Impact économique du Covid-19 : L’Afrique entrera en récession entre -2,1 et -5,1% en 2020, selon la Banque mondiale

Impact économique du Covid-19 : L’Afrique entrera en récession entre -2,1 et -5,1% en 2020, selon la Banque mondiale

Le 09/04/20 à 16:55
modifié 09/04/20 à 16:55
Les pays exportateurs de matières premières minières et pétrolières seront les plus durement touchés, souligne le rapport Africa’sPulse rendu public aujourd’hui à Washington. « La pandémie du COVID-19 a déjà coûté cher en vies humaines et a gravement perturbé l’activité économique dans le monde. L’impact de cette crise sans précédent sur la vie humaine et sur l’économie mondiale reflète la vitesse et la gravité de la contagion, une plus grande intégration des marchés, et le rôle majeur que joue la Chine dans les chaînes d’approvisionnement mondiales, les voyages et les marchés de matières premières. Ainsi commence le résumé analytique du rapport de la Banque mondiale sur la croissance en Afrique (Africa's Pulse) rendu public ce 9 avril avec pour thème phare, l'impact du Covid-19 sur la croissance des pays africains. »

Malgré une arrivée tardive, le virus s’est rapidement propagé en Afrique subsaharienne ces dernières semaines. Au 4 avril, 5 425 cas de COVID-19 étaient confirmés dans 45 des 48 pays d’Afrique subsaharienne. Vu l’insuffisance des capacités de test dans de nombreux pays de la région, il est probable que ce décompte sous-estime le nombre réel d’infections, dit le texte. "Nous prévoyons que la croissance économique en Afrique subsaharienne passera de [2,4] % en 2019 à une fourchette entre -2,1 % et -5,1 % en 2020, ce qui constituera la première récession dans la région depuis 25 ans. Les pertes de production dans la région pour 2020 vont se chiffrer entre 37 milliards et 79 milliards d’USD. La révision à la baisse de la croissance en 2020 reflète les risques macro-économiques découlant de la chute brutale de la croissance du PIB des principaux partenaires commerciaux de la région, particulièrement la Chine et la zone euro, de la baisse des prix des matières premières, de la réduction de l’activité touristique dans de nombreux pays ainsi que des effets des mesures destinées à maîtriser la pandémie mondiale du COVID-19".

« Le COVID-19 frappe les trois plus grandes économies de la région (le Nigeria, l’Afrique du Sud et l’Angola) dans le contexte d’une faiblesse persistante de la croissance et des investissements, et d’un déclin des prix des matières premières. Les prix du pétrole brut et des métaux industriels ont fortement baissé (de 50 et 11 % respectivement entre décembre 2019 et mars 2020). Les simulations des modèles suggèrent que, comparé à un scénario de base sans COVID-19, la croissance moyenne du produit intérieur brut (PIB) réel dans ces trois pays pourrait connaitre une réduction allant jusqu’à 6,9 points de pourcentage en 2020 dans le scénario de base, et jusqu’à 8 points de pourcentage dans le scénario pessimiste. L’Afrique du Sud a le plus grand nombre de cas confirmés dans la région et les mesures strictes de lutte contre le virus et d’atténuation de ses conséquences pèsent sur son économie. »

Généralement, les pays dépendants des exportations minières et pétrolières devraient être les plus durement frappés. La chute de la croissance pourrait atteindre jusqu’à 7 points de pourcentage dans les pays exportateurs de pétrole et jusqu’à 8 points de pourcentage dans les pays exportateurs de métaux, ceci par rapport à un scénario de base sans COVID-19. "Dans les pays ne disposant pas de grandes ressources naturelles, la croissance devrait ralentir, mais rester positive. Elle va s’affaiblir de façon substantielle dans les deux zones de croissance rapide, l’Union économique et monétaire d’Afrique de l’Ouest où l’épidémie se propage rapidement, et la Communauté d’Afrique de l’Est, à cause de la faiblesse de la demande extérieure et des perturbations des chaînes de valeur et des productions nationales. L’activité dans les pays dépendants du tourisme devrait également se contracter fortement en réponse aux fortes perturbations dans les voyages et les activités touristiques".

