Pandémie du Coronavirus : Le secteur pharmaceutique s’organise pour résister à la maladie

Le secteur pharmaceutique veille au respect des mesures édictées par le gouvernement. (Julien Monsan)
Le secteur pharmaceutique veille au respect des mesures édictées par le gouvernement. (Julien Monsan)
Le secteur pharmaceutique veille au respect des mesures édictées par le gouvernement. (Julien Monsan)

Pandémie du Coronavirus : Le secteur pharmaceutique s’organise pour résister à la maladie

Le 12/04/20 à 15:49
modifié 12/04/20 à 15:49
En première ligne dans la lutte contre le coronavirus, les pharmaciens se sont réorganisés pour faire face à la pandémie. Comment travaillent-ils ? Ils nous racontent leur quotidien.
Dr Boni Hervé est le propriétaire de la pharmacie Synacassi, située à quelques encablures du village d’Akouédo, à la Riveria 3 (Cocody). Lui et la dizaine d’auxiliaires en pharmacie qui l'épaulent dans la lutte contre la pandémie sont en alerte dans l’officine.
Dans l’enceinte, le décor a véritablement changé pour faire place à des affiches invitant au respect des mesures sanitaires édictées. Les sièges qui accueillaient les patients ont été enlevés pour gagner davantage d’espace et faciliter ainsi la distanciation d’un mètre entre les clients.

Des marquages au sol indiquent à ces derniers la conduite à tenir. Sur l’écran d’un poste téléviseur défilent à longueur de journée des conseils pratiques, notamment les mesures-barrières contre le Covid-19, et le mode de transmission.

Pharmaciens, auxiliaires en pharmacie, tous en alerte

Au comptoir, Dr Boni et quelques auxiliaires en pharmacie, tous vêtus d’une blouse et portant un cache-nez, sont sur pied depuis 7h30 pour recevoir les clients. A côté d'eux, l’omniprésent gel hydro-alcoolique. « En voyant les mesures, les populations savent que la situation a changé, le pays est en alerte, nous sommes obligés de faire barrière au Covid-19. Quand ils viennent, nous leur expliquons le respect des mesures sanitaires. Avant d’accéder à l’officine, ils sont systématiquement soumis au lavage des mains. Le personnel en pharmacie a été le premier à être sensibilisé à comprendre l’urgence de contrer cette pandémie », a-t-il expliqué tout en suivant les faits et gestes des clients qui entrent dans la pharmacie.

Ce mercredi 31 mars, la pharmacie Synacassi ne désemplit pas. Des malades de tous âges (jeunes, adultes) et des bien portants viennent qui, pour s'offrir des médicaments pour se protéger de la maladie qui, pour acheter des kits sanitaires entrant dans le cadre de la lutte contre la pandémie notamment les cache-nez, les gels hydro-alcooliques.

Les employées d'une pharmacie appliquent les mesures barrières. (Julien Monsan)
Les employées d'une pharmacie appliquent les mesures barrières. (Julien Monsan)



Marie Chantal Kouassi est caissière. Visiblement épuisée et la voix peu audible, elle tente de rassurer certains clients inquiets du nombre croissant de malades déclarés. « Nous vivons cette situation tous les jours. En contact permanent avec les clients, nous sommes tenus de les rassurer et de leur faire savoir que cette pandémie est une réalité, et qu’il est important de respecter les mesures-barrières. Il faut reconnaitre que nous sommes stressés à l’idée d’être aussi en contact avec le Covid-19 », a-t-elle confié.

Evidemment la caissière porte un masque, son flacon de gel hydro alcoolique à portée de main. Une bonne distance la sépare des clients. Tout comme la pharmacie Synacassi, celle des Finances au Plateau appartenant au Dr Tanoe Angoua Emma, s’est également organisée pour contrer le virus. Pour se conformer à la mesure interdisant tout rassemblement de plus de 50 personnes, la pharmacienne a fait installer une grande bâche à l’entrée de la pharmacie avec des sièges respectant la distance d’un mètre.

Tous les clients sont soumis à la prise de la température, c’est le sésame pour se faire ouvrir les portes de l’officine, à condition bien sûr qu’elle soit normale. Face au défilé des patients, pas toujours patients, Dr Tanoe Emma insiste sur le respect des mesures. « Moi-même, je suis au comptoir avec les caissières ; il y a une caisse dédiée spécialement à la vente des gels hydro-alcooliques. Chaque jour, je fais une démonstration des lavages de mains aux clients ; ce qui les motive à imiter mon geste », a-t-elle dit.

