Gants, gel hydro-alcoolique, cache-nez… : Ces petits business autour du Coronavirus

Les vendeurs ambulants de cache-nez, de gants... font de bonnes affaires. (DR)
Les vendeurs ambulants de cache-nez, de gants... font de bonnes affaires. (DR)
Les vendeurs ambulants de cache-nez, de gants... font de bonnes affaires. (DR)

Gants, gel hydro-alcoolique, cache-nez… : Ces petits business autour du Coronavirus

Le 16/04/20 à 19:50
modifié 16/04/20 à 19:50
Le Coronavirus a profondément changé les habitudes de bien des Abidjanais. Chez les vendeurs comme chez les consommateurs, on essaie de s’adapter, mais…
« Y a gel, 3000, 3000... Monsieur, je peux diminuer... ». Les mains chargées de plusieurs articles, le visage dégoulinant de sueur, Adama est en pleine conversation avec un automobiliste à ce carrefour de la Riviera-Palmeraie communément appelé “après barrage”. Le feu est au rouge ; malheureusement, Adama n’aura pas le temps d’aller au bout de son marchandage que le feu passe au vert.

L’automobiliste démarre, ce vendeur à la sauvette se mord les doigts car il était en passe de conclure une bonne affaire ce matin. Mais, ce n’est que partie remise puisque dans peu de temps, le feu passera au rouge et il aura encore l’occasion de proposer ses articles aux nombreux automobilistes qui passent. Comme beaucoup d’autres jeunes hommes et jeunes femmes, Adama est en vendeur de rue.

Se faufilant entre les véhicules, ces derniers proposent aux automobilistes souvent pris dans les embouteillages aux heures de pointe divers articles (papiers mouchoirs, outils de dépannage, ustensiles de cuisine et bien d’autres). Visibles à différents carrefours et grandes artères à Abidjan, ces vendeurs et vendeuses ambulants n’ont que faire des questions de sécurité. Ce qui les intéresse, c’est d’écouler leurs marchandises.

Et justement, à la faveur de la crise sanitaire à Coronavirus (Covid-19) que connaissent le monde entier et la Côte d’Ivoire, sont apparus ces derniers temps des articles et produits faisant partie des mesures barrières contre la propagation de cette pandémie.

Le Covid-19 passe et bouleverse tout...

« Avant, je balayais les rues comme d'autres femmes à Cocody. Mais depuis la survenue de la maladie (Coronavirus : Ndlr), je ne fais plus ça. Maintenant, je vends des gels, des gants... », fait savoir Awa Maїga, une de ces vendeuses au carrefour de l’Ecole de police sur le boulevard Mitterrand (commune de Cocody), qui précise que vendre des gels hydro-alcooliques est plus rentable que balayer les rues. « Quand on balaie les rues, on nous paie mal et souvent avec du retard ou même pas du tout. Alors que quand tu vends les gels et autres, tu as ton argent en même temps », affirme-t-elle.

Awa n’est vraisemblablement pas la seule à avoir opéré cette reconversion. Ainsi, Brahima, 18 ans, en lieu et place des ustensiles de cuisine qu'il vendait à Adjamé, a, depuis quelque temps, opté pour les gants et cache-nez. Au grand carrefour de la Riviera 2 où il exerce, le jeune homme dit ne pas chômer. « Chaque jour, je peux vendre 20 gants et autant de cache-nez » pour un gain journalier d'environ 3000 FCfa, comme bénéfice. Ce qui n’était pas le cas avec les ustensiles de cuisine. « C’était difficile. Il m'arrivait même de passer des jours sans vendre la moindre casserole », déclare-t-il, tout sourire.

Un vendeur proposant ses marchandises à un automobiliste. (DR)
Un vendeur proposant ses marchandises à un automobiliste. (DR)



Autant la survenue de la pandémie à Coronavirus a bouleversé les habitudes (plus d’accolade, ni d’embrassade ; lavage régulier des mains, etc.); autant elle a favorisé la reconversion de petits commerçants. Qui y voient une opportunité d’affaires susceptibles de générer davantage de bénéfice.

La vente des cache-nez, gels hydro-alcooliques, gants qui se sont invités dans le quotidien des populations est devenue un moyen de subsistance de beaucoup de jeunes (hommes et femmes). On le voit, ces gens profitent du danger que constitue le Covd-19 pour les populations pour mener des activités plus juteuses.

Craintes et doutes sur leurs prix et qualité...

