez toutes ces commodités et qu’il n’y a pas de musique, est-ce que votre fête peut avoir lieu ? Mais cette musique, elle appartient à un auteur. C’est pourquoi nous avons mis en place ces tarifs forfaitaires de 5000 pour un baptême ou anniversaire, 30 000 Fcfa pour un mariage et 20 000 Fcfa pour un mariage à l’intérieur. En agissant ainsi sur un mobile money, les populations vont contribuer à restaurer l’image de nos artistes, leurs idoles. Car en plus de payer la redevance, elles pourront indiquer la liste des artistes qui seront joués et même le plus joué lors de la cérémonie. Cela aura pour avantage de permettre à ces artistes-là de percevoir effectivement leur droit. En allant sur ce schéma, nous pensons que tout ce que nous allons pouvoir récolter comme droits pourra nous permettre de réaliser de grands projets sociaux pour les artistes.

Cas pratique monsieur le Dg. Dans le cas d’un mariage, qui paye la redevance ?

C’est vous le marié qui payez la redevance, car c’est vous qui organisez. C’est vous qui partez à la mairie pour payer les frais de mariage, c’est vous qui louez la salle, c’est vous qui payez le gâteau, c’est vous qui louez la sono. Désormais

donc, les frais du Burida deviennent un chapitre du budget de l’organisation d’un mariage. En cas de non-respect des prescriptions, la loi a prévu un certain nombre de sanctions. Mais pour l’heure, nous sommes à la phase de sensibilisation et nous pensons devoir compter sur la bonne compréhension, l’esprit de solidarité des populations, leur amour pour les artistes pour ne pas qu’on en arrive aux sanctions.

Quelles sont, pour l’heure, les perspectives du Directeur général du Burida ?

A court terme, il faut accroître le portefeuille d’utilisateur du Burida. Nous sommes à 13 000 utilisateurs là où les experts estiment à 100 000. Nous avons un grand travail à faire pour cette année : atteindre les 50 000 utilisateurs. C’est la raison pour laquelle nous comptons investir tout le pays au mois de juillet pour une grande opération de recensement, en espérant bien sûr que les signaux de la pandémie du coronavirus soient au vert. Nous sommes également en train d’informatiser tous nos processus au Burida, le cahier des charges est pratiquement bouclé et nous avons demandé à la Direction des marchés publics de nous accompagner dans la finalisation de ce cahier des charges et dans l’organisation de l’appel d’offres pour une question de transparence. Nous sommes aussi en contact avec un cabinet qui viendra implémenter un système de management de la qualité afin de crédibiliser nos différents procédures et processus. Le Conseil de gestion est en train de travailler sur tout le schéma qui peut permettre au Burida d’être une maison moderne. Le plan d’action stratégique que nous allons proposer a 53 actions concrètes à mener sur les quatre axes majeurs. Nous pensons que d’ici peu, les effets d’une nouvelle gouvernance se feront fortement ressentir par les artistes. Ensemble, nous aurons une Burida moderne tournée résolument vers la satisfaction de nos employeurs

INTERVIEW REALISEE PAR SERGES N’GUESSANT