Jean-Marie Ackah (président de la CGECI): «La CGECI se tient aux côtés de toutes les entreprises pour traverser cette crise»

Jean-Marie Ackah, président de la Confédération Générale des Entreprises Côte d'Ivoire. (DR)
Jean-Marie Ackah, président de la Confédération Générale des Entreprises Côte d'Ivoire. (DR)
Jean-Marie Ackah, président de la Confédération Générale des Entreprises Côte d'Ivoire. (DR)

Jean-Marie Ackah (président de la CGECI): «La CGECI se tient aux côtés de toutes les entreprises pour traverser cette crise»

Le 20/04/20 à 18:02
modifié 20/04/20 à 18:02
Le patron de la plus grande représentation du secteur privé en Côte d'Ivoire s'est fortement impliqué dans la recherche de solutions, de concert avec le gouvernement, pour aider les entreprises à traverser au mieux la crise provoquée par la pandémie à coronavirus. Il l'explique dans cette interview.
Monsieur le président, face à la pandémie à coronavirus qui sévit désormais en Côte d’Ivoire avec des impacts à la fois sanitaires et économiques, que fait la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire ?

Permettez-moi, tout d’abord, de présenter, au nom du Conseil d’Administration de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire, nos condoléances aux familles des victimes du Covid-19, et nos vœux de prompt rétablissement aux malades. C’est le lieu, aussi, d’adresser nos remerciements aux professionnels de la santé pour tous les efforts déployés dans la lutte contre cette pandémie qui touche le monde entier, avec des répercussions négatives sur l’économie et les entreprises. Pour la CGECI, la crise étant d’abord sanitaire, le plus important était, avant tout, de sauver les vies en protégeant les travailleurs et leurs familles. C’est la raison pour laquelle, comptant sur la responsabilité sociétale des entreprises, nous nous sommes attachés à partager le maximum d’informations sur la nature de la pandémie, le mode de contamination, les mesures sanitaires à mettre en œuvre au niveau des entreprises pour protéger les travailleurs. A ce titre, nous avons organisé le 20 mars, une rencontre au siège de la CGECI avec des experts comme la directrice générale de l’Institut Pasteur de Côte d’Ivoire, pour disséminer toutes les informations sur la maladie. Et l’avons diffusée en direct sur les réseaux sociaux, pour que le plus grand nombre d’entreprises puissent en profiter. Avant cela, nous avons, à travers la diffusion à nos membres de différents supports tels que flyers et affiches, donné les moyens à nos entreprises de relayer ces informations au niveau de leurs personnels...

Comment êtes-vous intervenu ensuite ?

Une fois la campagne d’information lancée, nous nous sommes attachés à recenser les préoccupations des entreprises, notamment à travers un communiqué dans votre quotidien. Par le biais du mail covid19@cgeci.ci, nous continuons à le faire. Cela nous a permis d’adresser le 20 mars au gouvernement une première matrice de préoccupations, suivie d’une deuxième une semaine plus tard. Celles-ci concernent la facilitation des opérations douanières, le report des impôts, l’assouplissement des règles de la Bceao, la suspension des contrôles administratifs, le paiement de la dette intérieure, l’appui aux Pme et aux filières agricoles, la mise en place d’un comité paritaire Etat-secteur privé, etc. Sur chacune de ces préoccupations, nous avons indiqué des pistes de solutions. L’identification de ces besoins a permis d’avancer rapidement dans l’élaboration d’un plan de soutien économique de la part du gouvernement qui connaissait déjà les principales attentes des entreprises.

Le plan de soutien du gouvernement, chiffré à 1 700 milliards de Francs Cfa comporte des mesures censées soulager les entreprises en difficulté. Comment le patronat ivoirien les a-t -il accueillies ?

