Lutte contre le Coronavirus : La fièvre des masques monte, monte, monte !

Des industriels ont réorienté leurs activités pour répondre à la demande de masques ‘‘grand public’’. (PHOTOS : PORO DAGNOGO)
Des industriels ont réorienté leurs activités pour répondre à la demande de masques ‘‘grand public’’. (PHOTOS : PORO DAGNOGO)
Des industriels ont réorienté leurs activités pour répondre à la demande de masques ‘‘grand public’’. (PHOTOS : PORO DAGNOGO)

Lutte contre le Coronavirus : La fièvre des masques monte, monte, monte !

Le 15/04/20 à 16:11
modifié 15/04/20 à 16:11
Les choses sont désormais claires. Le port du masque est désormais obligatoire. Ainsi en a décidé le Conseil national de sécurité, à l’issue de sa réunion du 9 avril avec les autorités. C’est donc la course aux précieux objets pour se prémunir du Covid-19 dans un contexte mondial de pénurie en la matière. D’où l’appel du gouvernement aux producteurs locaux.

Le secteur artisanal n’a pas attendu cet appel pour investir le marché. Depuis une dizaine de jours, il y a des masques de toute sorte et de toutes les couleurs vendus dans la rue. Matières synthétiques (le PP utilisé dans la confection d’emballages pour les supermarchés), pagnes, tissus, papiers... tout y passe. Quand on aborde les vendeurs de rue, tous répondent quasi invariablement qu’ils s’approvisionnent à partir d’Adjamé, sans autre précision.

Les jeunes Soumahoro Lassina et Fofana Aminata dite Amy vendent au carrefour Score, devant la pharmacie Wakouboué, un endroit bien connu à Yopougon. « Je m’approvisionne à Adjamé. J’aurais bien voulu le faire à Yopougon, mais il n’y a rien ici. Les tailleurs qui confectionnent les cache-nez sont tous à Adjamé. C’est pour cela que nous sommes obligés de nous rendre là-bas », indique le premier. Des propos que s’empresse de confirmer Amy, avant même qu’on se tourne vers elle.

Les deux jeunes gens disent observer que les masques en tissu réutilisables sont les plus demandés comparativement à ceux qui sont en matière synthétique et jetables. Les prix sont, en moyenne, 250 francs l’unité pour les jetables et 500 francs pour les masques en tissu.

Adjamé l’épicentre...

Adjamé est effectivement le centre de production le plus important des masques artisanaux. Dallas, Badjam, Quartier rouge et Bromakoté sont les hauts lieux des fabricants. Sur les machines à coudre, les masques ont pris la place des maillots, caleçons, casquettes, tee-shirts, sacs et autres gadgets en tissus et matière synthétique. Si certains fabricants artisanaux se contentent des petits revendeurs de rue, d’autres plus organisés préfèrent aller vers les institutions (ministères, entreprises, mairies, universités, etc.). C’est le cas d’Abdoulaye Diarra.

Spécialisé dans la production de gadgets divers, il s’est jeté dans la confection de masques depuis quelques jours. Son atelier situé à Adjamé, non loin du Forum des marchés, fabrique ses échantillons soigneusement imprimés au laser. Muni des exemplaires de masques, il parcourt les entreprises et autres organisations, à la recherche de marchés.

Abdoulaye Diarra confirme le leadership de la commune d’Adjamé avec une image bien à propos : « Si Abidjan est l’épicentre du Covid-19 en Côte d’Ivoire, Adjamé est l’épicentre des masques contre le Covid-19 ». Celui-ci est plutôt optimiste pour la suite... au niveau des affaires. Il voit des perspectives très intéressantes grâce à la décision gouvernementale de rendre obligatoire le port des masques.

Un atelier de confection de masques "grand public". (PHOTOS : PORO DAGNOGO)
Un atelier de confection de masques "grand public". (PHOTOS : PORO DAGNOGO)



Les industriels se signalent

Quand le Conseil national de Sécurité parle de producteurs locaux, il compte certainement sur la production industrielle pour faire face plus rapidement aux besoins. A ce niveau, il semble qu’il n’y a pas encore grand-chose. Quelques unités industrielles qui opéraient dans d’autres domaines, s’organisent pour fabriquer des masques. A la nouvelle zone industrielle (Pk 24), les dirigeants de l’une d’elles disent être prêts pour répondre à l’appel du gouvernement. Il s’agit de la société Afri-Mousse.

Spécialisée dans la production de matelas, elle a ouvert, depuis une quinzaine de jours, une ligne de confection de masques en tissus coton. Le gérant, Abdul Khalek Reda, explique qu’il s’est agi, compte tenu de l’arrêt de la production de literies dû au Covid-19, de réorienter l’activité de l’entreprise. Cela a permis, non seulement de maintenir des emplois – une centaine d’employés qui avaient été mis au chômage ont été rappelés – mais aussi de répondre au besoin du marché face à la pandémie. « Pour commencer à produire les masques, nous avons fait revenir des employés. Ils sont à la tâche. Nous avons une capacité de production de 5 mille unités par jour. Nous pouvons la pousser jusqu’à 10 mille unités par jour selon le niveau des commandes », dit-il.