Si des vendeurs de rue profitent de la survenue du Coronavirus pour se faire des sous, du côté des consommateurs, ce n’est pas la grande joie. Les uns récriminent alors que les autres grincent des dents. « A cause de cette pandémie du Coronavirus, on est obligé de porter un cache-nez. En temps normal, que ferais-je avec ça ? », interroge Patricia Zooré, une commerçante à la Riviera 2. Qui dit ne pas comprendre pourquoi en périodes de crise, vendeurs et vendeuses vendent leurs articles à des prix "exorbitants". « Nous sommes en crise et des gens en profitent pour s’enrichir. Ce n’est pas normal. Comment un gel-main qui, d’ordinaire, coûte 1000 F, est vendu aujourd'hui entre 3000 et 4000 F, c’est cruel », fulmine-t-elle.

Même son de cloche chez Marc Kouakou, un instituteur à la retraite, habitant la commune de Bingerville pour qui la vente de certains produits comme les gels hydro-alcooliques doit être soumise à des règles. « Vous voyez dans les rues aujourd’hui, tout le monde vend des gel-mains. On ne sait pas d’où ça vient. C’est sûr que des individus cupides y ont vu une opportunité de faire des affaires et en fabriquent chez eux à la maison et vendent. C’est dangereux pour notre santé », alerte-t-il. Et de renchérir, « Je crains qu’en voulant lutter contre une maladie, on nous crée d’autres avec ces produits qu'on ne sait s’ils sont homologués ou pas ».

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Gouvernement et secteur privé au front

Face à ce qui ressemble à de la spéculation sur des produits en cette période de crise, des acteurs de la grande distribution et le ministère du Commerce rassurent. Selon Herman Gbahi, dirigeant d’une enseigne de distribution, cette crise a créé une psychose. « Au niveau de l’approvisionnement, aujourd’hui, il faut dire que suite à la psychose, les magasins ont été rapidement envahis par les populations...Mais, nous rassurons les populations que les magasins seront régulièrement approvisionnés. Les prix seront fixes », assure-t-il.

Quant à Pascal Bordeaux, Directeur général d’une autre enseigne, il conseille : « Que les populations ne cèdent pas à la panique. Nous avons des stocks de marchandises. Chez nos fournisseurs comme au niveau des entrepôts. L'important est que nous ayons une consommation régulière. Toute panique crée une situation de déstabilisation et une insatisfaction d’une partie de la population qui ne trouve pas les produits de base. Il faut que tout le monde soit vigilant. C'est l'essentiel ».

Sebastien de Jahan ne dit pas autre chose, « Je tiens à rassurer les consommateurs. Avec le gouvernement, nous échangeons beaucoup pour maîtriser cette chaîne d’approvisionnement. Il y a du stock en Côte d’Ivoire, il n’y a pas d’inquiétude à avoir », dit-il.

Aimé Koizan, Directeur général du commerce intérieur. (DR)
Aimé Koizan, Directeur général du commerce intérieur. (DR)



Du côté du gouvernement, on s’active également. Selon Aimé Koizan, Directeur général du commerce intérieur, des mesures sont prises pour éviter la spéculation : « Nous avons renforcé la surveillance du marché. Les contrôleurs de prix sont sur le terrain au quotidien. Ils procèdent à la surveillance du marché. Tous ceux qui seront pris seront sanctionnés conformément aux textes en vigueur », indique-t-il. Non sans préciser que la pratique de prix illicites est punie par la loi. « L'amende va de 100.000 F Cfa à 50 millions de F Cfa. Nous pouvons aller jusqu'à fermer les magasins et saisir les marchandises », fait-il savoir.

Mais concernant les vendeurs de rue, la population a l'impression que jusqu’ici, l’Etat est inactif car ils continuent d'exercer au vu et au su de tous, même des gouvernants. D’ailleurs, au ministère du Commerce, ne dit-on pas que vendre dans la rue, c’est faire du paracommercialisme ou ventes sauvages.

A toutes fins utiles, rappelons que ce type de commerce est interdit par l’ordonnance N° 2013-662 du 20 septembre 2013 relative à la concurrence. Cette ordonnance en ses articles 19 et 20 dispose que sont prohibées, les ventes sauvages ou paracommercialisme et que les biens et produits issus de cette vente peuvent être saisis. Alors...



Le 16/04/20 à 19:50
modifié 16/04/20 à 19:50