Nous avons bien accueilli ce plan du gouvernement d’autant plus que le patronat a donné de la matière pour son élaboration. Dans ses grands axes, ce plan répond aux attentes du secteur privé avec des allègements fiscaux, des reports d’échéances, des appuis financiers, etc. En ce qui concerne la création de fonds, nous avions bien indiqué que beaucoup d’entreprises, notamment les PME, seraient affaiblies par cette crise et auraient nécessairement besoin d’un soutien financier pour assurer leur pérennité et, pour certaines, garantir la continuité de l’exploitation.

Sur le terrain, comment déployer ce plan ?

Dès l’annonce de ce plan de soutien, nous avons commencé à travailler à son opérationnalisation, en entrant plus dans les détails. Ce travail qui est en cours avec le gouvernement nous permettra notamment d’apporter des précisions sur les impôts concernés par le report. Dans notre entendement, certaines de ces mesures doivent avoir une portée générale pour l’ensemble des entreprises, et d’autres plus spécifiques à des entreprises particulières compte tenu des secteurs d’activité dans lesquels elles évoluent. Nous devons accélérer ce travail, avec les ministères techniques compétents. Nous devons également travailler à rendre le plus adéquat, le plus supportable possible la mise en œuvre d’autres dispositions de la lutte contre le Covid qui ne sont pas forcément dans ce plan. Je pense au couvre-feu qui a des implications sur le fonctionnement de certaines entreprises, en particulier celles qui exportent du cacao, habituées à charger leurs marchandises la nuit pour les convoyer vers le Port d’Abidjan. Je pense aussi au « confinement » du Grand Abidjan, qui crée des problèmes aux entreprises qui ont des unités ou des produits à l’intérieur du pays. Je pense enfin aux entreprises qui se battent pour continuer à fournir des biens indispensables à la vie des populations. En conséquence, nous devons travailler en permanence avec le gouvernement pour lever ces points de blocage qui pourraient compromettre le fonctionnement de ces entreprises, avec à l’esprit la volonté de sauvegarder les emplois et un minimum de ressources financières. Nous comprenons que dans un tel contexte, il y ait régulièrement de nouvelles décisions à prendre. Mais c’est la qualité du dialogue entre l’Etat et le secteur privé, et idéalement avant de prendre ces décisions, qui peut nous permettre de trouver des solutions adaptées. A la fin de la journée, nous poursuivons tous le même but. L’intérêt des entreprises, des ménages et de l’Etat, c’est que la crise soit jugulée le plus rapidement possible, sans détruire l’outil de production.

Comment travaillez-vous au sein du comité paritaire mis en place par le gouvernement à votre initiative ? Sur quoi portent vos discussions ?

Le dialogue entre l’Etat et le secteur privé, à travers notamment le Comité de concertation, est permanent, et nous nous en réjouissons. Nous avons sollicité qu’au-delà de ce cadre, se mettent en place des plateformes qui puissent gérer au quotidien les problèmes opérationnels des entreprises. Pour une entreprise, ce qui importe, c’est la réponse à des problèmes parfois purement opérationnels dans des délais courts. En tant qu’organisation patronale, nous recevons chaque jour des dizaines de points de blocages observés par les entreprises, et nous devons essayer de les résoudre sans attendre que le comité paritaire se réunisse à cet effet. Il nous faut des outils pour résoudre les problèmes opérationnels au jour le jour. A la suite du plaidoyer que nous avons fait, nous nous réjouissons de ce que sous la houlette du ministre de l’Economie et des Finances, une cellule d’écoute avec les points focaux de toutes les administrations concernées, soit en train d’être mise en place. Cette sorte de guichet unique prendra en compte quotidiennement l’ensemble des problèmes des entreprises et réagira rapidement. Au-delà de ce comité opérationnel, les présidents des principales organisations du secteur privé et les membres du gouvernement pourront se rencontrer périodiquement pour suivre la bonne exécution des mesures existantes ou évoquer de nouvelles mesures.

Quels sont les secteurs les plus impactés par la crise ? Comment limiter la casse ?

