Faman Touré (président de la Chambre de commerce et d'industrie de Côte d'Ivoire): ‘’Notre souci est d’accompagner l’Etat à maintenir les emplois’’

Faman Touré, président de la Chambre de commerce et d'industrie de Côte d'Ivoire. (Photo: Dr)
Faman Touré, président de la Chambre de commerce et d'industrie de Côte d'Ivoire. (Photo: Dr)
Faman Touré, président de la Chambre de commerce et d'industrie de Côte d'Ivoire. (Photo: Dr)

Faman Touré (président de la Chambre de commerce et d'industrie de Côte d'Ivoire): ‘’Notre souci est d’accompagner l’Etat à maintenir les emplois’’

Le 09/05/20 à 19:57
modifié 09/05/20 à 19:57
Les Petites et moyennes entreprises (Pme), fortement impactées par la crise, fondent beaucoup d’espoir sur les fonds de soutien et de garantie créés par le gouvernement, soutient le patron de l’institution consulaire dans cette interview.
M. le président, pouvez-vous nous présenter les effets de la pandémie du Covid-19 sur la situation globale des entreprises et industries en Côte d’Ivoire ?

Permettez-moi tout d’abord de rappeler que l’économie ivoirienne à l’instar de celle du monde entier subit de plein fouet les conséquences de la maladie à Coronavirus, le Covid-19. Les prévisions de croissance du Pib pour l’année 2020 initialement annoncée par le Gouvernement sont réduites de moitié dans une hypothèse optimiste où la crise prenait fin au mois de juin, passant de 7,2% à 3,6%. Le Fmi pour sa part projette à fin 2020 un taux de croissance de 2,7% situant notre économie au rang des plus résilientes en Afrique Subsaharienne.

Ceci étant, je dirai que le secteur privé est directement et fortement impacté par les effets des mesures sanitaires et sécuritaires prises par le gouvernement pour faire face à cette crise sanitaire. Il s’agit entre autres de l’instauration du couvre-feu sur l’étendue du territoire national, la fermeture des frontières aériennes, maritimes et terrestres, le confinement partiel des populations du Grand Abidjan et la limitation drastique des déplacements entre Abidjan et les autres régions de l’intérieur du pays ;la réduction des horaires de travail ;la fermeture des écoles primaires, secondaires et supérieures, etc.

Les secteurs économiques sont diversement impactés. Certains secteurs sont quasiment à l’arrêt notamment : le tourisme, l’hôtellerie, la restauration, l’éducation, le transport aérien et les services associés, l’immobilier, l’événementiel et l’industrie culturelle. Plusieurs autres secteurs font face aussi à une baisse relativement élevée de la demande, tels que les hydrocarbures, le commerce intérieur et extérieur en dehors de la grande distribution, les transports, les industries fournissant des services aux entreprises, les brasseries, l’agroalimentaire, etc.

Le secteur industriel est diversement touché avec en général des pertes sèches de marché au niveau national et international, des difficultés d’approvisionnement en matières premières locales et importées, le renchérissement des coûts des intrants, la recherche de matière première de substitution, la réduction du temps de travail, etc.

Quoique nous notons que l’impact pourrait être modéré voire minime dans certains secteurs ou sous- secteurs de l’industrie plastique, de la production de produits d’hygiène, etc.

Les PME du fait de leur fragilité paient un lourd tribut. Plusieurs parmi elles, il faut le dire auront beaucoup de mal à survivre d’où l’espoir que nous plaçons dans la mise en œuvre du dispositif de soutien mis en place par le Gouvernement, avec les fonds de soutien.

Les situations que nous venons de décrire ont finalement créé :des pertes sèches de marchés, de Chiffre d’Affaires et d’exploitation du fait du ralentissement et de l’arrêt brutal des activités ;des difficultés de trésorerie et de financement ;des difficultés d’approvisionnement et même d’organisation de la distribution des produits fabriqués ;des plans de réduction des effectifs dans les entreprises, voire de libération du personnel avec ou sans salaire ;l’absence de visibilité sur les perspectives économiques.

Quelles sont les menaces réelles que cette situation fait peser sur le secteur privé et l’économie ivoirienne ?

