Hommage à Jean-Baptiste Béhi: Chef Béhi, mon capitaine!

Dr Oumou Dosso et J-B Béhi, juste après la mention très honorable obtenue par cette dernière suite à la thèse unique de doctorat. (Dr)
Dr Oumou Dosso et J-B Béhi, juste après la mention très honorable obtenue par cette dernière suite à la thèse unique de doctorat. (Dr)
Dr Oumou Dosso et J-B Béhi, juste après la mention très honorable obtenue par cette dernière suite à la thèse unique de doctorat. (Dr)

Hommage à Jean-Baptiste Béhi: Chef Béhi, mon capitaine!

Une certaine convention sociale veut que de nos défunts nous ne disions que du bien. Aujourd’hui, je suis aussi soumise à cette convenance, mais du fond du cœur et Dieu m’est témoin, ces phrases, ces mots, Chef Béhi, sont écrits avec la plume trempée dans les larmes de la reconnaissance.

Vois-tu, Chef Béhi, toi qui trouvais que la rapidité avec laquelle j’écrivais mes papiers n’altérait pas leur qualité, je suis coincée. Ma plume est devenue parcimonieuse, avaricieuse. Mes doigts, depuis que j’ai lu le message m’annonçant ton passage de l’autre côté du voile ont la crampe, et les mots pour te conter refusent de te dévoiler. Quelles parties du corps de notre fraternité montrer sans faire de l’exhibitionnisme devant le pudique que tu as été ?

Te souviens-tu de ta nomination au poste convoité de rédacteur en chef ? Je t’ai vu t’évertuer pour constituer une équipe. Dans une autre vie, tu avais été un 10, un avant-centre, un chasseur de buts, un buteur. Za-ba-di, le buteur aux bas zébrés et au short déchiré ! Et pourquoi, ce surnom a-t-il survécu à ta carrière de footeux ? Tout simplement parce que les bas à rayures blanches et noires que tu arborais étaient vus comme un porte-bonheur, et aussi sur le terrain, pour échapper à tes dribbles à la Garrincha, les défenseurs avaient l’habitude de te retenir par ton short qui était souvent mis en lambeaux. Le joueur d’équipe que tu fus donc, savait que c’est la somme des talents qui donne à un regroupement le qualificatif d’équipe. En bon capitaine d’équipe, tu me mis en mission à Yamoussoukro : « Ma petite sœur, vas soutenir Séthou ! Elle sera notre super Ebony, elle a bien travaillé ». Séthou Banhoro fut effectivement, et de façon mémorable, reconnue comme la meilleure journaliste de Côte d’Ivoire. Tu n’en fus pas peu fier. Le mois qui suivit, Chef Béhi, Capi Béhi, tu vins à ma soutenance de thèse (avec feu Diallo Mohamed) m’apporter ton soutien et j’eus droit à l’une de tes rares effusions de joie. Ton étreinte, ce jour-là, fut enveloppée de bienveillance et nous eûmes en partage la mention obtenue.

Puis, mon cher capitaine, tu dus faire, avec ton brassard bien fixé à l’avant-bras, des feintes pour éviter les tacles ; tu fis des passes, des dribles, tu donnas des coups de tête et marquas coups-francs et pénaltys. Tes corners, tu les tirais souvent à la Rémoise, là où des adversaires s’attendaient à ce que tu fasses un tir droit. Les quolibets et autres brouhaha des gradins, tu n’en avais cure. Seul a compté pour toi, l’issue du match. Et, depuis la place que j’occupais pour participer au jeu, je pus apprécier l’ambiance que tu avais l’intelligence de savoir distiller pour tes coéquipiers.

Puis encore, là où on pensait que tu aurais fait ta star, tu as refusé de bouffer la feuille de match et remis ton brassard. Sans bruit. Être dans l’équipe, pour le bien de l’équipe, rien d’autre ! Za-ba-di, le buteur aux bas zébrés et au short déchiré ! Après, au cours d’un mercato, je partis moi-même dans une autre équipe. Nos passes, qui n’avaient rien perdu de leur saveur footballistique, furent longues et souvent indirectes mais nous étions toujours dans le jeu. Puis, ce vilain tacle fantôme qui te mit hors du tapis vert en te confinant au lit, avec des systèmes de jeu pleins la tête...

Te souviens-tu, mon cher grand-frère, de cette visite au cours de laquelle, certes avec un débit rendu lent par la maladie, tu me promis que tu ferais des reprises de volée pour une Remontada ? Or là, tu viens plutôt de nous faire une Arconada. La balle de match sur laquelle tu t’es couché a glissé sous ton corps et l’adversaire, que dis-je, l’ennemie à la faux tranchante vient encore de marquer le but de sa sinistre victoire... Et moi, je retiendrais que tu es resté un 10 au cours de ce dernier match épique. Tu as serré les dents au cours des prolongations. Tu as donné le meilleur de toi-même pour remporter la victoire. Nous savons tous que l’épreuve fatidique des tirs aux buts est souvent fatale. De mon banc de touche, je t’applaudis Chef Béhi, mon capitaine ! Il y a des défaites qui valent des victoires...

Dr OUMOU DOSSO