Dr Léa Silué/Santé publique France: « Je suis très fière de la gestion de cette crise par nos autorités »

Dr Lea Silué (Santé publique France). (Dr)
Dr Lea Silué (Santé publique France). (Dr)
Dr Lea Silué (Santé publique France). (Dr)

Dr Léa Silué/Santé publique France: « Je suis très fière de la gestion de cette crise par nos autorités »

Le 19/05/20 à 21:44
modifié 19/05/20 à 21:44
Docteur, quel était, en termes de chiffres, la situation du covid 19 en France au moment où le pays entrait en confinement ?

La France est rentrée en confinement de façon officielle le 17 mars à midi. Cette décision a été prise à la suite du point national du 15 mars, qui mentionnait un dédoublement du nombre de nouveau cas entre le 13 et le 15 mars, témoignant ainsi une intensification de la transmission sur le pays. On notait 6 378 cas confirmés sur l’ensemble du territoire, dont 285 (4,5 %) étaient pris en charge dans un service de réanimation et 161 (2,5 %) décédés.

De façon scientifique, le taux de contamination appelé R0 était à 3 selon les études. Ce qui veut dire qu’un malade du COVID-19, pouvait contaminer 3 personnes. Par ailleurs, on notait du 15 au 16 mars, 1210 nouveaux cas.

L’objectif principal du confinement était de diminuer ce R0, et donc réduire le taux de contamination.

Quel était le point le 10 mai c'est à dire à la veille du déconfinement ?

Le 10 mai, l’impact massif du confinement en France a permis d’obtenir une réduction d’environ 77% le taux de transmission R0, qui est passé de 3 à 0,5. D’une personne qui contaminait 3 personnes à la fois, il nous faut désormais 2 personnes pour contaminer 1 personne.

En termes de nouveaux cas, on est passé de 1210 nouveau cas du 16 mars, à 665 le 09 mai. Notre objectif est atteint et le déconfinement pouvait se faire.

Comment vous expliquez les allégements alors que le virus est plus actif ?

Pendant le confinement, nous avons revu tout d’abord, notre dispositif de lutte, de riposte épidémiologique. Désormais, ce dispositif est stratifié en 3 niveaux avec 2 nouveaux acteurs. En première ligne, les médecins généralistes, qui reçoivent et font le contact tracing familial, en 2e niveau, les acteurs de l’assurance maladie qui font le contact tracing en population générale, c’est-à-dire, rechercher les contacts en dehors de la famille.

Le troisième niveau qui est l’investigation des clusters (cas groupés) est assuré par les agences régionales de la santé avec Santé publique France en expertise.

Partant de ce principe, nous espérons maintenir le taux de contamination à une valeur inférieure ou égale à 1.

Parallèlement, une grosse communication est faite avec un partage massif de masques à la population. Le port de masque est obligatoire dans le transport en commun. Il faut noter que le transport en commun, tel qu’organisé en Europe, a largement participé à la diffusion du virus.

Pour répondre à la question, en dehors de la reprise économique avec la reprise de certaines activités, les mesures sont toujours en vigueur et très bien respectées. La population est très sensibilisée. La semaine passée, j’ai passé tout mon temps à organiser la conduite à tenir en milieu scolaire dans la région parisienne. Ce qui soulage beaucoup les acteurs, le fait de les accompagner.

On constate que dans le monde entier, l'heure est aux allégements...

Oui, c’est vrai que cela est dû, pour la plupart, à l’obtention des résultats recherchés c’est-à-dire, la maitrise des indicateurs, mais aussi le coût économique qui pèse lourd. Le confinement total est très coûteux, il ne faut pas l’oublier. Je pense que c’est ce qui explique l’allègement au niveau mondial.

La Côte d'Ivoire dans ce contexte mondial, a aussi levé des mesures de restriction, votre commentaire.

Tout a d’abord, je voudrais profiter pour saluer l’adhésion de la population ivoirienne à toutes ces mesures. Je suis aussi très fière de la gestion de cette crise par nos autorités et particulièrement, le ministre de la santé. C’est avec une grande fierté et confiance quand je réponds aux autorités française sur les questions sanitaires de mon pays (Ebola et maintenant COVID-19). Je suis cette crise avec le groupe WhatsApp de ma promotion en médecine (Label 38), dont certains sont directement impliqués dans la gestion au pays. Nous échangeons à tout moment. Je tenais à les remercier pour le travail qu’ils font.

Vous savez, en termes de santé publique, épargner la vie d’une personne est un gain énorme. Nous avons déjà pas mal de maladies meurtrières et ne souhaitons pas en rajouter.

Il faut mettre des règles strictes en place dans nos pays si on ne peut pas se passer de l’ouverture des frontières. Je félicite par ailleurs les mesures mises en place au Benin pour toute personne qui souhaite voyager dans ce pays. Cela amènera à une prise de conscience pour les voyageurs.

Vous qui êtes au cœur du dispositif de lutte français, que pensez-vous de la phrase "on devra apprendre à vivre avec le virus'' ?

(Rire). Cela veut dire qu’on s’est rendu compte de l’évidence; on peut maitriser la circulation du virus mais on ne peut pas le supprimer, du moins pas maintenant. Pour contrôler cette épidémie de COVID-19, deux situations sont possibles :
une immunité collective de la population au moins à 65%, la France est à 4,4%,
ou un vaccin.

Il est donc indispensable, en France, de maintenir les mesures de contrôle pour éviter une 2e vague.

Les chances d'un vaccin ?

Pour le vaccin, nous sommes à environ 150 candidats pour le vaccin.

Selon le directeur général du groupe pharmaceutique suisse Novartis, aucun vaccin ciblant le Covid-19 ne pourra être utilisé à grande échelle avant au moins deux ans, dans un article publié le 15 mai.


Le 19/05/20 à 21:44
modifié 19/05/20 à 21:44