Au niveau de l’économie ivoirienne, le gouvernement a indiqué une baisse de la croissance. La Côte d’Ivoire connaîtrait une croissance de 3,6% contre 7,2% initialement prévue pour 2020 comme je l’ai déjà indiqué plus haut.

L’Etat dans cette situation de crise est obligé de réorienter ses ressources pour contenir les besoins urgents et faire face à la crise. C’est un plan global de 1700 milliards de FCFA qu’il va falloir mobiliser, et cela aura forcément des conséquences sur les investissements productifs, sur les finances publiques, sur la commande publique, le paiement de la dette intérieure et cela va se ressentir durement sur le secteur privé malgré les mesures d’atténuation.

Au niveau du secteur privé, il est à craindre la fermeture d’entreprises si des plans de soutien vigoureux ne sont pas mis en œuvre. Certaines connaitront la faillite et ne pourront pas reprendre leurs activités à la fin de la crise.

Les difficultés des entreprises vont ensuite déteindre sur la situation sociale à cause des licenciements, des mises en chômage technique et la perte de revenu des ménages.

Au niveau social, on ne peut jamais maitriser entièrement la proportion que peut prendre une crise.

Que pouvez-vous nous dire sur le cas spécifique des PME ? Comment sont-elles frappées par cette crise sanitaire ?

D’une manière générale et pour leur faible structuration, les PME résistent peu aux chocs économiques de cette nature.

En effet, les PME présentent des faiblesses au niveau de leur structuration, de leur organisation et de leur capacité en termes de management, de qualification du personnel et de leur capacité financière. Elles constituent compte tenu de leur vulnérabilité le maillon faible

N’oublions pas que des milliers de PME ont pour principal client l’Etat, il est clair que les problèmes de l’Etat tels que nous les décrivions auront un impact sur leurs activités. En outre quand vous observez des secteurs comme l’hôtellerie et la restauration qui sont quasiment à l’arrêt, vous y trouviez plus de 90% des acteurs qui sont des PME. Sans compter les secteurs de l’Education-Formation et surtout les BTP qui regorgent en leur sein de solides PME.

A combien pouvez-vous chiffrer les dommages et pertes occasionnés par la pandémie du Covid-19 sur les entreprises et industriels en Côte d’Ivoire ?

A ce jour, il est difficile de faire une évaluation absolue de l’impact de la crise tant qu’un recensement exhaustif n’a pas encore été établi. Différents comités sont mis en place et travaillent pour l’opérationnalisation de ces mesures. Nous savons que certaines mesures sont déjà appliquées.

Au plan fiscal, nous notons la mise en application des mesures édictées par le gouvernement, notamment : 3 mois de suspension des contrôles fiscaux, 3 mois de report du paiement des taxes forfaitaires, 3 mois de différé du paiement des impôts, taxes, versements assimilés et charges sociales, etc.

Au plan social, le gouvernement a signé un accord avec les partenaires sociaux et un fonds de solidarité d’un montant de 170 milliards de FCFA pour les populations les plus vulnérables est en cours d’exécution.

Au plan économique, le Fonds de Soutien aux PME, d’un montant de 150 milliards FCFA et le fonds de Soutien aux Grandes Entreprises, doté d’un montant de 100 milliards de FCFA initialement approvisionnés, respectivement de 40 et 30 milliards de F CFA. Le process de mise en place du dispositif opérationnel des différents fonds devra notamment comprendre les organisations faitières concernées, la Société Financière Internationale (Sfi) et un Cabinet privé en cours de recrutement.

Au niveau de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Côte d’Ivoire, nous avons entrepris des évaluations à travers nos enquêtes qui nous ont permis d’enregistrer des estimations par comparaison entre les réalisations de 2020 par rapport à la même période en 2019. Il s’établit les résultats suivants :

Il en ressort qu’il y a des secteurs qui sont quasiment à l’arrêt avec une baisse d’activité de plus de 95% voire 100%. C’est le cas de l’hôtellerie, le transport aérien, les agences de voyages, la restauration, les activités culturelles, les foires et salons, les expositions, etc.

Tous les autres secteurs sont touchés sans exception. Même ceux pour qui on penserait à une augmentation du chiffre d’affaires parce qu’offrant des produits ou services utilisés pour la mise en œuvre des mesures barrières. Ces dernières entreprises font face à des pénuries de matière premières ou à l’enchérissement de leurs coûts.