Nous sommes dans une crise inédite à l’échelle de la planète. Quand on voit qu’environ la moitié de la population mondiale est aujourd’hui confinée, à savoir 3,9 milliards de personnes, lorsqu’on voit les mesures de couvre-feu, de réduction des mouvements de populations, de fermetures de commerces ou de restaurants, on se rend bien compte que nous sommes dans une crise multisectorielle. In fine, elle touche ou finira par toucher tous les secteurs de l’activité économique, à l’exception peut-être de quelques niches, mais qui sont peu significatives à l’échelle de l’activité économique globale d’un pays.

Des niches qui s’en sortiraient mieux que les autres, vous avez dit ?

Il y a évidemment quelques produits qu’on utilisait peu avant et qui sont très prisés aujourd’hui. Mais les entreprises fabriquent rarement un seul produit de sorte que l’embellie sur ces produits de niche peut masquer une baisse des ventes d’autres produits. Donc je le répète, cela reste véritablement des exceptions. Quand vous prenez les secteurs clefs de l’économie que sont le tourisme, les transports, le BTP, l’industrie de transformation ou l’agro-industrie, ils sont tous touchés par cette crise. La baisse de la demande est très perceptible, au niveau international comme national. Prenons le secteur de l’hôtellerie, c’est évident qu’il souffre énormément de la crise. Sur les 2 600 hôtels environ que compte notre pays, plus de 90% sont fermés. Leurs fournisseurs en amont sont forcément touchés à leur tour. Il y a des secteurs, c’est vrai, qui sont touchés dans des proportions plus importantes que d’autres, et les études en cours nous le démontreront. Mais, d’une manière générale, toute l’économie est en crise, y compris le secteur bancaire ou la téléphonie.

Que faire, alors face à cette crise généralisée ?

Il est indispensable qu’il y ait des mesures d’ordre général qui bénéficient à l’ensemble des entreprises car au finish, elles sont toutes impactées. Les secteurs économiques sont interdépendants et lorsque l’un est touché, il s’ensuit des réactions en chaîne défavorables à tout le monde. A côté, il peut y avoir des mesures d’ordre spécifique pour des secteurs ou des entreprises particulièrement affectés.

Des mesures de soutien aux PME ont été annoncées par le gouvernement, que pouvez-vous nous en dire ?

Les PME sont particulièrement touchées en raison de la fragilité de leur structure financière qui leur donne un niveau de résilience beaucoup moins important. Parfois, ces PME sont des sous-traitants ou des fournisseurs des grandes entreprises. Donc, certaines grandes entreprises également doivent être soutenues, faute de quoi, cela se répercutera fatalement sur des PME déjà en difficultés. Il est donc normal, permettez que je le répète, d’avoir des mesures pour l’ensemble des entreprises et des mesures spécifiques aux PME. Je voudrai préciser que La Confédération Générale des entreprises de Côte d’Ivoire compte en son sein des entreprises de toutes tailles, notamment plusieurs PME. Il est tout à fait naturel qu’elle prenne le parti des PME. En outre, et tout particulièrement durant cette période de crise, nous nous employons à porter la voix de l’ensemble des entreprises ivoiriennes, membres ou pas. C’est à ce titre que nous avions préconisé, dans les mesures transmises au Gouvernement, la mise en place d’un Fonds spécial pour les PME. Fort heureusement, l’Etat a créé des Fonds pour les PME, mais également pour les grandes entreprises, le secteur informel et même pour les ménages les plus pauvres. C’est donc une très bonne chose. Nous travaillons, avec le gouvernement, à les rendre opérationnels. Et quand nous parlons d’opérationnalisation, il s’agit de voir quelles sont les formes les plus efficientes et rapidement disponibles : garantie, subventions, dons, prêts, etc.

Quels sont les messages clefs du patronat à l’endroit de ses membres et de la communauté nationale, en cette période d’inquiétudes pour les populations et d’incertitudes économiques ?