Tout en soulignant l’inquiétude des clients dès l’annonce de la pandémie. « Au début, les clients ont eu peur du confinement. En proie à la panique, au début, des gens ont fait le plein en médicaments, et ce dont ils avaient besoin ». Malgré toutes les initiatives des officines, certaines personnes ne mesurent toujours pas la gravité de la maladie.

Kassy Flaure, caissière que nous avons rencontrée sur les lieux, déplore l’indiscipline de certains clients. « Certains ont du mal à se soumettre au lavage des mains, sous prétexte qu’ils l’ont déjà fait ailleurs. Ce qui nous oblige à faire appel aux vigiles. D’autres ne se soucient guère des distances élémentaires ; il faut toujours les rappeler à l’ordre », a-t-elle expliqué.

Après Akouédo et le quartier des affaires, cap est mis sur Port-Bouët, à la Pharmacie Atlantique. Dans la file d'attente, les nombreux clients respectent à la lettre la distance de sécurité requise entre chaque personne. Ici comme dans les deux officines précédentes, le personnel se protège aussi pour recevoir les clients. Dans cette pharmacie également, la demande en gel hydro-alcoolique est plus forte que l’offre, à preuve, il n’y en a plus dans les rayons. Berthé Namogo, enseignant, se dit désespéré de n’avoir pas eu ce produit après avoir fait le tour de plusieurs pharmacies de la commune.

A l’instar de ses homologues, Dr Kanigui Ouattara, propriétaire de ladite officine, invite les clients au respect des règles d’hygiène. Il leur conseille de se laver les mains avec de l’eau javellisée et du savon, un moyen efficace d'éviter la contamination. « Depuis les deux dernières semaines du mois de mars, nous avons observé plus de 10% d’affluence. Nous recevons les malades et ceux qui, par peur du confinement, viennent acheter des produits de première nécessité, notamment le paracétamol», a-t-il affirmé.

Des clients dans une pharmacie respectent la distanciation. (Julien Monsan)
Des clients dans une pharmacie respectent la distanciation. (Julien Monsan)



Besoin urgent de masques et gels hydro-alcooliques

L’indisponibilité, parfois, de ces kits sanitaires intervenant dans la lutte contre la pandémie, est la principale difficulté à laquelle les pharmaciens font face. Vu la demande de plus en plus forte des populations. « Nous avons un véritable problème de disponibilité des cache-nez, de gels, les produits barrières pour freiner la propagation du virus, face à cette pandémie. L'indisponibilité de produits sur le terrain explique, en partie, la surenchère pratiquée par des opérateurs économiques. C'est dommage quand bien même la demande serait supérieure à l'offre », a expliqué Dr Ouattara Kanigui.

Le professionnel du secteur soutient que ces produits (bien que ce soit du matériel médical) échappent au monopole des pharmacies qui ne sont pas les seules à les importer. Il ajoute que d'autres structures les importent. D'où la flambée des prix des produits et leur manque dans certaines officines à cause surtout des ventes intermédiaires. « Certains fournisseurs ont doublé les prix des gels de 70 ml à 1500 Fcfa, c’est la même chose pour les masques, un carton de 50 masques qui coûtait 3000 Fcfa est vendu chez d’autres fournisseurs à 25 mille Fcfa ; tout cela a entraîné un dysfonctionnement sur le terrain, ce qui a amené le ministère à faire un communiqué invitant au respect des prix homologués », poursuit Dr Kanigui.

Dr Boni, propriétaire de la pharmacie Synacassi, reconnaît la pénurie de ces produits, mais affirme que les grossistes agréés font des efforts pour les faire venir progressivement. Il suggère au ministère de la Santé de réquisitionner tous ces produits sanitaires pour les mettre à la disposition du personnel de santé. « Quand il n’y en a pas suffisamment, il faut accorder la priorité au personnel de santé qui est en avant-garde de la lutte contre la maladie. Parce que si nous n’avons pas de masques dans nos officines, nous ne pourrions pas travailler », propose Dr Boni.

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Les assurances des pharmaciens

Dr Ouattara Kanigui, président de l’Union nationale des pharmaciens privés de Côte d’Ivoire. (Julien Monsan)
Dr Ouattara Kanigui, président de l’Union nationale des pharmaciens privés de Côte d’Ivoire. (Julien Monsan)



La crise sanitaire provoquée par le Coronavirus est bel et bien une réalité en Côte d’Ivoire avec le nombre de contaminés qui ne cesse de grimper. Face à cette pandémie, les pharmaciens rassurent les populations quant à l’approvisionnement des officines en médicaments tant en quantité qu'en qualité.