Il apparait qu’en plus, 92% des entreprises déclarent ne pas avoir de visibilité sur l’avenir.

Pour y faire face, le Gouvernement ivoirien a pris un certain nombre de mesures pour soulager les entreprises en difficulté. Quelles analyses faites-vous de ce plan de soutien ?

Nous avons apprécié la façon dont ces mesures ont été élaborées. En effet, c’est après plusieurs réunions de concertation entre le gouvernement et le secteur privé que le Premier Ministre a annoncé les mesures qui prennent en compte la majorité de nos préoccupations.

Nous notons que le secteur privé dans son ensemble a également apprécié les mesures prises par le gouvernement.

A quel niveau sommes-nous dans la mise en œuvre de ce plan ? Est-ce que la Chambre de commerce et d’industrie est vraiment impliquée dans la mise en place du dispositif de dédommagement des entreprises sinistrées ?

Ce plan est en vigueur et toutes les structures de mise en application sont constituées. Nous sommes en phase d’exécution de ce plan à travers les comités de gestion des fonds mis en place. La Chambre de Commerce et d’Industrie de Côte d’Ivoire est partenaire et est étroitement impliquée dans la mise en place du dispositif.

Nous participons aux réunions de deux instances de crises mis en place par le comité de concertation Etat /Secteur privé pour accompagner le plan de soutien économique. Il s’agit du comité de veille et d’information économique et du comité paritaire covid-19

La Chambre de Commerce et d’Industrie de Côte d’Ivoire est étroitement impliquée en qualité de membre des comités de gestion de deux fonds de soutien, celui des grandes entreprises et celui des PME. Mais nous souhaitons aller plus loin dans l’implication de la CCI qui connaît bien ses membres et nous avons fait des propositions en ce sens aux autorités.

Nous saluons la volonté d’indépendance exprimée par le gouvernement qui a nommé un cabinet d’expertise internationale pour le suivi de la bonne gouvernance des fonds.

Dites-nous alors quelques dispositions arrêtées pour l’indemnisation des entreprises et industries en Côte d’Ivoire ? Qui est pris en compte ? A quelles conditions ? Et à quand le début des indemnisations ?

Les critères d’éligibilité aux différents fonds sont en cours d’élaboration au sein des comités de gestion mis en place. En ce qui nous concerne, la Chambre de Commerce et d’Industrie de Côte d’Ivoire, nous sommes prêts. Notre priorité est la prise en compte d’un grand nombre d’entreprises sinistrées qui ont exprimé des préoccupations, qu’elles soient grandes entreprises, petites entreprises ou très petites entreprises. Nous avons fait des propositions par rapport à la gestion des fonds qui seront discutées et analysées à travers les séances en commission.

Certains opérateurs économiques notamment des gérants de PME se disent préoccupés de la clé de répartition du financement annoncé par le Gouvernement ivoirien ? Qu’avez-vous à dire pour les rassurer ?

La Chambre de Commerce et d’Industrie de Côte d’Ivoire a recommandé une démarche inclusive dans la gestion des fonds. Pour cela les critères d’éligibilité doivent être relativement souples pour permettre la prise en compte d’un grand nombre d’entreprises en difficulté

Par notre présence au sein de ces comités, nous les rassurons et leurs indiquons que, nous mettrons tout en œuvre pour jouer notre rôle de soutien et d’appui aux entreprises en notre qualité de représentant du secteur privé.

Comment préparez-vous la relance des activités des entreprises et industries après cette crise sanitaire ?

Nous vous remercions pour l’opportunité que vous nous donnez, notre souci, aujourd’hui, en tant qu’Institution représentant le secteur privé, est d’accompagner l’Etat à soutenir l’outil de production, à maintenir les emplois, à assurer une reprise rapide des activités économiques post-crise et à apporter un soutien humanitaire aux populations défavorisées.

Par conséquent, un comité de crise covid-19 est mis en place au sein de la Cci-Ci et travaille à rendre opérationnelles nos propositions de relance dès la sortie de crise.


Le 09/05/20 à 19:57
modifié 09/05/20 à 19:57