Le premier message, c’est un message d’encouragement à la communauté nationale. C’est aussi un appel à la nation toute entière, à faire preuve de discipline et de vigilance. Nous avons tous intérêt, particuliers, ménages, entreprises, Etat et communauté internationale à ce que cette crise, qui est réelle et sans précédent, soit la plus brève possible. Il faut que chacun d’entre nous joue sa partition en termes de comportements, d’attitudes, de respect des mesures sanitaires et j’ajouterai de discernement face aux messages trop souvent erronés qui circulent sur les réseaux sociaux. Ensuite, je voudrais, au nom du conseil d’Administration de la CGECI, adresser un message de soutien aux entreprises, privées comme publiques, qui paient un prix économique important et un lourd tribut qui risque de s’alourdir davantage dans les semaines à venir. Nous les invitons à travailler davantage sur leur résilience, à tout mettre en œuvre pour se donner les moyens de traverser cette période en s’adaptant dans leur organisation, dans leur structure, dans leurs approches du marché afin de continuer leurs activités autant que faire se peut. C’est enfin un appel à l’Etat, qui tient un rôle primordial dans cette crise. Un rôle sanitaire qui doit être joué de la meilleure façon possible, et également, un rôle économique à travers des mesures appropriées à mettre en œuvre pour permettre au tissu économique et aux entreprises de tenir et de passer cette crise. Des mesures doivent également être prises en faveur des ménages, des particuliers et des travailleurs parce qu’il est aussi important qu’à côté de l’offre des entreprises, un pouvoir d’achat existe pour soutenir la demande. L’Etat doit rejoindre les entreprises dans leurs efforts pour préserver le plus d’emplois possible. Et là où c’est malheureusement impossible, que des mesures d’accompagnement soient accordées aux populations qui auraient perdu leurs revenus, pour qu’elles continuent de vivre et soient en mesure de consommer. En sauvegardant un certain niveau de consommation, on évite à l’économie de complètement sombrer, ce qui contribuera également à une relance, dans les meilleures conditions possibles, de l’économie une fois la crise sanitaire maîtrisée.

Les entreprises sont à la fois impactées et attendues...

Vous avez tout à fait raison, il y a d’une part la crise socioéconomique dont nous avons abondamment parlé et de l’autre la crise sanitaire que nous souhaitons la plus courte possible avec le minimum de pertes en vies humaines. Les entreprises ont un rôle important à jouer dans la lutte contre le Covid-19. Un rôle d’abord vis-à-vis de leurs employés, en mettant comme déjà entrepris depuis le début de cette crise, tous les moyens pour assurer la sécurité de leurs personnels. Certes, cela engendre des coûts additionnels et non prévus, mais les entreprises ont conscience que les ressources humaines sont un facteur clef de production. Ainsi, tout ce qu’elles peuvent entreprendre pour sauvegarder ces ressources humaines, représente un très bon investissement pour rebondir par la suite. Les entreprises font donc des efforts pour maintenir les emplois, trouver les solutions les plus adaptées possibles par rapport aux dispositifs légal et réglementaire qui existent. La CGECI, leur organisation patronale fortement impliquée dans les cadres de dialogue avec les partenaires sociaux, est à leurs côtés pour leur apporter toutes les informations par rapport à ce qui peut être mis en œuvre concernant le personnel. C’est ensemble que nous viendrons à bout de cette crise. Elles font également des efforts pour soutenir le plan de riposte de l’Etat de Côte d’Ivoire. Nous félicitons les entreprises qui ont déjà répondu à l’élan de solidarité nationale pour lutter contre le Covid-19, et encourageons les autres à apporter leurs contributions. La CGECI travaille avec le Ministère de la Santé et apportera sa contribution dans les prochains jours.


Le 20/04/20 à 18:02
modifié 20/04/20 à 18:02