« Nous rassurons les populations que les quatre grossistes répartiteurs ont des stocks pour environ 4 à 5 mois. Les mesures prises par le gouvernement concernent la fermeture des frontières aux voyageurs, mais pas aux marchandises. Les grossistes continuent, par conséquent, de faire leurs commandes. La Côte d’Ivoire est bien préparée ; nous ferons tout notre possible pour que les médicaments soient accessibles », c’est l’assurance donnée par Dr Ouattara Kanigui, président de l’Union nationale des pharmaciens privés de Côte d’Ivoire.

Dr Tanoe Angoua Emma, pharmacienne. (Julien Monsan)
Dr Tanoe Angoua Emma, pharmacienne. (Julien Monsan)



Dr Boni a, pour sa part, invité ses pairs à ne pas faire de la surenchère. Il les a exhortés à s’assurer de la qualité des produits vendus aux populations et à respecter les prix homologués. « Les prix des gels hydro-alcooliques ont été fixés par le ministère du Commerce dans un communiqué en date du 25 mars 2020.Tous les pharmaciens doivent s’y soumettre », a-t-il insisté.

Quant à Dr Tanoe Emma, elle a invité les populations à ne pas céder à la panique, car convaincue que le secteur pharmaceutique est là pour répondre à la crise du Covid-19. « Notre devoir est de maintenir la chaîne d’approvisionnement. Avec les industries locales et les centrales d’achats, les médicaments seront disponibles ; le secteur pharmaceutique est là pour répondre. C'est notre métier, nous savons où chercher les médicaments », a-t-elle soutenu.

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Dr Arounan Diarra (président de l’Ordre des pharmaciens de Côte d’Ivoire): «Nous demandons aux pharmaciens de s’assurer de la qualité des produits qu’ils dispensent aux populations et de les délivrer aux prix homologués»

Dr Arounan Diarra, président de l’Ordre des pharmaciens de Côte d’Ivoire. (Honoré Bosson)
Dr Arounan Diarra, président de l’Ordre des pharmaciens de Côte d’Ivoire. (Honoré Bosson)



Des informations font état de ce que les pharmaciens ont recours à des sources d’approvisionnement externes en gel hydro-alcoolique. Qu’en est-il réellement ? Et si cette information s’avère vraie, n’y a-t-il pas de risque que des produits de mauvaise qualité se retrouvent dans les officines ?

Les pharmaciens n’ont pas recours à des sources d’approvisionnement externes. Le circuit légal de la distribution dans le secteur pharmaceutique est : fabricant-grossiste, répartiteur-officine et pharmacie-client. Mais il est bon de préciser que si certains médicaments sont soumis au monopole pharmaceutique, d’autres dont le petit matériel, accessoires et produits de parapharmacie sont aussi vendus par d’autres surfaces. En tout état de cause, nous demandons aux pharmaciens de s’assurer de la qualité des produits qu’ils dispensent et de les délivrer aux populations aux prix homologués. Quant au prix des gels hydro-alcooliques, ils ont été arrêtés selon un communiqué du ministre du Commerce en date du 25 mars 2020. Tous les pharmaciens doivent s’y soumettre.

La chloroquine est utilisée comme traitement dans certains protocoles. Que pensez-vous de cette forme de traitement ?

Certaines études menées, notamment en Chine et à Marseille en France ont, en effet, révélé une certaine efficacité de la chloroquine dans le traitement de la maladie à Covid-19. De nombreux pays ont introduit l’association chloroquine + azithromycine dans le traitement de leurs patients. Mais la mesure, ne fait pas l’unanimité dans la communauté scientifique. Par contre, ce qui fait l’unanimité, cette association doit être faite en milieu hospitalier sur des patients déclarés positifs au Covid-19. Ce traitement ne doit donc pas être utilisé ni à titre préventif ni en automédication. C’est le lieu pour moi de demander aux populations de garder leur calme et de ne prendre ces produits que sur prescription médicale.

Des pays voisins expérimentent aussi la pharmacopée traditionnelle. Qu'en est-il en Côte d'Ivoire ? L'ordre des pharmaciens est-il réceptif à ce type de collaboration pour faire face à la pandémie ?

Le secteur pharmaceutique de la Côte d’Ivoire a toujours montré beaucoup d’intérêts pour les produits issus de la pharmacopée traditionnelle africaine. Nous travaillons, d'ailleurs, en étroite collaboration avec les tradi-praticiens. Il leur a été même demandé via le ministère de la Santé de proposer pour analyse et essai des plantes qui pourraient avoir un quelconque effet sur le Covid-19. Bien entendu, tout ceci doit être organisé et encadré.

Le 12/04/20 à 15:49
modifié 12/04/20 à 15:49