Propagation du covid 19: Doit-on reporter toutes les élections en Afrique ?

opération de vote
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Propagation du covid 19: Doit-on reporter toutes les élections en Afrique ?

Pas forcément

Il est vrai qu’avec la situation sanitaire mondiale, il est tout à fait légitime de se poser la question du report de toutes les élections au suffrage universel direct et même indirect en Afrique. Les consignes prescrites par les différents gouvernements africains, comme ceux du reste du monde, imposent pour la plupart le confinement total, partiel ou progressif des populations, une certaine distanciation de un à deux mètres, l’interdiction de rassemblement des personnes, etc. Ce ne sont donc pas des conditions idéales pour organiser des élections. Cependant, selon plusieurs études scientifiques les plus optimistes, la fin de la pandémie dans le monde est prévue entre la fin du mois de mai et celle de juin, voire fin juillet au grand tard, s’il n’y a pas de seconde vague de contamination.
Si ces prévisions sont exactes et que le ciel nous fait la grâce d’endiguer cette pandémie dans la fourchette de ces dates, alors, en ce qui concerne par exemple l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, prévue pour le mois d’octobre 2020, nous avons le temps de l’organiser.
De ce fait, je suis opposé au report des élections en Afrique, essentiellement pour celles prévues au dernier trimestre de cette année. En Côte d’Ivoire, par exemple, en trois mois, normalement, nous pouvons organiser l’élection présidentielle, suivie des législatives puis de toutes les autres. Ce qui risque éventuellement de compliquer un peu le processus électoral, c’est l’enrôlement des électeurs, notamment les nouveaux majeurs sur la liste électorale et la distribution des cartes nationales d’identité et d’électeur.
Je pense que le gouvernement ivoirien et tous les partis politiques pourraient trouver les voies et moyens pour s’accorder sur les modalités de l’organisation de ces différentes élections, en maintenant les dates initiales. Si à partir de la fin du mois de juin, comme prévu par les experts scientifiques mondiaux, nous retrouvons une vie normale, débarrassés de ce virus, notre pays peut aisément prendre les dispositions nécessaires afin de respecter les dates prévues pour l’organisation des différentes élections.
Concernant la campagne électorale, tout est déjà joué au niveau des choix de beaucoup d’électeurs. Les positions sont déjà figées dans les esprits et cela est désespérant pour notre jeune démocratie en construction. Les électeurs du Fpi, voteront pour le candidat désigné par leur parti. Pour le Rhdp, on connaît déjà le candidat. Normalement tous les militants et sympathisants de ce parti devraient faire de même. C’est également le cas pour le Pdci ou l’Udpci pour ne citer que ces grandes formations politiques.
Même pour la société civile, une majorité de l’électorat s’est déjà déterminé sur la base ethnique, religieuse ou communautaire. En Côte d’Ivoire comme partout en Afrique subsaharienne, le vote reste encore malheureusement très fortement ethnique, religieux et communautaire. Par conséquent, les différents candidats n’ont presque pas besoin de faire campagne. Ils ont pour la plupart, « un électorat sécurisé » qu’ils doivent entretenir.
La réalité de notre jeune démocratie en construction est malheureusement bien prévisible et immobile comme un arrêt sur image, dans le temps et dans l’espace. Pour cela, on peut même décider de prévoir une campagne électorale d’une seule semaine, pour essayer de convaincre des électeurs déjà conditionnés par leurs appartenances ethniques et religieuses. Les électeurs qu’on pourrait éventuellement considérer comme indécis ou pouvant être influencés par un projet de société et un programme de gouvernement, voire un bilan pour le candidat du pouvoir, ce serait les nouveaux électeurs et les jeunes de moins de vingt-cinq ans.
Ces derniers, l’esprit ouvert sur le monde, ne sont pas encore emprisonnés dans des logiques ethniques, religieuses ou communautaires. Leurs esprits sont conditionnés par les influences démocratiques occidentales. Ils pourraient être plus sensibles aux discours des candidats et à leurs projets. Une petite catégorie d’électeurs pourrait être également sensible aux discours des adversaires politiques de leur candidat naturel, celui de leur formation politique. Ce sont les militants déçus ou frustrés. Connaissant leur état d’esprit du moment dû à leurs déceptions et frustrations, ils sont fortement courtisés par des candidats adversaires au candidat de leur parti politique. Ces derniers attendent des candidats ce qu’ils n’ont pas pu avoir de leur parti politique, après des années de rudes épreuves pour certains et de combats politiques acharnés pour l’ascension de leur parti au pouvoir, pour d’autres.
En réalité, je pense qu’il n’est pas nécessaire de reporter les élections en Afrique, notamment pour les pays où elles étaient prévues au dernier trimestre de 2020. Quel que soit le nombre de mois de report, cela ne changera pas grand-chose, sauf élément majeur nouveau dans le paysage politique.

Macaire DAGRY