L’homme d’affaires fonde ses propos sur le fait que la matière première est déjà disponible et que le matériel technique est déjà déployé. Sur la qualité du produit, il s’agit de masques en tissu à double-couches lavables et donc réutilisables. Les responsables de l’entreprise en vantent la durabilité. « C’est du tissu. Ça ne peut que tenir longtemps. C’est indiqué pour le grand nombre », expliquent-ils.

Apparemment les dirigeants de cette société où tout autre fabricant, ont eu le nez creux en choisissant de produire des masques en tissus réutilisables. Dans la mesure où, confrontés à l’obligation de porter des masques, la population voudra bien disposer de ce qui lui revient moins cher.

A ce propos, Mahama Liêguy Diabagaté, chauffeur de taxi communal à Yopougon, estime qu’en ce qui le concerne, c’est une question de bon sens. « Je vois défiler des dizaines de personnes par jour dans mon taxi. Je ne peux pas utiliser des masques qui ne durent que quelques heures. D’où mon choix pour les masques en tissu », explique-t-il

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Le bon masque « grand public »

Les masques « grand public » appelés aussi « masques alternatifs » ou « masques barrières » sont confectionnés avec du tissu. Ils permettent de limiter la propagation des gouttelettes porteuses du virus par un malade avec ou sans symptômes à 70% au moins contre 97% pour un masque chirurgical, indique une note récente de l’Académie nationale de médecine (France).

Toujours en France, dans un avis émis par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (Asnm), le 24 mars 2020, on note que la première des choses pour qu’un masque barrière soit acceptable, c’est d’être capable de filtrer 70% à 80% des particules de 3µm émises par la personne portant le masque. Ensuite il doit être ajustable au niveau du nez, de la bouche et du menton « pour permettre une étanchéité parfaite sur les côtés ».

Les masques en tissu réutilisables ont la préférence des populations. (PHOTOS : PORO DAGNOGO)
Les masques en tissu réutilisables ont la préférence des populations. (PHOTOS : PORO DAGNOGO)



S’agissant des matériaux indiqués, la Société française des sciences de la stérilisation et la société française d’hygiène hospitalière préconisent l’utilisation « des étoffes serrées ». Et les épaisseurs devront être doublées pour augmenter « sensiblement les capacités de filtration ».

Les scientifiques français conseillent de porter toutes les informations concernant le produit à la connaissance de l’utilisateur. Cela peut être fait « via une étiquette sur le masque et/ ou son emballage et/ou des instructions d’utilisation ». Ainsi, le type de tissu, les symboles et mentions pour l’entretien, la marque, les contacts du fabricant, les conditions d’utilisation (la durée de port maximum, le nombre de réutilisation maximum, etc.) devront être marqués.

De plus, il ne faut pas manquer d’indiquer les conditions d’entretien (lavage, séchage, désinfection). Par exemple, il est recommandé en France de repasser les masques après lavage.

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Vive les réutilisables

Les petits vendeurs de rue disent observer que, de plus en plus, les clients préfèrent acheter les masques en tissu parce qu’ils peuvent les réutiliser. « C’est une question de bon sens », comme le chauffeur de taxi l’explique plus haut.

Nul doute que pour satisfaire de manière efficiente la population à qui le gouvernement compte fournir gratuitement les masques, l’accent sera mis sur ceux qui sont réutilisables. Sinon on ne voit vraiment pas comment les millions d’habitants du Grand Abidjan pourront disposer chacun de deux à trois masques par jour.

Pendant ce temps, le marché des masques artisanaux se porte déjà assez bien. Le jeune Soumahoro Lassina (au premier plan), vendeur à Yopougon, n’en demande pas mieux. (PHOTOS : PORO DAGNOGO)
Pendant ce temps, le marché des masques artisanaux se porte déjà assez bien. Le jeune Soumahoro Lassina (au premier plan), vendeur à Yopougon, n’en demande pas mieux. (PHOTOS : PORO DAGNOGO)



Il est aussi clair que compte tenu de la forte pression sur l’offre à l’international, la Côte d’Ivoire ne peut que compter sur la production locale. Ce qui est forcément une très bonne chose sur le plan économique dans la mesure où cela va aider des entreprises et sauver des emplois. Il reste maintenant aux autorités de veiller au respect des normes de qualité qu’il faudra indiquer aux fabricants. Et cela devra se faire très vite car le temps presse.

Puisque la maladie est au galop. Il faut très rapidement des masques fabriqués dans de bonnes conditions et dont l’utilisation est aisée. Des visites du ministère en charge de la Santé ou de Codinorme aux différents fabricants seraient les bienvenues dans un bref délai. Certains sont prêts et attendent.



Le 15/04/20 à 16:11
modifié 15/04/20 à 16:11