Dans le scénario de base et dans le scénario pessimiste, la croissance va tomber en dessous du taux régional moyen de croissance démographique de 2,7 %, ce qui veut dire qu’en l’absence de mesures d’atténuation appropriées, l’épidémie de COVID-19 va avoir un impact profond sur le bien-être d’un grand nombre de personnes dans la région.

L’impact négatif de la crise du COVID-19 sur le bien-être des ménages devrait être également considérable.

Dans le scénario optimiste, les pertes de bien-être en 2020 s’élèvent à 7 % par rapport un scénario sans COVID-19, mais pourraient atteindre 10 % si la crise devait se prolonger. La détérioration des termes de l’échange (à la suite à l’effondrement des prix des produits de base) combinée à une baisse de l’emploi se traduit par une forte perte de bien-être pour les ménages.

« Des stratégies ayant pour résultat des blocages des échanges sous-régionaux vont accroître les coûts de transaction et mener à des pertes de bien-être encore plus fortes. En Afrique, une région qui dépend des produits agricoles, ces stratégies auront un impact disproportionné sur le bien-être des ménages à cause des augmentations de prix et des déficits d’approvisionnement. » Si les pays devaient fermer leurs frontières au commerce les pertes de bien-être se montent à 14 % par rapport au scénario sans COVID 19. La fermeture des frontières affecterait de façon disproportionnée les populations pauvres, en particulier les ouvriers agricoles ou la main d’œuvre non qualifiée du secteur informel. Dans ce contexte, les pays africains doivent saisir cette occasion pour renforcer les chaînes de valeur régionales dans le cadre de l’Accord de libre-échange continental africain.

« La crise du COVID-19 contribue également à accroître l’insécurité alimentaire avec, dans plusieurs pays africains, une dépréciation des monnaies combinée avec une augmentation du prix des denrées de base. Cette crise s’ajoute à d’autres crises qui affectent plusieurs endroits du continent, y compris les invasions de criquets pèlerins, la sécheresse, le changement climatique, la fragilité, les conflits, la violence et le sous-développement des marchés alimentaires. Bien que les stocks alimentaires mondiaux soient abondants et que les prix de nombreux produits de base soient stables, les prix d’autres denrées (tel que le blé et le riz) augmentent alors que les monnaies de plusieurs pays se déprécient. La combinaison de ces deux facteurs fait flamber les prix aux consommateurs et contribue à accroître l’insécurité alimentaire, en particulier dans les pays importateurs de produits alimentaires. Simultanément, les revenus des ménages sont en baisse entraînant une réduction de la demande, avec pour résultat l’insécurité alimentaire pour les ménages presque pauvres, pauvres ou vulnérables tels que les réfugiés et les déplacés internes.

« Les chaînes d’approvisionnement agroalimentaire locales enregistrent déjà des perturbations, y compris un accès réduit aux intrants et aux services, des mouvements de main-d’œuvre, des blocages au niveau des transports et des routes, ainsi que des difficultés d’accès au crédit ou aux liquidités. Ces perturbations s’ajoutent aux perturbations des chaînes d’approvisionnement au niveau mondial telles que les interdictions d’exporter qui affectent la sécurité alimentaire de pays africains importateurs de denrées alimentaires. Il y a donc un besoin urgent de réponses politiques mieux coordonnées, fondées sur les faits, et accompagnées de financements, de façon à éviter une crise alimentaire majeure en Afrique résultant du COVID-19.

« Le COVID-19 est susceptible de créer une grave crise en termes de sécurité alimentaire en Afrique subsaharienne. La contraction de la production agricole pourrait aller de 2,6 % dans le scénario optimiste jusqu’à 7 % dans le scénario avec blocages commerciaux. Les importations alimentaires baissent également de façon considérable (de 13 à 25 %) en raison de la combinaison de coûts de transaction plus élevés avec une demande intérieure réduite. » Ces constats reflètent les multiples canaux de transmission du COVID-19 sur l’activité économique en Afrique subsaharienne. Le premier est constitué par les perturbations des échanges et des chaînes de valeur, qui affectent les exportateurs de produits de base de la région.

La suite de ce rapport et l’analyse de contenu dans le magazine Emergence économique du 20 avril.

source : Banque mondiale


Le 09/04/20 à 16:55
modifié 09/04/20 à 16:55